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19-10-2015

12:30

Mauritanie : On vend les écoles primaires pour renflouer les finances publiques

Agoravox - En Mauritanie, le ministère des finances n’a pas trouvé mieux pour renflouer les caisses de l’Etat que de vendre les écoles primaires. Des écoles parcellisées pour en faire des boutiques.

A leur vente, aux enchères, les commerçants se précipitaient pour acquérir des lots de ce qui fut un terrain du savoir et de l’Education de générations entières.

Dans le communiqué annonçant la vente, le ministère des finances mauritanien mentionnait : « Cette opération vise à améliorer d'une part l'aspect urbanistique des quartiers qui abritaient ces écoles et d'autres part encourager les opérateurs économiques à moderniser et développer leurs investissements, en plus des ressources que cette vente va générer pour le trésor public. ».

Si le ridicule, dit-on, ne tue pas, allié au mensonge, il est certainement mortel. Pour qui connait Nouakchott, « l'aspect urbanistique des quartiers », n’existe pas puisque d’urbanisme, au sens rationalisé du terme, il n’y en a point. Des agglomérations érigées à vau-l’eau sans aspects et des gourbis de banlieues, en bidonvilles difformes.

La véritable raison se trouve dans la volonté du gouvernement mauritanien de vendre tout ce qu’il peut pour qu’une nomenklatura généralissime puisse se servir et prospérer ; et ce ne sont pas les lieux cultes du savoir qui vont l’en empêcher. Un gouvernement qui a fait de l’Etat une immense boutique.

Alors que le niveau scolaire est des plus catastrophiques et que les populations pâtissent d’une sous-éducation criante par manque de structures éducatives en quantité et en qualité, l’Etat vend les écoles et s’enorgueillit.

En Mauritanie, la criminalité juvénile est à son summum et toute une jeunesse croupit dans des prisons que l’Etat s’évertue à agrandir et entretenir aux dépens des écoles qu’il vend. Une jeunesse qu’il prive d’une éducation adéquate, et ne lui trouve comme porte pour l’avenir que celle de ses prisons.

En vendant les écoles l’Etat mauritanien sous couvert de « développer les investissements », ouvre des boutiques de la criminalité et fermant lieux de l’Education.

Pour preuve : « Dimanche 27 juillet, au soir, à Dar-Naim-Est (quartier de Nouakchott, fameux lieu de prison d’Etat), une bande de jeunes armés de poignards a attaqué…. un boutiquier » (source : http://rimweb.net/nouakchott-un-boutiquier-attaque-par-une-bande-armee-a-dar-naim)

Ne faîtes pas confiance à un Etat qui vend les écoles….

“Celui qui ouvre une porte d'école, ferme une prison ” Ecrivait Victor Hugo. L’Etat mauritanien, est allé à contresens, Il ouvre les prisons et… vend les écoles. La prison est désormais l’école de la République. Et cela explique que l’Etat, de haut en bas, et la société civile qui l’applaudit naviguent dans la délinquance, morale et matérielle, quotidienne.

Un Etat qui vend les écoles aura tout vendu. L’avenir de ses enfants, l’avenir de générations entières, le devenir de toute une nation. Sacrifiés sur l’autel d’un mercantilisme corruptif qui, déjà, occupe par ses boutiques crasseuses à produits asiatiques, les terrains du savoir de nos petites têtes brunes. Ecole du Marché, Ecole 8…on vend au plus offrant ; qui s’en soucierait ?

“Le commerce est l’école de la tromperie.” ? Disait Vauvenargues ; en Mauritanie, il est pire que cela il est une école de la délinquance instituée en clans, tribus et autres ouailles du pouvoir qui se partagent les prébendes de sa seigneurie au sommet de l’Etat.

Ne faîtes pas confiance à un Etat qui vend les écoles….

"On ne reçoit de l'école que ce qu'on y a apporté" disait, de façon bien illustrée, Bill Watterson. Et qu’est-ce que l’Etat mauritanien y a apporté ? Misère des enseignants, délinquance des élèves, pauvreté des institutions scolaires et corruption des examens. Déjà, l’Etat avait préparé l’école à son bradage, il l’a transformée en lieu de vente et d’achat ; de l’attestation de présence au baccalauréat, tout se vend. Et cette culture de capitulation face à un savoir se devant d’être bien acquis, a semé le mal acquis, jusque dans le gain quotidien.

Ne faîtes pas confiance à un Etat qui vend les écoles….

Pour instruire le peuple, écrivait Tolstoï, trois choses sont nécessaires : "des écoles, des écoles et encore des écoles." (« Anna karenine »),

Ce à quoi les dirigeants mauritaniens ont substitué « …des prisons, des prisons et encore des prisons ». L’école de la délinquance et du déviationnisme social. On y jette tous ceux que l’on veut instruire à la culture de l’Etat : la violence, les coups d’Etats, les coups bas, le mal acquis, le népotisme et la corruption.

En vendant les écoles, la seule instruction que l’Etat reconnait est celle du juge, pas celle de l’académie.

A défaut de mettre le savoir en examen à l’Ecole, l’Etat sait mettre en examen (et en prison), à travers ses juges, ceux qui en savent trop.

Ne faîtes pas confiance à un Etat qui vend les écoles….

"Les dérangements cérébraux sont les plus dangereux : ils font école." (Louis Dumur- Petits aphorismes sur la sottise). Nos dirigeants sont les meilleurs élèves de cette école-là. Ils sont devenus des psychopathes du pouvoir, un pouvoir qu’ils ont squatté soit par la force (putschs) soit par la complicité d’élites véreuse et notables acquis (élections tronquées) et dans tous les cas au mépris du peuple.

On est loin de l’interpellation de Victor Hugo aux membres du Congrès international pour l'avancement des sciences sociales à Bruxelles (le 22 septembre 1862) : « Pour faire un citoyen, commençons par faire un homme. Ouvrons des écoles partout. ».

Une interpellation faite au 19ème siècle ! Au 21ème siècle, nos dirigeants… vendent les écoles. Ils n’ont besoin ni d’hommes, ni, encore moins, de citoyens, ils ont besoin de serfs acculturés, vivotant en grappes tribales, avec un mental moyenâgeux vivifiant le sectarisme et la violence comme au temps des hommes des cavernes.

Aujourd’hui, l’Etat, confondu avec son régime, veut maintenir le peuple dans l’ignorance, en monnayant, au sens propre et figuré, le lieu du savoir par excellence : l’école.

Ne faîtes pas confiance à un Etat qui vend les écoles.

Pr ELY Mustapha



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