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26-01-2016

19:54

Dr Mariella Villasante : Chronique politique Mauritanie, Décembre 2015 (1), Crise économique, pauvreté,tension sociale..

Adrar-Info - Crise économique profonde, grande pauvreté et tensions sociales. La culture comme voie de résilience collective. La Mauritanie traverse une période de grave crise économique et sociale renforcée au cours de l’année 2015. Les ambassades des pays occidentaux se sont déclarées « préoccupées par le marasme économique, marqué par la cessation des paiements et la remise en cause de projets de développement »[1].

Cette situation inquiétante, notamment en milieu rural et dans les bidonvilles des grandes villes de Nouakchott et de Nouadhibou, est pourtant niée par le chef de l’État, comme il l’a expliqué lors de sa conférence de presse à Nouadhibou, dans le cadre de la fête nationale du 28 novembre dernier[2].

Les graves tensions sociales issues en particulier des dénonciations de la persistance de l’esclavage [ou formes extrêmes de dépendance] dans le pays ont été, elles aussi, rejetées par le président Mohammed Ould Abdel Aziz, montrant par là, encore une fois, le déni de réalité dans lequel son gouvernement a préféré s’enfermer[3].

Cette situation préoccupante pour le peuple mauritanien se répète, sans changements majeurs, depuis la création du pays en 1960, mais surtout au cours des régimes autoritaires (1978-2005) et des régimes autoritaires sous façade démocratique (depuis 2005).

En dépit des déclarations du Premier ministre Yahya Ould Hademine devant le Parlement (le 5 janvier) sur les « améliorations de la bonne gouvernance », la Mauritanie vient d’être classée dans le groupe de « régimes autoritaires », aux côtés de l’Algérie et de la Libye.

Selon le classement de l’index démocratique proposé par The Economist Intelligence Unit, elle occupe la 117e place sur un total de 167 pays classés selon leur degré de démocratie[4]. Or, nier les problèmes du pays et choisir de ne pas les reconnaître pour chercher des réponses cohérentes et viables rend impossible toute amélioration réelle de la vie économique, sociale et politique de la Mauritanie.

Quelques chiffres issus des résultats provisoires du Recensement de 2013. Les Mauritaniens recensés étaient 3 537 368, mais le chiffre actuel doit être proche des 4 millions. Le pays est urbain à 48% et rural à 52%. Nouakchott concentre 27% de la population totale et 56% de la population urbaine.

Les nomades ne représentent plus que 1,8% des Mauritaniens. Les régions le plus densément peuplées sont le Hodh Chargui (430 668 hab.), le Gorgol (335 917 hab.), l’Assaba (325 897 hab.), le Brakna (312 277 hab.), et le Hodh Garbi (294 109 hab.).

On dénombre 50,7% de femmes, et 49,3% d’hommes. La population reste très jeune 74% a moins de 15 ans, la moitié de la population a entre 15 et 59 ans, et les personnes âgées de plus de 60 ans ne représentent que 5,6% du total. L’espérance de vie est de 60 ans. Le taux de mortalité est très haut (10,9%), ainsi que le taux de mortalité maternelle (582/100,000). L’analphabétisme des femmes est de 36% et celui des hommes de 29%.

Depuis plusieurs années, les graves problèmes internes de la Mauritanie ont été quelque peu cachés par les actions publiques destinées à améliorer la question sécuritaire. Ainsi, le rôle de la Mauritanie en tant que partenaire incontournable dans la lutte contre le terrorisme islamiste d’Al-Qaeda au Maghreb Islamique (aqmi) et plus récemment contre l’État islamique au levant [EI], a joué en faveur de cette stratégie étatique.

Pendant longtemps, les partenaires occidentaux et asiatiques ont choisi, eux aussi, de ne pas relever les questions gênantes qui pesaient et qui pèsent toujours sur le pays pour conserver de bonnes relations bilatérales.

Nous arrivons cependant à une limite. Alors que la Mauritanie continue à recevoir une aide internationale massive, et qu’elle a choisi d’investir dans l’achat d’armements militaires, la chute des prix des matières premières (le fer, l’or, le cuivre) a enfoncée le pays dans la ruine. Mais le gouvernement continue à prétendre que tout va bien… C’était en effet le message du 25 novembre diffusé par TV5, qui a surpris les analystes mauritaniens et étrangers[5].

Ce message irréaliste accroit la préoccupation des pays occidentaux et asiatiques sur la suite des événements. Le fond de la crise actuelle se situe en effet sur le plan de l’économie, de la mauvaise gestion des aides internationales, et de l’inexistence de plans de développement alternatifs.

Cette situation explique autant l’augmentation de la pauvreté extrême de la majorité des Mauritaniens, que l’aggravation des tensions sociales autour des questions identitaires et des questions de l’asservissement statutaire auxquelles sont confrontés des milliers de personnes.

A côté de la grande pauvreté se développe également un enrichissement inédit des élites mauritaniennes, et des hommes d’affaires étrangers (Maroc, Turquie, Liban) qui centrent leurs investissements sur le commerce et les services, peu créateurs d’emplois.

Pourtant, de manière parallèle à cette crise, se développe un enthousiasme porté par la jeunesse mauritanienne pour les affaires culturelles et artistiques en général. Le domaine culturel, longtemps délaissé et/ou improvisé, s’est considérablement amélioré avec la nomination d’une nouvelle ministre, Mme Hindou Mint Aïnina, qui est en train de transformer de manière très positive la culture du pays, dans le cadre de la diversité mauritanienne.

Évidemment, beaucoup reste à faire, mais le Programme de revalorisation de la culture lancé cette année, peut représenter, à terme, une source importante de construction nationale.

Mme Hindou Mint Aïnina, Ministre de la Culture et de l’artisanat (Noor Info)

La crise de l’économie : baisse du prix du fer et défauts de payements

Les indicateurs économiques actuels de la Mauritanie sont accablants. Sur une population totale de 3,970 millions de personnes en 2014, la pauvreté concerne encore 42% de la population [elle touchait 51% de la population en 2000], l’espérance de vie à la naissance est de 63 ans, et la vie économique des derniers mois est marquée par l’effondrement du prix du minerai de fer. En effet, selon la Banque mondiale[6] :

« En 2015, la croissance annuelle de son produit intérieur brut (PIB) réel devrait se tasser à 3,2 % sous l’effet de l’effondrement des cours du minerai de fer au second semestre de 2014. En revanche, l’agriculture et la pêche devraient progresser au rythme de 4 %. Le secteur de la pêche reste dynamique et bénéficie de la finalisation (en juillet 2015) d’un accord bilatéral qui a été longtemps négocié avec l’Union européenne.

Le secteur des services est le plus important contributeur à la croissance du pays, avec le secteur primaire. Du côté des dépenses, un net repli de l’investissement privé a largement comprimé (de quelque 24 %) la formation de capital fixe au cours de l’année écoulée.

La profonde dégradation des termes de l’échange (-23 % en 2014 et -11 % en 2015) a contraint les autorités mauritaniennes à dévaluer l’ouguiya : la monnaie nationale s’est dépréciée de 5 % par rapport à 2014, après s’être appréciée en valeur réelle du fait du différentiel d’inflation avec les principaux partenaires commerciaux du pays. Cependant, l’inflation reste contenue. À 4,5 %, elle ressort en légère hausse par rapport à 2014. »


Selon le même rapport, le pays utilise de manière inefficace ses ressources naturelles, l’économie manque de diversification, et les affaires publiques sont mal gérées. En effet :

« La Mauritanie souffre de nombreux problèmes de développement, notamment de l’utilisation inefficiente des recettes provenant de ses ressources naturelles, de son déficit de compétitivité, de son manque de diversification et d’une mauvaise gestion des affaires publiques.

Utilisation inefficiente des ressources

Les industries extractives, qui sont le moteur de la croissance du pays, créent très peu d’emplois. Il est donc impératif que l’État mauritanien adopte un régime fiscal approprié, qui lui permette à la fois de recouvrer une proportion équitable des bénéfices financiers liés aux ressources naturelles et de promouvoir des politiques bien structurées, axées sur le réinvestissement de ces bénéfices ainsi que sur l’investissement, de façon à générer des rendements pérennes et mieux répartis.

Les secteurs de l’agriculture et de la pêche, qui emploient la majeure partie de la main-d’œuvre et qui offrent un potentiel significatif, sont encore peu productifs et restent vulnérables aux effets du changement climatique.

Manque de diversification et déficit de compétitivité

La compétitivité de la Mauritanie pâtit de la petite taille de l’économie formelle, du manque de diversification et de la fragilité du cadre juridique. Depuis les années 1990, les exportations du pays se limitent aux produits des activités minières et de la pêche, qui, en moyenne, ont représenté les quatre cinquièmes du total exporté de 1990 à 2000.

Ces dernières années, exception faite du pétrole brut, la Mauritanie n’a pas diversifié son économie. Au contraire, elle a encore plus concentré ses exportations entre 2012 et 2013 : sur cette période, le minerai de fer est entré pour plus de la moitié dans le total exporté. Mauvaise gestion des affaires publiques

La lutte contre les inégalités et la redistribution de la richesse sont deux grands défis que la Mauritanie est à même de relever, à condition de poursuivre ses efforts en faveur d’une bonne gouvernance, en particulier dans le secteur minier et dans les entreprises d’État. La bonne gouvernance joue également un rôle essentiel dans le renforcement de la résilience sociale qui facilitera l’amélioration des services de santé (santé maternelle et infantile et diminution de la mortalité des enfants, en particulier) et la lutte contre la faim. »


L’effondrement du prix du fer a approfondi une crise qui dure depuis plusieurs années et qui risque d’empirer car le minerai de fer est excédentaire sur le marché mondial. Selon un rapport du Fonds monétaire international [FMI][7] :

« Les retombées mondiales des marchés du minerai de fer. Le minerai de fer représente environ la moitié des exportations de la Mauritanie. La demande mondiale de minerai de fer est largement tributaire de la Chine qui importe environ les deux tiers du volume mondial. Avec les prix record de ces dernières années, l’offre de minerai de fer a pris son essor dans l’attente de l’accroissement de la production d’acier de la Chine.

Toutefois, les analystes ont relevé des signes d’offre excédentaire et prévoient que les fournisseurs les plus importants du monde, l’Australie et le Brésil, saisiront cette occasion pour minimiser la concurrence. Les marchés à terme du minerai de fer, environ 64-66 millions de dollars en 2015-16, indiquent une nouvelle baisse de 20 pour cent des prix en deçà des projections inscrites dans la référence.

Si ces prix se concrétisaient, cela présenterait des risques pour les recettes budgétaires de la Mauritanie en raison de la baisse de la contribution de dividendes de SNIM, de la dynamique de la balance des paiements par le biais du fléchissement des recettes en devises et enfin, d’une croissance économique potentielle décevante si l’expansion prévue de la capacité minière n’a pas lieu ; la faisabilité du projet dépend de l’écart des prix par rapport aux prix minimum des projets.

Scénario baissier. Dans un scénario différent (quelque peu extrême) sans expansion minière au-delà du projet Gelb II pratiquement terminé et sans contribution de dividendes de SNIM au budget en 2015-20, la croissance économique serait inférieure de plus de 3 points de pourcentage pour 2018-19 par rapport à la référence et la situation budgétaire se dégraderait nettement à moyen terme — avec un déficit budgétaire additionnel de l’ordre de 1,6 pour cent à 2,5 pour cent du PIB hors industries extractives.

Bien que les transferts privés et autres entrées de fonds propres en 2015-17 appuieront les niveaux de réserves, à compter de 2018, l’annulation de mines supplémentaires ferait baisser les exportations minières et creuserait le gap de financement extérieur pour 2018-20. Pour atténuer les effets immédiats, les autorités devront réagir à l’aide des outils de politique économique qui sont à leur disposition.

L’affaiblissement des fondamentaux se traduira par une nouvelle dépréciation de l’ouguiya. Il est probable que le gouvernement devra hiérarchiser son plan d’investissement public pour assurer une épargne budgétaire optimale sans sacrifier les projets d’investissement les plus urgents.

En même temps, le pays devra accélérer ses plans de diversification de l’économie en s’écartant des projets miniers afin que le potentiel soit maintenu sans l’expansion minière. Il serait souhaitable que le gouvernement trouve la combinaison appropriée de politiques pour minimiser la pénurie de recettes en ajustant les dépenses, en accroissant les recettes et en recherchant un soutien budgétaire additionnel de la part des bailleurs de fonds. »


Comme d’habitude, le FMI présentait un scénario optimiste au début 2015, prévoyant une stabilisation du prix du fer à 72US$ et une amélioration du potentiel du développement. Cependant, on constate que le prix du fer reste très bas, environ 60 dollars la tonne, alors qu’il était à 120 dollars/tonne en 2014.

Jeune Afrique, avril 2015

Selon Magnus Ericsson, directeur associé chez SNL Metals & Mining[8], en avril le prix du fer était tombé à 45 dollars la tonne, mais le prix est remonté en mai, par l’arrêt de la production de certains projets en Chine, aux Philippines, au Honduras et en Birmanie. Cependant :

« Mais finalement, même à 60 dollars la tonne, les cours du fer restent bas par rapport à leur niveau de 120 dollars la tonne il y a un an. Contrairement à ce que pensaient les analystes, les géants du cartel du fer comme Rio Tinto, BHP Billiton et Vale, qui avaient les moyens d’empêcher la chute des cours en limitant leurs propres productions, ont préféré les laisser sombrer. Positionnés sur des actifs massifs et à bas coûts, ils ont sans doute volontairement mis en péril les trop nombreuses nouvelles mines de leurs concurrents, plus petits.

Les cours du fer devraient rester bas – en dessous de 70 dollars la tonne – pendant encore au moins un an mais je reste optimiste sur le long terme. La reprise devrait survenir en 2017. »


Comme on le sait, en Mauritanie, l’exploitation du fer génère plus de 90% des ressources financières de l’État et pour limiter l’impact néfaste de la chute des prix du fer, la Société nationale industrielle et minière (SNIM) a conçu un plan stratégique dénommé NOUHOUDH.

Ce plan vise à porter la production du fer à 40 millions de tonnes/an en 2025 ; avec ce niveau de production, le pays qui occupe actuellement le 13e poste, considère pouvoir intégrer le groupe des 5 grands producteurs de la planète (Chine, Australie, Brésil, Inde, Russie, qui produisent 75% de la production mondiale. Cet objectif semble cependant difficilement atteignable selon l’analyste Mays Mouissi[9]. Plus précisément :

« Si la chute des prix du fer se poursuivait cette stratégie pourrait très vite montrer ses limites. Bien que les projections des analystes divergent, Citygroup estime dans une étude récente que le prix de la tonne de fer devrait continuer de reculer pour s’établir à 40 USD la tonne dès cette année. Dans ce contexte déflationniste, accroitre la production de fer en Mauritanie aurait peut-être pour effet de stabiliser les ressources générées par la filière. »

De fait, la Mauritanie continue à proposer des plans d’extraction du minerai brut sans tenir compte du fait que le fer n’est plus utilisé à l’état brut dans le monde ; ainsi, comme le signale Mays Mouissi, il serait urgent de créer un programme nationale de transformation et de valorisation du minerai de fer. En effet :

« La quasi-totalité du fer produit sur la planète est vouée à la transformation. La différence observée sur les marchés entre les cours du fer et les alliages auxquels il concoure et à tonnage équivalent démontre tout l’intérêt que la Mauritanie aurait à valoriser son fer avant de l’exporter.

Ainsi quand la tonne de fer s’échange à 50 USD, la tonne d’acier inoxydable s’établit à 2 500 USD (soit 50 fois plus). Par ailleurs, le développement d’industries de transformation en Mauritanie aurait nécessairement un effet d’entrainement positif pour d’autres secteurs puisque ces industries nécessitent la construction de centrales électriques ou le renforcement des capacités du port de Nouadhibou.

Quant à l’objectif de la Mauritanie d’intégrer en 2025 le top 5 mondial des pays producteurs de fer avec une production annuel de 40 millions de tonnes, il parait trop ambitieux. En effet, la Russie, 5e producteur mondial de fer produit déjà plus de 100 millions de tonnes/an. Avec ses 40 millions de tonnes en 2025, la Mauritanie sera au mieux dans le top 10. »


Les exportations des produits miniers et halieutiques : à l’état brut

Le journaliste Cheikh Sidya[10] signale que « l’essentiel de la production mauritanienne est constituée de produits bruts sans aucune valeur ajoutée. Ce qui réduit significativement les recettes des exportations et la création d’emplois en Mauritanie. » Plus précisément :

« La structure des exportations durant le troisième trimestre montre une prédominance des minerais et métaux (50,3%) et produits de la pêche (37,9%). Les exportations de minerai de fer et dérivés (16,5% des exportations globales) se sont élevées à 23,51 milliards d’ouguiyas, soit environ 70 millions de dollars. Elles enregistrent une baisse de 22,5% en comparaison avec le trimestre précédent. Ces exportations sont principalement destinées au marché de la Chine (67,4%), à l’Italie (18,4%) et à l’Allemagne (10%).

Les exportations de l’or, d’une valeur globale de 21,23 milliards d’ouguiyas, environ 64 millions de dollars, sont en baisse de 6,7% par rapport au deuxième trimestre de l’année 2015. La Suisse est le principal client de l’or mauritanien. Quant au minerai de cuivre et ses concentrés, les exportations s’élèvent à 26,82 milliards d’ouguiyas, soit environ 79 millions de dollars, et affichent une hausse de 14,4% comparativement au trimestre précédent.

Les exportations des produits de la pêche industrielle sont composées essentiellement de poissons frais, réfrigérés ou congelés (85,6% des exportations de produits halieutiques). Elles ont connu une hausse de 12,5%. »


Prêts saoudiens pour sauver la Mauritanie de la crise financière

Pour palier la mauvaise situation financière de la Mauritanie, et malgré son propre déficit budgétaire du à l’effondrement des prix du pétrole[11], l’Arabie Saoudite a accordé de nouveaux prêts à des taux très favorables. De fait, il s’agit du renouvellement d’une tradition d’aide qui existe depuis au moins une bonne dizaine d’années.

En 2011, Les saoudiens accordaient un financement de 37 milliards d’ouguiya pour des projets d’infrastructures (ligne électrique HT reliant Nouakchott et Nouadhibou). Le second concernait un prêt de 8,6 milliards d’UM pour financer la construction de la faculté des sciences juridiques et économiques, un campus et des annexes pour la nouvelle Université de Nouakchott (Noor Info du 24 novembre 2011).

En décembre 2014[12], la Mauritanie a reçu près de 34 millions de dollars destinés à financer le Projet agricole de Rkiz (5 700 hectares de superficies agricoles et réhabilitation de 1000 hectares).

• Au mois de mai 2015, l’Arabie Saoudite a accordé plusieurs aides financières à la Mauritanie pour faire face à l’insuffisance des liquidités du pays, un premier versement de 50 millions de dollars a été suivi par une aide globale d’environ 300 millions de dollars versés au cours de l’année 2015. En effet, selon le site Adrar Info[13] (Tawari, Cridem) :

« L’Arabie attend la réception d’études détaillées sur les importants projets économiques intégrés de la Mauritanie pour avaliser un financement qui pourrait atteindre selon des sources concordantes 500 millions de dollars. Le Président mauritanien s’est entretenu le 8 avril dernier au palais royal de Riyad avec le Serviteur des Lieux Saints, Sa Majesté le Roi Selmane Ibn Abdel Aziz Al Saoud.

Les entretiens entre les deux dirigeants avaient porté sur les derniers développements au niveau régional et international ainsi que sur les questions d’intérêt commun et la coopération entre les deux États. »


Le président Aziz en visite à Riyad, avril 2015 (AlHassad.net)

Le directeur du Commissariat à la sécurité alimentaire [CSA] et Atallah Ben Ahmed Anzi al-Arbie (Cridem)

En outre, comme les années précédentes, en mai 2015, la Mauritanie recevait 100 tonnes de dattes d’aide alimentaire de l’Arabie Saoudite, le don a été remis au commissariat par Atallah Ben Ahmed Anzi al-Arbie, chargé de mission à l’ambassade saoudienne à Nouakchott. Ce dernier a expliqué qu’il s’agit pour l’Arabie Saoudite de « venir en aide aux populations démunies de Mauritanie surtout en cette période de manque de pluies et d’existence de conditions peu favorables à l’agriculture ». (Tawary[14], trad. Cridem du 15 mai 2015).

Découverte de gaz naturel

• En avril, la société nord-américaine Kosmos Energy a annoncé la découverte de gaz naturel en offshore, à 1 600 mètres de profondeur, dans le sud du pays, à proximité de la frontière avec le Sénégal (RFI du 27 mai[15]).

• En novembre, Kosmos annonçait une seconde découverte au large des côtes mauritaniennes, selon Financial Afrik[16] :

« Ce gaz est localisé dans un puits d’exploration situé au niveau de la partie Nord du Bloc C-8. Il s’agit de la deuxième découverte de KOSMOS au large des côtes mauritaniennes au cours de l’année 2015. « Les premières analyses des éléments issus d’un forage, montre une couche productrice de gaz nette d’au moins 70 mètres (soit 230 pieds) dans les intervalles du cénomanien supérieur et inférieur. Les sables du réservoir sont d’excellente qualité ».

Ce puits, foré à 2 400 mètres de profondeur, est situé à 60 kilomètres au nord de la première découverte de gaz dans le bassin (Ahmeyim). « La deuxième découverte de l’année 2015 pousse la réussite à un taux exemplaire de 100% dans le système pétrolier du crétacé au large des côtes de la Mauritanie ». Le navire de forage se déplace actuellement vers la partie sud du Bloc-C8. »
(Amadou Seck)

La société Kosmos[17], dont la licence d’exploration date de 2012, annonce que les recherches continuent dans trois secteurs [C8, C12 et C13] comprenant environ 27 000 kilomètres, et que les gisements concernent le gaz mais aussi le pétrole. Les réserves de gaz se trouvent entre 950-2750 mètres dans le secteur C8 ; entre 1 500-2 450 mètres dans le secteur C12 et enfin entre 2 750-3 000 mètres dans le secteur C13. Plus précisément :

« We drilled our first well offshore Mauritania in the southern part of block C8 in early 2015. The Tortue-1 exploration well made a significant and play-opening discovery and, based on preliminary analysis of drilling results, encountered 117 meters of net hydrocarbon pay. Kosmos made a second major gas discovery in the northern part of block C8 later in 2015 with its Marsouin-1 exploration well, which encountered at least 70 meters of net gas pay. »

• Le 8 janvier 2016, Yahya Ahmed Waghf, ancien Premier ministre et opposant au régime actuel, a déclaré que « l’absence de vision stratégique et l’instabilité politique constituent les deux obstacles majeurs de l’économie mauritanienne, malgré les importantes potentialités dans les trois secteurs clés que sont l’agriculture, la pêche et les mines. » (Noor Info[18]). De son côté, le ministre du Pétrole, de l’énergie et des mines, Mohamed Salem ould Bechir, a présenté, devant l’Assemblée nationale, des chiffres sur les réserves minières :

« Outre le fer minerai le plus exploité en Mauritanie, le ministre également estimé les réserves mauritaniennes en sel à (plus de 245 millions de tonnes), en phosphate (140 millions de tonnes), en gypse (100 millions de tonnes), en cuivre (28 millions de tonnes), en or (25,5 millions d’onces) et enfin le quartz, benjamin des mines du pays (plus de 11 millions tonnes).

Ould Béchir a également fait savoir que 82 opérateurs (nationaux et étrangers) et 125 permis de recherche et prospection « pour l’ensemble des catégories »
figuraient sur le registre minier en 2015. Le ministre a dans le même sens indiqué que 13 permis d’exploitation du fer, cuivre, de l’or, du sel et du quartz ont été délivrés.

Ahmed Salem ould Béchir a par ailleurs estimé à plus de 115 milliards d’Ouguiyas, la contribution de la production minière au budget de l’État. Selon lui, la production a atteint 13 millions de tonnes pour le fer (SNIM) en 2014, tandis qu’elle est de 31 000 tonnes pour le Cuivre (MCM). En ce qui concerne l’Or, les sociétés MCM et Tasiasst ont respectivement produit 44500 onces d’or et 262 000 onces d’or, en 2014. » (Al Akhbar, Norr Info).

On constate que le ministre Bechir ne fait aucune allusion à la chute des prix du minerai du fer et ses conséquences pour l’économie mauritanienne ; il n’évoque pas non plus le manque de ressources humaines pour les exploitations minières qui obligent les sociétés à emmener de la main d’œuvre qualifiée de l’étranger. Ce que l’ancien premier ministre, Yahya Ahmed Waghf, a dénoncé lors de son entretien en marge d’une manifestation politique organisée par le parti islamiste Tawassoul.

« L’ancien Premier ministre trouve également que l’économie mauritanienne manque de complémentarité et que la politique nationale sur le plan de la gestion des ressources humaines est un échec. Enfin, il considère que la stratégie de développement du secteur minier mise en place par le gouvernement est complètement désuète et dépassée, car alignée sur une grille de prix non concurrentiel sur les marchés internationaux. » (Al Akhbar, Noor Info).

L’Arabie Saoudite déploie une stratégie de contrôle massif des terres rizicoles en Afrique de l’Ouest — dont le Mali, le Sénégal et la Mauritanie —, depuis la crise financière et alimentaire de 2008[19]. Depuis cette période, l’accaparement des terres est devenu un sujet récurrent dans les débats officiels sur les politiques alimentaires au sein du G8, de l’Union africaine et de l’ONU.

L’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), l’une des 16 structures de recherche financées par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) de la Banque mondiale, a fait savoir qu’il redoutait que ces opérations se retournent contre ses protagonistes, et qu’il essayait de promouvoir un certain nombre de principes pour établir des accords mutuellement « bénéfiques », « gagnant-gagnant ».

Cependant, peu après, l’Institut international de recherches sur le riz (IRRI), dont le siège est au Philippines, un autre groupe de la Banque mondiale, conseillait à l’Arabie saoudite de poursuivre sa stratégie d’acquisition de terres agricoles à l’étranger pour sa propre demande alimentaire. En fait, comme le remarque le rapport du Grain de 2009 :

« L’Arabie saoudite est le troisième importateur mondial de riz, et une bonne partie de ses projets agricoles à l’étranger gravitent autour de cette céréale de base. Pour les Saoudiens, les enjeux sont considérables. La facture des importations alimentaires du pays devrait atteindre 15 milliards de dollars cette année, en hausse de 25 % par rapport à 2008. »

« Selon le compte rendu de la réunion établi par l’IRRI, Foras a informé le centre du CGIAR de son achat de 500 000 ha de terres agricoles au Sénégal et de 200 000 ha de terres agricoles au Mali pour la production de riz. Les représentants de l’IRRI ont alors conseillé Foras sur son projet et discuté de la participation de l’IRRI.

Les représentants de Foras et les gouvernements concernés n’ont pas encore à ce jour reconnu publiquement ce transfert de terres, qui aurait évidemment des répercussions politiques dans les pays concernés. L’IRRI a confirmé à GRAIN que les deux parties ont signé un protocole d’accord en décembre 2008 qui « formalise de façon générale les relations entre IRRI et Foras et indique que les deux organisations rechercheront des opportunités de collaboration de recherche avantageuses pour chacune. »

Foras est une filiale récemment créée de la Chambre islamique du commerce et de l’industrie, financée par la Banque islamique de développement, le gouvernement saoudien et des investisseurs privés. Sa mission est de développer les investissements dans les pays islamiques et elle joue un rôle particulièrement actif dans le soutien aux objectifs des pays du Golfe en matière de production de denrées alimentaires à l’étranger.

Reuters a récemment rapporté que Foras gère un projet, intitulé « 7×7 », qui, sur une période de sept ans, prévoit la production de 7 millions de tonnes de riz sur 700 000 hectares de terres, principalement au Sénégal et au Mali. La Mauritanie, l’Ouganda, le Soudan et le Niger ont été évoqués parmi les pays ciblés. Foras a commencé un projet pilote dans une exploitation rizicole de 2 000 ha en Mauritanie en 2008, supervisé par une équipe de consultants de l’université thaïlandaise de Kasetsart. »

La participation de l’IRRI, une institution de la Banque mondiale, dans les projets très controversés de l’Arabie Saoudite d’achats massifs de terres agricoles dans le Tiers Monde révèle un grave conflit d’intérêts entre cette institution, censée travailler pour le développement des pays pauvres, et les grands investisseurs dans la nouvelle ressource alimentaire.

Le contrôle de centaines de milliers d’hectares des terres à riz est destiné à assurer la demande des Saoudiens, au détriment de la sécurité alimentaire de millions de paysans et d’éleveurs qui n’auront plus accès à leurs moyens de subsistance traditionnels.

Le projet AgroGlobe a été mis en place depuis cinq ans et s’est étendu à l’Ouganda, le Soudan et le Niger. L’un des principaux investisseurs et Foras International Investment Company, bras financier de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) qui se présente comme le bras collectif du monde musulman. Cette société avait un capital initial de 120 millions de dollars US, son siège se trouve à Jeddah et ses principaux actionnaires sont la Banque islamique de développement et des investisseurs privés des pays du Golfe.

Le projet AgroGlobe a débuté en 2008 en Mauritanie avec une ferme rizicole de 2 000 hectares, et a continué son expansion au Mali et au Sénégal, où le projet était mené par Karim Wade. La vallée du fleuve Sénégal est la zone prioritaire d’investissement saoudien. On estime que 120 000 hectares sont adaptés à la culture du riz ; environ la moitié est cultivée sous irrigation par des familles qui produisent environ 70% du riz annuel, et qui font vivre environ 600 000 personnes.

Cependant, la zone est aussi exploitée pour les cultures de sorgho qui sont en concurrence avec l’expansion de la riziculture. Au reste, c’est le riz asiatique et non pas africain qui est semé. Les chargés du projet sont des techniciens de l’Université de Kasetsart de Thaïlande.

La zone concernée par le projet s’étend entre Dagana et Bakel, du côté sénégalais, couvrant environ 53 000 hectares des districts de Dagan, de Podor, de Matam et de Bakel. Les saoudiens contrôlent 90% des terres, des sociétés sénégalaises 10%, et l’État sénégalais est chargé de développer le projet.

Pour compenser le pays hôte, l’entreprise saoudienne prétend que le projet va contribuer à l’autosuffisance en riz du Sénégal et s’engage à fournir des emplois aux paysans qui ne pourront plus cultiver leurs terres.

Aux éleveurs qui seront privés d’accès à la terre et à l’eau pour leurs troupeaux, l’entreprise déclare qu’ils pourront acheter des aliments dans les futures usines installées sur place. Si le projet se réalise des centaines de milliers de paysans et d’éleveurs de Mali, de Mauritanie et du Sénégal, mais aussi au Soudan et au Nigeria, seront privés d’accès aux terres et à l’eau.

D’autre part, le Qatar est également très intéressé par le développement agricole de la Mauritanie.

• En septembre, le Fonds qatari pour le développement a accordé à la Mauritanie un prêt de 25 millions de dollars destiné au financement de barrages dans la région du fleuve Sénégal (Sahara médias du 11 septembre).

Le processus d’accaparement des terres en Mauritanie continue

Le processus d’accaparement des terres en Mauritanie est très éloigné des droits civiques et des droits humains des sociétés civiles, mais il se réalise en toute légalité car la Loi foncière de 1983, le décret d’application n° 2000/089, et le décret n° 2010/080, favorisent les investissements dans l’agriculture, non seulement dans les terres laissées à l’abandon, mais aussi dans les terres cultivées « pour cause d’utilité publique ».
Cependant, il est évident que le processus d’expropriation de terres pour produire des quantités importantes de denrées alimentaires — déjà concrétisé ailleurs, notamment dans les pays latino-américains, où il a suscité des révoltes et même des guerres civiles —, provoque aussi des fortes oppositions dans tous les pays africains concernés, dont la Mauritanie.

• Rappelons ici qu’en février 2014[20], le Conseil de ministres de Mauritanie a attribué 31 000 hectares de terres dans la moughata de Bogue, au Brakna, à la société saoudienne Al Rajihi, qui a promis d’investir un milliard de dollars. Le bail devrait durer 99 ans. Le processus a commencé en août 2010[21], et s’est poursuivi en 2011[22].

Ces faits ont soulevé des vives protestations dans les villages concernés (Dar el-Barka, Ould Birome, Dar el Avia, Boutimbiskit, Bougoutra, Loueid, Zemzem), soutenus dans leurs revendications par les partis de l’opposition et des associations de la société civile (ROSA, FONADH, Réseau de femmes, entre autres[23]).

• En avril 2014, dans une conférence de presse à Nouadhibou, le président mauritanien minimisait l’importance des expropriations dans la vallée du fleuve et déclarait[24] :

« Certains ne voient que du noir, a-il déploré. Mais, l’État n’a pas bradé les terres des payants à des étrangers. Il s’agit d’un operateur économique saoudien qui veut financer près de 15 mille hectares dans des zones qui appartiennent à l’État et non aux paysans. Ces zones restent d’ailleurs à être déterminées. Et cela ne sera pas gratuit. Il y aura en contrepartie des aménagements, des projets et de l’argent versé chaque année à l’État. »
[Alakhbar du 8 avril 2014]

• En octobre 2014, Amadou Seidi Djigo, responsable du Programme bonne gouvernance économique et politique d’Oxfam-Intermon en Mauritanie, participait au Forum social africain de Dakar, et proposait une analyse très intéressante de la situation foncière en Mauritanie. Remettant les points sur les i, il déclarait :

« Quelle est aujourd’hui l’ampleur de l’accaparement des terres en Mauritanie ?

La question de l’accaparement des terres commence à être une problématique globale. Ce phénomène s’est installé au niveau de beaucoup de pays africains, notamment la Mauritanie. Des investisseurs étrangers arrivent de plus en plus dans le pays. Ils achètent ou louent des terres. Ils produisent en Mauritanie pour nourrir leurs populations.

Comment peut-on concrètement mesurer cette expropriation foncière ?

Au niveau de la partie Sud du pays, une société saoudienne (RHJ) est en train de négocier avec le gouvernement pour avoir 31 000 hectares de terres. Le projet n’a pas encore commencé, certes. Mais les populations concernées par cette zone à attribuer ou qui l’a été déjà, se mobilisent pour réclamer leur droit à la sécurité foncière.

Mais selon vous, qu’est-ce qui être à l’origine de la ruée sur les terres africaines en général, Mauritaniennes en particulier ?

Cela peut s’expliquer par le fait que le monde entier connait aujourd’hui un problème alimentaire. Cette pénurie de denrée nourricière concerne plusieurs pays, comme le notre. Les investisseurs (privés et étatiques) étrangers savent qu’il est facile d’acquérir des terres dans nos pays où la législation foncière est très faible. Un autre facteur est l’abondance de terres arables et de l’eau. Il est alors facile d’amortir son investissement.

La terre est non seulement moins chère, mais aussi la fiscalité est presque inexistante. Les opérateurs préfèrent alors produire là où le coût de la production est très bas, pour ensuite vendre le produit à un prix excessivement élevé sur le marché mondial. Donc l’accaparement de terres est un moyen de fructifier son argent.

Mais qui sont les auteurs de ce fléau en Mauritanie ?

Les acteurs sont multiples. Parmi eux, des opérateurs économiques nationaux. Il y a également des investisseurs étrangers venant des pays arabes, de l’Indes, d’autres pays africains… A cela s’ajoute des hommes politiques qui acquièrent de la terre pour développer leur capital. »

Quelles peuvent en être les conséquences sur les exploitations familiales ?

Les exploitations familiales sont de plus menacées. La plupart de ses exploitants n’ont pas de titres fonciers. Les agriculteurs familiaux ne peuvent pas faire appel au témoignage pour prouver que les terres les appartiennent. Car cela n’est pas pris en compte. La victime, selon les procédures, doit prouver que la terre appartient à son patrimoine. Autrement, elle est du domaine de l’État. C’est cela le paradoxe.

Que faut-il faire pour guérir de ce mal ?

La solution passe par la réforme de la législation foncière. Ce, pour l’adapter aux réalités de nos populations. Il faudrait également voir comment concilier les objectifs du développement avec les droits inaliénables des populations. Il faut consulter les populations quant aux décisions les concernant. L’État doit également penser à la sécurisation des droits des populations. »

La réforme de la Loi foncière de 1983[25] modernise l’accès aux ressources foncières en abolissant la tenure traditionnelle [Art. 3]. L’appropriation coutumière de toutes les terres utiles à l’agriculture, ainsi que la possibilité d’immatriculation à titre collectif [« tribus », lignages] devinrent illégales. Les terres mortes sont propriété de l’État [Art. 9], ainsi que les biens fonciers vacants et sans maître [Art. 5].

Pour accéder à la propriété d’une terre domaniale, on doit obtenir une concession qui devient définitive une fois la mise en valeur réalisée [Art. 12]. La loi ouvre la possibilité d’acquérir des grandes superficies de terres « si l’investissement projeté présente un impact économique et social appréciable, et seulement dans la mesure où les intérêts des petits propriétaires sont sauvegardés. » [Art. 20].

Cependant, « le droit de propriété ne peut empêcher la réalisation d’un projet d’intérêt national » [Art. 21]. Ainsi, cette loi modernisait les pratiques d’exploitation agricole, tout en introduisant la possibilité d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Le décret d’application n°90-020, du 31 janvier 1990, a été remanié par le décret n° 2000-089 du 17 juillet 2000[26]. L’État réaffirme son droit d’exproprier des terres si les propriétaires ne la mettent pas en valeur pendant 4 ans [Art. 5]. Plus précisément : « les personnes privées, titulaires de droits résultant d’un titre foncier, d’une concession définitive ou d’un certificat de propriété, peuvent être, conformément à la loi, expropriées pour cause d’utilité publique, si leur propriété empêche l’extension d’une agglomération urbaine ou la réalisation d’un projet public. » [Art. 11].

Un autre Décret 2010-080[27], actuellement en vigueur, a confirmé ces décisions qui rendent les expropriations tout à fait légales. En particulier, les biens fonciers objet d’expropriation pour cause d’utilité publique ne peuvent être aliénés que par voie d’adjudication publique. Les propriétaires initiaux sont informés au moins 30 jours avant la date fixée à cette dernière (Art. 14).

Il est intéressant de noter que les attributions des concessions foncières dépendent du ministère des Finances, et du Conseil des ministres lorsqu’il s’agit de superficies supérieures à 100 hectares[28] :

« En zone rurale, l’attribution de concession provisoire ou définitive est accordée, après avis des commissions compétentes respectives par le Ministre des Finances lorsque la superficie n’excède pas cent hectares, le Conseil des Ministre lorsque la superficie est supérieure à cent hectares. La concession doit être en harmonie avec le schéma des structures et inscrite au Plan Foncier. »

Cela étant, de manière générale, les « petits propriétaires » ont aussi des droits qui ne sont pas reconnus, souvent par manque d’information et d’accès aux procédures administratives pour régler des litiges terriens, mais aussi pour régulariser les actes de propriété des terres qu’ils mettent en valeur. C’est ce qui ressort d’un atelier tenu en février 2015 dans la localité de Dar el-Barka (Brakna) sur la législation foncière actuelle.

• L’atelier « Pacte entre la société civile et l’État pour un accès équitable et sécurisé à la terre dans la vallée du fleuve Sénégal » a été organisé les 10-11 février 2015 par le Consortium Intersos EGEDPEM/ARDE, financé par l’Union européenne. Dia Abdoulaye[29] écrit :

« Durant deux jours, les participants ont suivi les exposés de Me Mokhtar O/ Ely (avocat à la cour et fils du terroir) sur les textes en vigueur. Il d’abord rappelé la tenure foncière traditionnelle basée sur le droit coutumier avant d’aborder les différentes étapes de la législation foncière en Mauritanie (circulaire 309 du 2 juin 1958, Loi 60 139 du 2 août 1960) et le contenu de l’ordonnance 83/127 du 5 juin 1983 instituant une réforme foncière et domaniale qui stipule que « la terre appartient à l’Etat », « abolit la tenure foncière traditionnelle du sol » et déclare « irrecevables les actions foncières collectives ».

Le consultant a ensuite expliqué le fonctionnement des organes de gestion domaniale en zone rurale à savoir le Comité interministériel, le Comité technique de suivi, la commission nationale de prévention et d’arbitrage, la commission nationale d’examen des demandes de concessions rurales, la commission régionale de prévention et d’arbitrage, la commission départementale de prévention et d’arbitrage.

Me Mokhtar O/ Ely a également insisté sur les modalités de l’individualisation des terres, les preuves de leur mise en valeur, les procédures d’accès à la propriété terrienne conformément au Décret 080/2010 portant sur la mise en œuvre de l’Ordonnance 83/127, la garantie des droits fonciers de la femme, les procédures et règlements des conflits fonciers collectifs, les conséquences des hypothèques des terres, les codes forestier, pastoral et celui de l’eau.

Il a invité les propriétaires « à régulariser leurs terres auprès des autorités administratives pour mieux tirer profit de leurs potentiels de production ». « C’est la seule voie de transition d’une agriculture extensive de subsistance à une agriculture de développement », a-t-il expliqué.

Il les a appelés aussi « à préserver les ressources hydriques, végétales et animales de leurs espaces vitaux pour mieux garantir leur pérennité pour un développement durable ». Il a exhorté les collectivités « à entreprendre des actions unifiées auprès des autorités administratives dans le respect des textes en vigueur ».

Il est évident que la réglementation foncière actuelle doit être améliorée pour tenir compte des besoins des petits paysans, en s’inspirant peut-être de la Convention 169 du Code du travail des Nations Unies[30], concernant les peuples indigènes qui ont des modes de vie traditionnels, et qui habitent dans une région donnée avant que des tiers ne les envahissent. Ce qui est bien le cas des communautés de la région du fleuve Sénégal.

La Convention 169 dispose l’obligation de la « consultation préalable » des populations rurales affectées par des projets miniers ou d’aménagements agricoles ; et s’avère être la seule qui puisse protéger les populations rurales des menaces des investissements massifs qui risquent de détruire les communautés rurales et qui représentent aussi, sur le court terme, une source de grande tension sociale, comme on le voit en Mauritanie.

• En mars 2015, on apprenait que l’Institution arabe d’investissement et de développement agricole (IAIDA) avait conclu une convention avec le gouvernement mauritanien lui permettant l’exploitation de 3 200 hectares de terres agricoles dans la wilaya du Brakna. Les terres ont été données en location pour une somme globale de 1,6 millions de dollars. Le ministre de Finances, Mokhtar ould Djay a déclaré que le projet sera axé sur les cultures d’oignon et pomme de terre, avec pour mission essentielle de réaliser l’autosuffisance alimentaire pour le marché mauritanien en 2018[31].

• En août 2015[32], le Forum national pour la démocratie a dénoncé des attributions foncières irrégulières dans la région du fleuve Sénégal, mais aussi des édifices publics des villes de Nouakchott, de Nouadhibou et de Rosso. Il s’agit en particulier d’anciens logements situés au centre de la capitale, une partie du Stade Olympique, l’hôtel Mercure et des écoles publiques qui ont été mises en vente. Les bénéficiaires de ces affaires immobilières sont des proches du président mauritanien.

Enfin, le problème de l’accaparement des terres est mondial, et concerne en particulier l’Amérique latine. En novembre 2015, l’ONG Oxfam a organisé une autre réunion mondiale de femmes travaillant en milieu rural au Guatemala, et parmi les invitées se trouvait Mme Wane Depha, mauritanienne, membre du Réseau d’organisations pour la sécurité alimentaire (ROSA).

Lors de son passage à Madrid, elle a rapporté à Laura Martinez[33], journaliste d’Oxfam, que dans un pays avec si peu de terres cultivables comme la Mauritanie, des entreprises étrangères achètent des grandes extensions de terres, provoquant la ruine de villages entiers ou leur déplacement. Elle a ajouté : « J’ai découvert un autre monde [au Guatemala], mais un monde qui partage les mêmes problèmes [que nous avons en Mauritanie.] »

Au sein de son organisation, elle s’est engagée pour que les femmes aient accès à la propriété individuelle et collective de la terre car « les femmes rurales y travaillent et apportent le pain à leurs familles. » Il s’agit là d’un problème qui affecte des millions de femmes paysannes dans le monde.

Mme Wane a indiqué également qu’au Guatemala, elle a connu des femmes qui veulent préserver aussi leurs cultures et leurs valeurs : « Elles sont très créatives, en Mauritanie on a perdu cela, maintenant je crois qu’il est important de posséder la terre et de préserver aussi notre culture. » Les rencontres entre personnes venant de pays du tiers monde sont en effet décisives pour améliorer les échanges interculturels qui peuvent apporter des réponses novatrices à des problèmes semblables.

Relations internationales

Les relations internationales de la Mauritanie ont été marquées par l’emprise croissante de l’Arabie Saoudite, à commencer par la dépendance accrue en matière financière, comme on vient de le voir en évoquant les prêts et autres dons reçus tout au long de l’année 2015.

Cependant, le nouveau gouvernement saoudien semble décidé à intervenir de manière toujours plus directe dans les affaires des pays maghrébins, dont la Mauritanie, le Maroc et l’Algérie. A l’arrière plan de ces ingérences se trouve la guerre ouverte entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, ou du sunnisme et du chiisme.

• Maroc : En juin, des câbles diplomatiques ont été révélés par le site Wikileaks, propriété du journaliste australien Julian Assange, refugié à l’ambassade de l’Équateur à Londres, dont le thème central est l’expansion du chiisme et de l’influence de l’Iran dans le Maghreb. Selon Mohamed Mahmoud ould Targui, du Cridem[34] :

« Parmi les câbles diplomatiques révélés figurent ceux émanant de l’ambassade d’Arabie Saoudite à Nouakchott. Plus d’une centaine de courriers diplomatiques qui traitent de tous les aspects de la vie en Mauritanie. En plus des relations du pays avec ses voisins du nord : l’Algérie et le Maroc. A travers les câbles de la diplomatie saoudienne déjà révélés par Wikileaks, on a eu la confirmation de ce que tout le monde connaissait et disait : l’état des relations saoudiennes avec la Mauritanie dépend des rapports entre cette dernière et le Maroc. (…)

Mais avant de procéder à cela et afin de ne pas froisser leurs amis marocains, les saoudiens avaient interrogé leurs chancelleries à Rabat et à Nouakchott pour tâter le pouls des autorités chérifiennes par rapport à une telle invitation. Le diplomate saoudien, auteur de ce message, affirme sans ambages, que la Mauritanie tout comme l’Algérie, ‘‘sont de vrais ennemis du Maroc’’.

Et partant de ce fait, poursuit le message, toute tentative de rapprochement de l’Arabie avec la Mauritanie et l’Algérie, devrait être expliquée à Rabat, via des contacts aux plus hauts niveaux, pour obtenir sa bénédiction et la rassurer que cela ne se ferait contre ses intérêts.

C’est ce qui ressort d’un deuxième câble de l’ambassade saoudienne en Mauritanie et qui porte sur une invitation à visiter l’Arabie que Riyad voulait faire au chef de l’armée mauritanienne. (…)

Après le feu vert des Marocains, la partie saoudienne s’est employée à aider la Mauritanie financièrement pour mettre en place le nouveau corps chargé de la sécurité routière : Groupement général de la sécurité routière (GGSR). (…) Quelque soit la variété des sujets abordés par la diplomatie saoudienne, en Mauritanie un seul et unique sujet l’intéresse beaucoup, plus que les autres : l’infiltration de l’Iran et du chiisme en Mauritanie. »

Les relations entre la Mauritanie et le Maroc sont officiellement « bonnes », pourtant la détérioration des relations bilatérales qui datent de 2011 n’est pas vraiment terminée ; le différend reste attaché, sur le fond, à la question du statut du Sahara occidental, source de conflit permanent entre le Maroc et l’Algérie, et à la position — jugée ambivalente par Rabat — de la Mauritanie.

La participation de l’Arabie saoudite dans ces affaires régionales complique davantage les choses, car comme on vient de voir, les officiels saoudiens considèrent que la Mauritanie et l’Algérie « sont des vrais ennemis du Maroc ». Dans ce cadre, l’importance accordée au feu vert du Maroc dans les relations bilatérales entre la Mauritanie et l’Arabie Saoudite n’est pas pour arranger les choses non plus.

Enfin, au Maroc, persiste une certaine vision — inventée dans le cadre colonial du XIXe siècle, et renforcée par le roi Hassan II—, et déplacée dans le monde post-moderne, qui considère que « le territoire mauritanien « faisait partie du royaume ». Ces manières de voir, éloignées de l’histoire, ne contribuent pas non plus à une normalisation des relations entre les deux pays.

• Le 12 décembre, le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, a visité la Mauritanie en compagnie du Directeur des services de renseignements extérieurs, Yassine Mansouri. En Mauritanie, cette visite « est perçue comme un signe de renouveau dans les relations entre les deux pays[35] ». Or, dans la presse marocaine[36], la rencontre était expliquée comme le résultat de la nécessité de demander des explications au fait que l’armée mauritanienne aurait hissé le drapeau dans la ville de Lagouira [ou La Güera] :

« Ce hissement de drapeau a été une source d’inquiétude pour le royaume qui craint que le Polisario ne se saisisse de l’occasion pour s’infiltrer dans la région. Selon la même source, la visite aurait également pour but de relancer les relations entre les deux pays, en froid depuis trois ans. » (Telquel du 4 janvier 2016).

De son côté, Jeune Afrique affirmait que dans la délégation marocaine se trouvait aussi le général Bouchaib Arroub, patron de la « zone du Sud », et qu’officiellement la rencontre avait comme but la coopération sécuritaire entre les deux pays :

« Officieusement, des voies et moyens de réchauffer des relations passablement refroidies depuis trois ans. Et, confidentiellement, du cas sensible de Lagouira. Localité quasi déserte à la frontière entre le Maroc et la Mauritanie, sur la côte atlantique en face du port de Nouadhibou, dans l’extrême sud du Sahara occidental, Lagouira est officiellement marocaine depuis la récupération par Rabat de la partie méridionale de l’ex-colonie espagnole, en 1979.

Mais l’armée mauritanienne, qui occupait la bourgade auparavant, n’a jamais cessé d’y exercer un contrôle de facto, campement militaire à l’appui, sous l’œil indifférent des Marocains. En tout cas jusqu’à ce que Nouakchott décide récemment d’y renforcer sa présence et d’y hisser son drapeau. D’où l’inquiétude de Rabat, qui redoute par ailleurs que le Polisario profite de l’occasion pour s’y infiltrer en toute discrétion. »
(Jeune Afrique du 4 janvier 2016).

Sans pouvoir entrer ici dans les dédales du débat sur le Sahara occidental [266 000 km2], officiellement reconnu par la Mauritanie, on peut indiquer que les territoires abandonnés par l’Espagne en 1979, ne peuvent pas être « officiellement » marocains, car l’ONU ne reconnaît pas cette annexion territoriale. Les « provinces du Sud » sont des territoires occupés par le Maroc de facto, et soumises à un certain contrôle onusien [minurso] jusqu’à nos jours. Le maître Takioullah Eidda[37] a rappelé récemment la situation actuelle du point de vue mauritanien :

Le 14 novembre 1975, à Madrid, l’Espagne, alors puissance coloniale, signait un accord avec la Mauritanie et le Maroc, dit «Accord de Madrid». En vertu de cet accord, la région du Sud (Wadi Edahab), à savoir les villes de Dakhla, Awserd, El Argoub, Tichla, Legouéra [Lagouira], etc, revenaient à la Mauritanie et Lâyoun, Smara, Boujdour et tout le nord revenaient au Maroc.

Le 5 août 1979, un accord de paix fut signé entre la Mauritanie et le Front Polisario. À l’article 3 I.a) de cet accord il est spécifié que: « La République Islamique de Mauritanie déclare solennellement qu’elle n’a et n’aura pas de revendications territoriales ou autres sur le Sahara Occidental ».

Nulle part dans cet accord, la Mauritanie n’a renoncé à son statut de « puissance administrante » de la partie du territoire qu’elle occupait. Cette réserve se comprend aisément aujourd’hui, compte tenu des enjeux relatifs à la sécurité de ses frontières et à l’incertitude entourant l’avenir du Sahara Occidental en tant que tel.

Sans chercher à renégocier avec la Mauritanie et l’Espagne les termes de l’Accord de Madrid du 14 novembre 1975, le Maroc a tout bonnement, unilatéralement et illégalement, annexé les parties Sud du territoire délaissées volontairement par la Mauritanie dans la précipitation et l’écœurement.

En revanche, la Mauritanie a tenu à conserver la bourgade de Lagouéra. Décision qui a été respectée par le Maroc, compte tenu de sa reconnaissance expresse, suivant l’accord de Madrid le 14 novembre 1975, de la souveraineté de la Mauritanie sur le Wadi Edahab.

Alors, en vertu de quel droit, accord, traité ou reconnaissance internationale le Maroc peut revendiquer aujourd’hui un statut quelconque sur Lagouéra ? AUCUN ! Mieux : en tant que « puissance administrante », à laquelle l’Espagne a remis le territoire, la Mauritanie peut juridiquement et valablement demander au Maroc le retrait pur et simple de toutes les zones du Sud qui lui revenaient suivant l’accord de Madrid du 14 novembre 1975. »

La position marocaine sur le Sahara occidental ne relève pas du droit international, mais simplement de l’idéologie inventée jadis et renforcée par le roi Hassan II sur la prétendue « unité territoriale marocaine » qui engloberait cet espace saharien habité par des hassanophones.

L’occupation actuelle de ce territoire revendiqué par les Saharaouis est donc illégale. Mais cette position objective et reconnue à l’internationale est rejetée et niée sans aucune forme de débat par les Marocains. Et ceux qui s’y opposent peuvent être accusés d’atteinte à l’intégrité territoriale, comme le journaliste marocain Ali Anouzla [AFP du 25 janvier[38]].

Rappelons encore que depuis 2011 il n’y a toujours pas un ambassadeur de la Mauritanie à Rabat.

• Sur le Sahara occidental, en novembre, après l’échec de son envoyé spécial, Christopher Ross, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a appelé le Maroc et le Polisario à initier des « vraies négociations dans les prochains mois ». (Yabiladi, Cridem du 7 novembre). Lors de la réunion de la quatrième commission de l’ONU, en octobre, l’attitude du Maroc a été qualifiée de « pratiques malhonnêtes et irrespectueuses » à l’égard des États membres de l’ONU et de ses fonctionnaires, visant à perpétuer sa colonisation du territoire du Sahara Occidental (Cridem du 28 novembre).

• Le 10 décembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu la décision historique de déclarer illégale l’exploitation des ressources naturelles au Sahara occidental. Le maître Takioullah Eidda[39] a précisé :

« Dès le début des procédures, les parties défenderesses ont soulevé l’irrecevabilité du recours selon le principe du locus-standi, alléguant que le requérant, le Front Polisario, ne possède ni l’intérêt ni la capacité juridique pour ester en justice au non du peuple sahraoui.

Balayant cet argument du revers de la main, la Cour a reconnu, pour la première fois dans l’histoire juridique internationale, que ce mouvement de libération jouit du statut de «personne morale»
ayant un intérêt direct dans le débat qui lui permet d’ester en justice. En d’autres termes, la Cour lui a conféré un statut de «gardien» qui tire sa légitimité dans le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

Question de fond

En ce qui concerne le fond, même si le Maroc considère le Sahara Occidental partie intégrante de son territoire, ou « puissance administrante », la Cour a établi clairement et sans équivoque que le Maroc est une puissance occupante de ce territoire.

Territoire non-autonome encore soumis à la Résolution 1514 de l’ONU. Et l’occupation de ce territoire n’est reconnue, ni même avalisée, par aucune instance internationale, y compris l’Assemblée générale de l’ONU.

À ce titre, le Maroc n’a ni la capacité juridique ni la légitimité internationale de transiger sur/avec les ressources de ce territoire ni même sur tous ce qui est produit, cultivé ou transformé, à l’intérieur de ses limites géographiques. Si bien que toute transaction, entente ou convention passée à cet égard avec des tiers est nulle et ultra-vires.

Tel qu’il appert de ces ratio-decidendi, il s’agit là d’une décision purement juridique, à la fine pointe du droit international, rendue par une instance judiciaire hautement impartiale, contre laquelle les tergiversations politiques et diplomatiques n’y peuvent absolument rien. »

L’exploitation des ressources, dont le phosphate, est en effet un élément central dans la revendication marocaine du territoire saharaoui.

• Le 19 décembre 2015, une délégation du parti du président, l’UPR, a participé au XIVe Congrès du Front Polisario [Front populaire de libération de la Saqiya al Hamra et Oued El Dahab], à Dakhla. Selon le site mauritanien Zahra Chinguetti, l’UPR était représenté par la déléguée de la wilaya de Tiris Zemmour, Mme Zeineb mint Taleb, et par le délégué de la ville de Zouérate, Mohamed ould Afelouat. Il s’agit de la première participation d’une délégation du parti UPR au mouvement saharaoui[40].

• Le 23 décembre 2015, le président de la République arabe saharaouie démocratique [RASD] , et secrétaire général du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz, a été réélu à Dakhla. Il a été élu à ce poste en 1982 et reconduit dans ses fonctions depuis lors, en défendant le droit du peuple saharaoui à l’auto-détermination[41].

• Le 23 janvier 2016, le Maroc a expulsé 67 personnalités étrangères du Sahara occidental. Ces expulsions ont été condamnées par le Conseil de ministres de la RASD, ainsi que la politique marocaine de harcèlement et de représailles à l’encontre des militants saharaouis des derniers mois.

Le Conseil a demandé une nouvelle fois au Maroc d’accepter l’élargissement du mandat de la MINURSO [Mission des nations unies pour le référendum au Sahara occidental] à la protection des droits humains[42]. Le Conseil a salué aussi la pétition internationale demandant au Conseil de sécurité de l’ONU d’organiser le référendum avant la fin 2017.

Il a appelé également à la libération des prisonniers politiques saharaouis des prisons marocaines, à faire la lumière sur le sort de plus de 651 disparus aux mains du Maroc, d’arrêter le pillage des ressources naturelles, et au démantèlement du mur de la honte qui représente, selon les parlementaires, un crime contre l’humanité[43]. Le 24 janvier, une manifestation pacifique à Layoune a été brutalement réprimée par la police marocaine.

— Pour ce qui est de l’Algérie, en avril, les relations avec l’Algérie se sont tendues lorsque la Mauritanie a expulsé le premier conseiller de l’ambassade d’Alger, Belkacem Cherouati, suivie par l’expulsion d’Alger du chargé des affaires de sécurité. Belkacem aurait fourni des informations au journal Al-Bayan selon lesquels la Mauritanie s’était plainte à l’ONU d’être inondée de drogue en provenance du Maroc[44].

• Le 15 mai, le président mauritanien a adressé ses félicitations de Bamako au président algérien, à l’occasion de l’accord de paix d’Alger signé au Mali. La ministre des Affaires étrangères, Vatma Vall mint Soueina, a confirmé qu’après des « erreurs diplomatiques isolés », les relations entre les deux pays sont redevenues à la normale[45].

A suivre …./

Dr Mariella Villasante Cervello Instituto de democracia y derechos humanos, Lima, Perú [academia.edu]

[1] Al Akhbar et Mauriweb, Cridem du 1er janvier 2016 http://cridem.org/C_Info.php?article=679158

[2] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679123

[3] Voir l’entretien qu’il a accordé à TV5: https://www.youtube.com/watch?v=dUdwDHbSahM

[4] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679949

[5] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678046, et http://cridem.org/C_Info.php?article=678047

[6] Voir le rapport : http://www.banquemondiale.org/fr/country/mauritania/overview

[7] Voir le rapport : https://www.imf.org/external/french/pubs/ft/scr/2015/cr1535f.pdf

[8] Voir http://www.jeuneafrique.com/235443/economie/fer-les-cours-devraient-rester-bas-avant-de-remonter-en-2017/

[9] Voir http://www.mays-mouissi.com/2015/07/07/mauritanie-le-defi-de-la-valorisation-du-minerai-de-fer/

[10] Voir http://www.le360.ma/fr/monde/mauritanie-les-mines-et-la-peche-pesent-90-des-exportations-60452

[11] En décembre 2015, on estimait un déficit récord de 98 milliards de dollars, voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679022

[12] Voir http://www.noorinfo.com/notes/Mauritanie-pret-de-1275-millions-de-riyals-de-l-Arabie-Saoudite_b7228466.html

[13] Voir http://adrar-info.net/?p=32304, voir aussi http://alhassad.net/fr/spip.php?article562

[14] Voir http://tawary.com/spip.php?article24464

[15] Voir http://www.rfi.fr/emission/20150527-mauritanie-decouverte-importantes-quantites-gaz-naturel

[16] Voir http://www.financialafrik.com/2015/11/13/mauritanie-seconde-decouverte-de-gaz-naturelle-pour-kosmos-energy/

[17] Voir le site http://www.kosmosenergy.com/operations-mauritania.php

[18] Voir http://www.noorinfo.com/L-economie-mauritanienne-vue-par-un-economiste-et-ancien-Premier-ministre-Absence-de-vision-politique-et-de-ressources_a17229.html

[19] Voir le rapport de l’organisation internationale Grain : http://farmlandgrab.org/post/view/7472 (septembre 2009). Voir aussi https://www.grain.org/es/article/entries/3998-des-investisseurs-saoudiens-seraient-prets-a-prendre-le-controle-de-la-production-de-riz-au-senegal-et-au-mali Cette organisation soutient les paysans et les mouvements sociaux qui luttent pour accéder aux systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité et le contrôle collectif. Les informations rapportées ici proviennent de cette source.

[20] Voir L’Authentique du 6 février 2014, et http://farmlandgrab.org/post/view/23146

[21] Le Quotidien de Nouakchott, http://farmlandgrab.org/post/view/14751

[22] En 2011, 60 villages du Brakna étaient concernés par l’expropriation, voir http://farmlandgrab.org/post/view/14751

[23] Voir « Mauritanie : accaparement des terres arables du Fouta », Financial Afrik du 3 février 2014, http://farmlandgrab.org/post/view/23118

[24] Voir http://farmlandgrab.org/post/view/23370

[25] Voir le texte ici: http://www.droit-afrique.com/upload/doc/mauritanie/Mauritanie-Ordonnance-1983-127-reorganisation-fonciere-et-domaniale.pdf Voir aussi la Loi portant Code pastoral en Mauritanie (2000-044): http://www.droit-afrique.com/upload/doc/mauritanie/Mauritanie-Code-2000-pastoral.pdf

Un site excellent sur les lois en RIM: http://www.lexadin.nl/wlg/legis/nofr/oeur/lxwemrt.htm

[26]Voir http://www.droit-afrique.com/upload/doc/mauritanie/Mauritanie-Decret-2000-89-application-code-foncier.pdf

[27] Voir le Journal officiel de RIM: http://anac.mr/ANAC/JOf/2010/1216%20fr%20sc.pdf

[28] Voir la synthèse de la FAO: http://faolex.fao.org/cgi-bin/faolex.exe?rec_id=136479&database=faolex&search_type=link&table=result&lang=eng&format_name=@ERALL

[29] Voir http://cridem.org/imprimable.php?article=667005

[30] Voir http://www.ilo.org/indigenous/Conventions/no169/lang–fr/index.htm

[31] Voir la note de presse d’APA : http://farmlandgrab.org/post/view/24637 [32] PANA, voir aussi http://farmlandgrab.org/post/view/25215

[33] Voir Laura Martinez, « La tierra es de las mujeres » http://farmlandgrab.org/post/view/25475

[34] Voir http://cridem.org/imprimable.php?article=672413

[35] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678791

[36] Voir http://telquel.ma/2016/01/04/lagouira-lorigine-de-tensions-entre-maroc-mauritanie_1476346

[37] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679530

[38] Voir http://www.lorientlejour.com/article/966567/un-journaliste-marocain-juge-pour-des-declarations-sur-le-sahara-occidental.html

[39] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678506

[40] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678679

[41] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=678852

[42] Voir http://www.spsrasd.info/fr/content/le-conseil-des-ministres-condamne-l’expulsion-arbitraire-des-observateurs-étrangers-du-sahar

[43] Voir http://www.spsrasd.info/fr/content/le-conseil-des-ministres-salue-la-nouvelle-pétition-internationale-appelant-à-organiser-le-r

[44] Voir http://www.h24info.ma/maroc/fin-de-la-brouille-algerie-mauritanie-provoquee-par-larticle-sur-le-maroc/32845

[45] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=670957



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