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Face à l’occupation coloniale : Peut-on parler de résistance ? (deuxième partie) Par le colonel (E/R) Oumar Ould Beibecar
Le Calame - L’embuscade d’Oum Tounsi.
Rappel historique.
Le Groupement Nomade du Trarza, dont le PC se trouvait à Boutilimit, était composé d’une centaine d’hommes, dont une petite dizaine de français comprenant trois officiers, ainsi que d’une trentaine de tirailleurs négro-africains dont plusieurs mauritaniens et d’une cinquantaine de goumiers originaires des tribus guerrières du Trarza.
Il était appuyé par les postes de Nouakchott et d’Akjoujt, reconstitués en 1929, et par un mejbour relevant de l’autorité de Baba O. Cheikh Sidiye, et avait pour mission de patrouiller sur l’axe Nouakchott-Akjoujt pour barrer la route du sud aux rezzous en marche vers le Sénégal.
Les services de renseignements français avaient signalé le 6 Août 1932, le mouvement d'un important ghazzi qui avait quitté le 26 Juillet la ville de Smara avec pour objectif, le Groupe Nomade du Trarza. Le 17 Août, ces mêmes services avaient signalé le passage de ce ghazzi le 15 Août à Hamédoua (Tijirit).
Les autorités coloniales avaient donné au commandant du GN la mission de l’intercepter sur cet axe, au niveau d’Oum Tounsi, point d’eau incontournable, au cœur de l’Emirat du Trarza.
Le rezzou de 120 fusils, commandé par Sidi ould Cheikh OULD LAROUSSI secondé par Brahim Salem OULD MOICHAN, dont une centaine originaire de la tribu des Oulad Dleim motivé essentiellement par une vendetta contre les guerriers du Trarza, avait repéré le GN le 18 Août au matin, et s’était embusqué aux alentours du puits.
Bénéficiant de l’effet de surprise, il a réussi à détruire plus de 50 % du GN qui avait perdu 39 hommes avec la mort de 6 français dont 1 officier et 5 sous-officiers, 21 gardes maures, 10 tirailleurs, 1 partisan et 1 interprète. Le commandant du GN avait pu regagner son PC avec une soixantaine d’éléments dont 20 blessés et 1 tirailleur porté disparu.
Cependant ce rezzou n’est pas sorti indemne de cette bataille, il a perdu 27 hommes dont son chef, mort le lendemain des suites de ses blessures, et avait pu se retirer à Smara avec 22 blessés.
Quelques mois avant Oum Tounsi, des Ghazzis des Oulad Dleim avaient subi plusieurs revers à Techle, à Aghweinit et ailleurs par des ghazzis des Leuleb, redoutable tribu guerrière du Trarza chargée d’assurer la sécurité et la défense du flanc nord de l’Emirat, dans plusieurs batailles fratricides entre Béni Hassan.
Les rescapés Oulad Dleim, de ces combats, motivés par la perte de plusieurs des leurs, parmi les plus courageux, dont Cheikh Ould Laaroussi, père du chef du ghazzi d’Oum Tounsi, abattu par Sidna Ould MAYEGHBA dans l’une de ces batailles, et plusieurs autres se sont repliés vers Smara pour organiser la riposte qui va aboutir à l’embuscade d’Oum Tounsi, sachant que les braves guerriers de Leuleb à l’origine de leur cuisante défaite, et particulièrement le téméraire tireur d’élite Mohemdoumou Ould Gtheith qui pouvait à lui seul vaincre tout un ghazzi, avaient regagné les rangs du GN du Trarza sur recommandation du pacificateur Cheikh Baba Ould Cheikh Sidiye
La lettre de la compromission.
Comme je l’avais déjà démontré en Août dernier, la preuve qu’il s’agissait bien de vendetta est que ce ghazzi, qui avait quitté son Rio d’Oro occupé par l’Espagne, le 26 juillet 1932, n’avait pas laissé derrière lui une région libérée. Et, il n’était pas, non plus, venu pour libérer le Trarza avec lequel il avait beaucoup d’hostilités.
Aussi dans son offensive, sur une distance de plus de 1000 km, avait-il évité volontairement, les villes de Nouadhibou, de Fdérik, de Bir Mogrein, d’Atar et d’Akjoujt où il y avait des unités coloniales françaises bien connues. Donc des objectifs militaires importants et à sa portée, mais le but à atteindre du ghazzi n’était pas les colons français, sa mission principale était bien de se venger de ses cousins terrouzi.
Une lettre envoyée secrètement, au Colonel Tranchant, par les chefs Oulad Dleim, écrite le 2 décembre 1932 à Atar, 107 jours après l’embuscade d’Oum Tounsi, citée par Jean PERRIGAULT dans son livre « On se bat dans le désert » pages 149 et 150, signée par : Ely Ould Maichane, des Lekliga, Ahmed Ould Ely, des Oulad Bamar, Sidi Mohamed Ould Omar Ould M’Barek, des Serahna: Ahmed Ould Yarb, des Oulad Tegueri, et la totalité de la djemaa des Oulad Deleim du cercle de l’Adrar, dont voici la teneur, confirme cette allégation.
« Nous restons attachés à la convention qui nous unit, nous y sommes même plus attachés que précédemment. Et il sera ainsi, que nous soyons près ou loin de vous. Mais les Trarza, ou plutôt les Euleb, nous ont fait ce que vous savez. Les jours se suivent, tantôt favorables tantôt défavorables. Telle est la situation qui a existé depuis toujours entre les Euleb et nous. Nous n’avons voulu atteindre que les Euleb.
La preuve, c’est que nous avons évité les Ben Otman (guerriers de l’Adrar), les Oulad Ahmed Ben Daman, ainsi que les pelotons. Nous sommes allés droit à nos ennemis. Ceux-ci ayant su que nous arrivions sont partis à la rencontre du groupe adverse. L’action s’est déroulée en terrain découvert ; les partis ennemis étaient face à face ; aucun ne s’est dérobé à la lutte.
• Il est arrivé ce qui est arrivé. Gloire à Allah !
• Nous ne voulons que la paix et l’amitié.
• Le calomniateur détruit en une heure ce que le magicien ne détruirait pas en un an.
Méfiez-vous de ceux qui calomnient. Car ils ne poussent qu’à la guerre et ne poussent à la guerre que les gens maudits. Dieu a dit à ce sujet : « Satan est l’ennemi des hommes que les hommes considèrent comme un ennemi. Salut »
Les Oulad Dleim n’avaient pas atteint leur objectif car le héros Mohemdoumou Ould Eghteit et plusieurs de ses cousins, goumiers du GN du Trarza avaient survécu à cette embuscade et avaient même joué un rôle déterminant dans la reprise de l’offensive.
Le héros est mort tranquillement chez lui en 1973 et le dernier de ses compagnons Mohamed Salem Ould Sidi Ould Moktar est mort un peu plus tard, au milieu de ses enfants. Puisse le tout puissant les accueillir dans son paradis avec tous nos autres martyrs.
Cette lettre contredit les allégations du grand notable Oulad Dleim, Brahim Ould Boydaha qui confirmait dans un article paru le 23 janvier 2012 intitulé SOS pour le monument aux morts d’Oum Tounsy : « la motivation profonde de ELMOUJAHIDIA était ‘’CHAHADA’’ et non le butin ». Comment à cette époque, des gens qui étaient venus supplier un tombeau de Othmane OULD HAMOU, selon Devali OULD CHEINE, avant leur combat décisif, comme s’il pouvait leur prêter main forte, pouvaient-ils parler de Chahada ?
Dans son SOS Ould BOIDAHA écrivait : « Il sied à tout mauritanien honnête et digne de ce nom d’assurer, à ce lieu historique et volet important de notre passé, respect et préservation pour la mémoire de nos MORTS des deux côtés et les français doivent se joindre à nous pour défendre leurs valeurs traditionnelles, le respect du sang de leurs fils et pour cette même cause dans laquelle ils ont démontré encore qu’ils sont plus honnêtes que nous intellectuellement et moralement. »
A la fin de son SOS, Ould BOIDAHA avait lancé cet appel : « Je lance un appel aux ministères de l’éducation et de la culture, à l’ambassadeur de France en Mauritanie et à l’Unesco pour la préservation de ce site historique, faisant partie du patrimoine historique national auquel ’’ les français sont liés par leur sang, l’honneur et l’histoire’’ et demande aux mauritaniens dignes de ce nom de se joindre à moi pour renforcer cet appel de détresse. » Comprendra qui pourra.
Aujourd’hui, la déception d’Ould BOIDAHA a sans doute disparu depuis que, par la volonté du chef de l’Etat, plus royaliste que le roi, et uniquement par sa volonté, Oum Tounsi va rayonner en s’identifiant au nouvel aéroport.
Il existe déjà, une grande avenue, une école, et tout un quartier à Dakhla, capitale de notre Tiris Elgharbiya, qui portent le nom d’OUM TOUNSI. Mais le nouvel aéroport de Nouakchott ne portera jamais le nom de OUM TOUNSI, même si le chef de l’Etat actuel a choisi obstinément le camp de ces imposteurs qui veulent profiter de la complicité de la République, pour se faire passer pour des héros, en falsifiant notre histoire, au détriment de nos vaillants pacificateurs qui avaient vaincu ces récalcitrants et contribué à la naissance de notre chère Mauritanie.
La lettre des Oulad Dleim aux français contredit aussi les allégations de Devali Ould CHEINE, ce baathiste hassanisant, devenu comme tous les baathistes un tribaliste irréductible, selon lesquelles le ghazzi de Smara avait essentiellement pour objectif de venger leur neveu, l’émir de l’Adrar.
Alors que les véritables oncles de l’émir farouches et téméraires, se trouvaient en Inchiri, non loin d’Oum Tounsi et qu’un bon groupe parmi eux faisait partie des effectifs du GN du Trarza ce 18 août 1932, dont le grand guerrier WEDDAD père du doyen de nos martyrs de la guerre du Sahara aujourd’hui oubliés, le commandant Soueidatt OULD WEDDAD.
Pour venger l’émir, de la manière la plus courageuse et la plus spectaculaire, il était plus logique et plus significatif de cibler le groupe nomade de Chinghitty, commandé par le capitaine Charles LECOQ de 1931 à 1935, auteur principal de la mort de l’émir le 19 mars 1932 à WEDYANE EL KHAROUB, qui rayonnait tranquillement dans l’Adrar, au même moment, à partir de Chinguitti.
Cette lettre des Oulad Dleim, tout en confirmant cette vendetta, révèle cependant, ce qui est plus grave, l’existence d’une convention entre eux et les colons français, ce qui discrédite, si besoin était, le fait de considérer cette bataille comme la plus grande action de « résistance nationale » en lui donnant le nom du nouvel aéroport de Nouakchott.
Le pouvoir actuel, qui défend aveuglément l’hypothèse de ces faux résistants, ferait mieux de demander l’avis technique du ministère de la culture et des historiens pour éviter de se ridiculiser devant l’histoire, au lieu de s’acharner contre la famille du père de la nation qui n’a fait qu’exprimer un vœu, qui est d’ailleurs celui de la majorité des citoyens de ce pays.
Nous les enfants de ces nombreuses tribus arabo-berbères et négro-africaines ( de 80% du peuple mauritanien), qui avaient répondu honorablement à la fatwa des deux cheikhs de l’Emirat du Trarza, le salafiste Baba OULD CHEIKH SIDIYA et le souffiste Cheikh Saadbouh OULD CHEIKH MOHAMED VADEL, convaincus par Coppolani, en portant les armes sous le drapeau français pour pacifier notre pays, déstabilisé par des émirs laïcs et sanguinaires, ainsi que par des bandes de pilleurs sans foi ni loi.
Nous les enfants des interprètes, des gardes-cercles, des goumiers, des tirailleurs, des partisans, des fonctionnaires de la coloniale, pionniers de la pacification.
Nous les enfants d’autres émirs et chefs de tribus reconvertis en pacificateurs.
Nous les enfants des ressortissants de l’Emirat du Trarza instigateur de la pacification.
Nous les enfants des vainqueurs.
Nous les enfants du GN du Trarza.
Nous les enfants du père de la nation et de ses compagnons fondateurs et bâtisseurs de la République.
Nous les enfants des martyrs de la pacification, et particulièrement les enfants des victimes mauritaniens de l’embuscade de d’Oum Tounsi dont on veut immortaliser le massacre, par des étrangers Sahraouis.
Nous tous, nous refuserons cette traitrise et cette humiliation et nous la combattrons avec la dernière énergie.
L’aéroport de Nouakchott portera dés que possible son vrai nom, celui du Président Moktar Ould DaddahH, le père fondateur et bâtisseur de la Mauritanie moderne. Celui qui a servi fidèlement la République et qui ne s’en est jamais servi. Advienne que pourra.
A suivre