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Question à M. Mohamed El Moktar Maarouf Ould Cheikh Abdallahi
Le Calame - Quel jour de la semaine était-ce le 2 mai 1958 ? Une question que je pose sans vraiment la poser. Mais si d’aventure j’avais besoin un jour de le faire, c’est bien à M. Mohamed El Moktar Maarouf Ould Cheikh Abdallahi que je l’adresserai. Car, ce jour là, à Aleg…
Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs. Et commençons notre récit comme il se doit, comme le font les conteurs des belles histoires et disons tout de go : il était une fois, un certain 2 mai 1958, à Aleg, un grand pas... Car c’est éminemment d’une belle histoire qu’il s’agit.
Pour illustrer mon propos, je me suffirai de citer l’une de nos plus éminentes personnalités au niveau national, le professeur SOUMARE Outouma qui, le temps d’une méditation, lucide et exemplaire, a su nous édifier, dans un style alerte et captivant, d’un article où la beauté du verbe et l’harmonie de l’expression, en disputent âprement la vedette avec la profondeur du contenu et la pertinence du jugement.
Ledit article, sous le titre « Aux témoins de notre histoire commune: Quels antidotes pour neutraliser les revendications communautaires », fut publié par Le Calame, dans sa livraison du 30 avril 2015. URL : http://www.lecalame.info/?q=node/2035
Voici ce que disait en substance le Pr SOUMARE :
« Le congrès d'Aleg en 1958 a constitué l'acte participatif et concerté le plus formel, à la manière d'un pacte, entre les différents regroupements politiques mauritaniens, représentant aussi d’une certaine manière nos différentes composantes nationales, hormis celle des Hratine et des autres classes dominées féodalement.
Il doit être compris comme un préalable, mais aussi comme un signal d’union sacrée, ayant matérialisé notre entité et notre personnalité propre en tant que pays prétendant à une indépendance en bonne voie pour être octroyée par le colonisateur français.
Ce congrès de « l'union » a été un succès pour ce moment crucial de l’Histoire de notre pays, en raison de la conscience aigüe que nos pères fondateurs ont eu de notre vulnérabilité face aux prétentions des grands ensembles voisins maghrébin, ouest africain et saharien. ».
Mais pourquoi donc Mohamed El Moktar Maarouf? Tout simplement parce qu’il est l’un de nos pères fondateurs dont le professeur parle ici ; parce qu’il est impossible d’évoquer le congrès d’Aleg sans rappeler son rôle, lui qui a été, avec le père de la nation, Feu Maitre Moktar Ould DADDAH, l’un des principaux artisans de cet événement historique.
Parce que c’est chez lui, dans sa propre maison qu’il s’est déroulé. Parce c’est lui qui, après avoir participé activement à éclore et mûrir l’idée de ce grand conclave, en a été l’hôte généreux et hospitalier. Parce que, dans un geste notoirement expressif, il a conservé jusqu’à ce jour la maison du congrès, unique lieu de mémoire préservé de notre histoire récente, dans l’état exact où elle a abrité cet événement.
Mais ce n’est pas tout. Mohamed El Moktar Maarouf ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Après avoir été le premier à hisser le drapeau national, Il a été de toutes les grandes batailles de la Mauritanie naissante.
Celle de l’affirmation de l’identité et de la défense nationale en tant que ministre ; celle du développement territorial et du renforcement de l’unité nationale en tant que commandant de cercle ; celle du rayonnement de notre pays sur l’arène internationale en tant que diplomate, et j’en passe.
Il est demeuré pour Moktar Ould DADDAH le compagnon fidèle et le confident discret, ce que ce dernier ne manqua pas d’ailleurs de mentionner dans ses mémoires ; mais le plus étonnant dans sa relation avec le Président Moktar, c’est sans aucun doute sa fidélité envers l’homme, même après sa mort.
Nos politiciens ne nous ont pas habitués à une telle attitude, eux qui retournent leurs vestes dès que le vent change de cap. Peu de gens savent que si aujourd’hui la tombe du Président est un mausolée bien bâti et entretenu, c’est à Mohamed El Moktar Maarouf qu’il le doit. En effet, il ya quelques années - je ne situe pas la date exacte, et c’est là une autre question que j’aurais pu lui poser – il se rendit au cimetière historique de Lbaalatiya à Boutilimit, pour une visite à son ami.
Grand fut son étonnement quand il s’aperçut que celui qui fut le premier bâtisseur de ce pays gisait anonymement sous terre, avec une simple pierre tombale, à moitié ensevelie. Et sur cette pierre, une timide inscription : «rahime LAHOU Moktar Ould DADDAH ».
Il déterra la pierre tombale, campa là pour la journée et immola un mouton dont il distribua la viande à la mémoire du défunt. Assis près de la pierre, dans une scène irréaliste mais pleine d’émotion, il s’élança dans un long monologue à l’adresse de son ami outre-tombe, convaincu en pur musulman que l’autre l’entendait parfaitement. Un discours dont la substance est : « je te promets que les choses vont changer ».
De retour à son Lemden natal, il contacta rapidement la famille DADDAH, l’enjoignant de faire quelque chose ou de l’autoriser à le faire à leur place. Son discours ne tomba pas dans l’oreille de sourd ; très vite, une commission comprenant plusieurs membres de la famille, mais aussi des amis tels que l’architecte DIAGANA et l’intellectuel et homme politique Limam Ahmed se mit à l’œuvre et construit le mausolée actuel.
Mais tout cela ne répond pas à notre interrogation ; Quel jour de la semaine était-ce le 2 mai 1958 ? Aujourd’hui, avec les instruments technologiques modernes, il est facile de résoudre ce problème.
Mais que faisaient les anciennes générations pour déterminer quel jour de la semaine était-ce une date lointaine ? Je ne vous cache pas que je n’en savais pas grand-chose moi aussi avant de m’intéresser à la question il y a quelques années ; et de découvrir qu’il existe des méthodes scientifiquement rodées, se basant sur des logarithmes mathématiques connus, pour répondre à cette question.
La plus usitée est sans aucun doute celle de Mike Keith. En l’appliquant à notre date du 2 mai 1958, ce qui m’évite de déranger plus âgé que moi pour si peu, je trouve en toute logique vendredi, jour de piété et de méditation.
Pour revenir à notre sujet, je me permets une fois de plus de puiser dans la réserve que constitue l’article du professeur. Et de constater qu’en habile toubib, après avoir posé son diagnostic sur la situation actuelle du pays, il nous délivra gracieusement l’ordonnance qu’il juge convenable. Je le cite :
« C’est pourquoi il faudrait un nouveau « congrès d’Aleg », sous la forme d’états généraux de la refondation. Ils viserait cette fois-ci, à identifier ensemble, les fondements incontournables, pour l’égalité sociale et citoyenne, dans une Mauritanie de Justice ayant comme socle la liberté de naissance, la dignité de l’Homme, les droits fondamentaux de la personne humaine et la primauté du Droit, afin de consolider l’unification de notre Nation dans le respect de sa diversité, et pour adopter un modèle ainsi qu’un projet commun de société renforçant la cohésion sociale et la paix civile dans notre pays ».
Et en attendant que cela se fasse, il nous est maintenant loisible de conter notre belle histoire à nos tout petits ; oui, il était une fois, un certain vendredi, le 2 mai 1958 : Aleg, le congrès, la maison du congrès, Mohamed Moktar Maarouf…
Mohamed Abdallahi Ould EL HOUSSEIN