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Ne les oublions pas : In mémoriam DImi Mint Abbda, la voix de l’art
Adrar Info - Symbole de la chanson mauritanienne, Dimi vient de disparaitre mais la voix de l’art (Sawtu al fanni) qu’elle nous a léguée retentira dans la légende des siècles jusqu’au jour du jugement……
En 1976, l’illustre poète Ahmedou ould Abdel Kader composa, dans l’une de ces envolées magiques dont il a le secret, quelques vers intitulés, justement, "Sawtu al fanni". Ces beaux vers devraient, pour les Mauritaniens de ma génération incarner une nouvelle indépendance du pays…
A Carthage, carrefour de toutes les civilisations et de tous les âges, Dimi avait porté, en toute beauté, cette fabuleuse "voix de l’art" laquelle atteint, dans son éloquente formulation, le sommet de l’émancipation artistique….
Quand les visions se brouillent, quand l’imagination s’épuise, quand l’aspiration s’enlise dans le territoire de l’impossible, la chanson prend des ailes, et en toute ivresse, nage dans le défilé des espoirs … en nous interpellant, tidinit à l’appui, si notre "existence a, réellement, un sens, quand elle ne comprend pas pas la vocation et la compétence artistique ?"
La cause est, alors, entendue dans l’envoutante voix de Dimi, il y’avait celle de toutes les grandes causes, celle de l’indépendance qu’elle chanta (Ya Mouritan alik Mbarek lastklal) …il y’avait, aussi celle des sans voix dont l’illustration parfaite résultait de son impeccable réquisitoire contre l’Apartheid ..( ya rabi lapartayd ati tyah mntin) …une imploration sacrée contre l’injustice, le racisme, l’intolérance et l’oppression….
Avec un immense talent, la voix de l’art, sut concilier donc, dans son chant, la masse et l’élite, la nostalgie et l’ouverture… Elle sut, aussi, couvrir avec le voile de la beauté (Goul limalhati dhati al khimari al asouadi) la laideur de nos faubourgs et la misère de nos jours….
Elle sut, encore, concilier le sacré et le profane, en chantant l’abreuvoir du prophète (Hodh nabi) au bord duquel se ressent la forte envie d’entendre la mélodie qui coule, sensiblement, dans les veines (Muchtag al hassan hag al hol)…et au fond duquel, l’amour, en tant que voile entre l’aimant et l’aimé, chanté, par la voix de l’art, retentit encore…et encore.
Il faut dire qu’elle avait, en la matière, de quoi et de qui tenir. Héritière d’une prestigieuse tradition artistique remontant au fabuleux Sedoum ould Ndiartou dont le diwan est une clé de l’Histoire de notre pays…
Fille du grand Sidati ould Abba qui composa la version instrumentale de l’hymne national de la Mauritanie et dont la mythique voix porta "la voix de la république" dans les campements les plus réticents vis-à-vis de la suspecte modernité, naguère, incarnée par "ce machin de Radio Mauritanie"… Fille de la grande dame Mounina mint Eidda qui fut couronnée par l’envoutant "chor d’aftout"…
Elevée dans un milieu naturel dont la physionomie constitue, en elle même, un tableau d’art, célébré dans l’imaginaire collectif par l’inspiration spiritualiste du poète ould Addouba et qui renvoie à l’image esthétique la plus raffinée de la vie dans ce désert bien rude (Bel Mguil al bidhan … tenzah wa Azawan), Dimi fut l’artiste qui chantait, par l’art accompli, la voix de notre vie nationale… Saurions nous chanter sa voie ? Allahuma Arhamha wa Aghafir laha wa tajawaz an ha…
Commentaire de Mohamed Said Homody
Abd el Ghader
Ce texte est sublime tout simplement. IL rappelle l’élan d’un étalon arabe d’un noir immaculé. Il est rafraîchissant comme une brise qui a caressé les eaux d’une batha « entre chien et loup » et qui, s’engouffrant dans les maisons du Ksar ou de l’oasis, réparent des grandes chaleurs de Juillet.
Cette oraison funèbre est tout simplement remarquable, pertinente, vraie, bien écrite et remarquablement imagée et rythmée. j’ai essayé (par jalousie) de trouver des critiques. Elles sont « minces et bien mâchées » mais je vais te les aligner:
1° Incontestablement Sidaty et mounina Mint Eyda, les géniteurs de la Diva, lui ont transmis beaucoup et ont contribué à sa formation. Mais sa grande mère Garmi a été décrite par Ahmed Salem O. Haïba (je crois) en un récital d’un groupe de mélomanes restreint et comprenant notamment l’Emir Abderahmane O. Bakar et Dje ould Meynouh comme avoir été choisie par son ami Elva le « brun » reine des »… radatt Azawane et des maîtresses de maisons » (traduction libre de Saïd). Cette Garmi là avait une voix de ténor qui reste le prototype même de la force de portée et de la beauté des intonations.
Un autre artiste exceptionnel pour l’intelligence et l’assimilation des patrimoines musicaux du monde maure et des autres arabes, mais aussi des mondes occidental et noir, son cousin et premier mari Seymali Ould Hamed Vall méritait d’être cité. Mais cela ne change rien à la qualité exceptionnelle de l’élan du cœur et de la belle poésie que tu as laissé éclater. D’autant que sans le timbre de la voix de Dimi tous ces atouts n’auront servi à rien. ALLAH Yarhamha.
Mohamed Saïd Ould Hamody
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