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Nouvelles d’ailleurs : Bob DYLAN, Prix Nobel de littérature... Et la lumière fut....
Le Calame - Quand j'ai défendu bec et ongles, il y a quelques mois, le fait que la littérature (dont la poésie) que l'on enfermait que sous sa forme papier (livres), et donc seule « éligible » à figurer dans une anthologie, n'était qu'une vision étriquée de la création, j'ai tout entendu : que je ne savais pas écrire, que j'étais digne du niveau maternel, que je faisais dans le plagiat, que j'étais folle, que j'étais injuste, etc....
J'ai eu droit à tous les sarcasmes, tous les mépris, toutes les insultes... Pourtant je sais que j'avais raison et ce Prix Nobel de Littérature attribué à Bob Dylan me console car que dit-il? Il dit que la création n'appartient pas à une caste, que l'écriture est aussi musique, que la poésie est littérature et pas seulement écrits quasi confidentiels de supposés "écrivains ratés", entendez par "écrivains ratés», qu'ils ne sont pas capables de pondre un livre, LE roman, seul viatique ouvrant la "voie royale" au monde des "littérateurs" et que la poésie ne serait que distraction.
Il dit que l'édition papier, le livre, le sacro saint roman, n'est pas la seule voie en écriture. Qu'il existe d'autres supports pour les écrivains. Et que la poésie chantée est AUSSI littérature.
Que la poésie EST littérature. Ce prix rend hommage à tous ces créatifs, tous ces poètes, tous ces artistes longtemps un peu méprisés et mis de côté, car non publiés, par la censure officielle qui fait d'un écrivain celui qui publie un livre...
Déjà, en 2013, l'attribution du Prix Nobel de Littérature à l'écrivaine canadienne Alice MUNRO cassait les codes car, pour la première fois, on ne récompensait pas une œuvre romanesque mais la nouvelle comme style littéraire, ce qui était une révolution en soi.
Aujourd'hui on rend hommage à l'art en ce qu'il a de libre, de création permanente, d'anti conformiste. On rend hommage à la sensibilité mise en mots et en musique ensuite. On rappelle que la poésie fut mère de toute la littérature. On rappelle que la littérature ne s'enferme pas dans des codes, qu'elle n'appartient pas à une caste. Que, malgré le système de castes et, somme toute très élitiste, de l'impression papier, la création est infinie. Et se dessine en formes multiples.
Il faut un grand courage pour avoir choisi Bob Dylan car il y aura des grincements de dents et des récriminations.
Pourtant, ce Prix Nobel vient de rappeler une vérité fondamentale : l'écriture ne s'accommode pas de barrières. L'écriture, la poésie, la littérature ne sont pas des dogmes inscrits dans la pierre.
Que la liberté créative est le cœur de la littérature et qu'en dehors des livres papiers, il y a une vie et un art. Et des créatifs, des amoureux des mots, des baladins de la parole étirée jusqu'à l'infini. Elle rend à la parole sa liberté, au talent sa beauté créatrice. Elle rend au monde les slameurs, les musiciens, les poètes musiciens, les griots, les brodeurs de traditions orales, tous ceux qui ont fait de leurs voix les supports de leurs paroles poétiques, les poètes, les poètes qui ne publient que sous forme de blogs, les poètes qui écrivent sur les murs, etc...
Il nous rappelle que ce n'est pas le papier qui fait la poésie, mais la poésie qui, parfois, fait le papier. Parfois...
Et que le véritable courage est de casser les dogmes.
Alors oui ce Prix Nobel là est un des plus beaux Prix Nobel de Littérature, une magnifique reconnaissance à tous les sans-grade, à tous les sensitifs, à tous ceux qui osent sortir de la doxa pour laisser la création être, c'est à dire libre...
Et que l'on ne vienne pas me dire que les textes de Dylan ne sont pas littérature. D'abord, qu'est-ce que la littérature ? Cela fait des siècles que des gens bien comme il faut tentent de nous expliquer, de nous définir, de définir ce qui n'est pas définissable.
La littérature sont-ce seulement les romans et les livres papiers ?
Au risque de déplaire à beaucoup, je dis et redis non : la littérature, puisque nous avons tellement besoin de règles et d'explications est, et c'est ce qui s'en approche le plus, une explosion. Un silence blanc dans lequel la parole devient vague et battement de cœur. Une solitude qui se fait musique, un élan retrouvé, l'horizon de nouveau à perte de vue.
Elle est rage, elle est folie, elle est regards inversés que celui qui crée porte sur ce monde, un miroir de nos vies.
Elle est la vague qui monte du plus profond du ventre.
Elle se déclame, elle se chante, elle s'inscrit sur un disque, elle percute. Elle s'écrit aussi, parfois.
Ré écoutez les paroles de « Like a rolling Stone » de Dylan (ré interprété magnifiquement par Jimmy Hendrix...)... Ré écoutez la poésie vertige de « Blowin' In The Wind » ou les mots devenus notes de « Tambourine Man »....
Bob DYLAN est un poète, un immense poète, nonobstant les grincements de dents de ceux qui pensent que la prison est le seul lieu de vie et de création.
Il aura fallu attendre tant d'années, tant de silences, pour qu'enfin soient reconnus la poésie et le talent d'écriture d'un enfant fou de la musique. Et la poésie en tant que telle. Et la poésie mise en notes et musiques, mise en voix...
Dans ce Prix Nobel j'entends toute la littérature orale redresser la tête, j'entends l'hommage aux conteurs, j'entends la voix de ceux qui écrivirent le monde sans jamais le coucher sur une feuille de papier.
N'en déplaise aux grincheux, n'en déplaise à ceux qui se décident gardiens du temple Littérature, les mondes compartimentés ne sont pas que modèles.
Loin de moi de critiquer le roman papier ; il reste création, magnifique, somptueuse, profonde.
Mais, dorénavant, le roman n'est plus considéré comme seul éligible au talent et aux prix littéraires.
Et c'est tant mieux.
Aujourd'hui, dans ce Prix, avec ce Prix, j'entends, le monde peut entendre tous ceux qui furent jugés peu aptes à figurer dans les anthologies littéraires, dans les cercles fermés des écrivains papier, tous ceux qui usent d'autres canaux de création, d'autres supports...
A trop compartimenter l'art et la culture, à trop l'enfermer, nous avons fini par oublier que la liberté est la base de l'art. Et qu'un poète, que la poésie, sont les contes du monde.
Dans ce grand naufrage de nos humanités, dans ces temps troublés, dans ces peurs qui barricadent les sociétés, la poésie se rappelle à nous. La poésie et la musique. La poésie musique.
Pour qui aime les mots, il suffit juste d'ouvrir son âme et sa peau aux multiples voix de la poésie, aux langueurs, aux rages, aux amours, à la soie d'une voix, à l'âpreté d'une intonation, à la broderie de la parole qui se fait monde, à la musique.
Il faut se laisser percuter par la beauté et la puissance. Pas la mépriser et la regarder de haut.
Il faut que tout ce souffle que le poète nous offre devienne sens. Même si cette poésie n'est pas publiée en version papier. Surtout si cette poésie n'est pas publiée en version papier...
Un jour un gamin, juste « armé » de sa guitare, d'un harmonica et de ses mots, a offert au monde des mots cisailles, de la poésie brute. La beauté perverse d'un monde implosant...
Bob DYLAN mérite ce Prix Nobel de Littérature. La littérature mérite ce Prix. La création mérite ce Prix.
Pour terminer, je vous offre quelques vers de « Blowin' In The Wind » :
« How many roads must a man walk down
Combien de routes un homme doit-il parcourir
Before you call him a man ?
Avant que vous ne l'appeliez un homme ?
Yes, 'n' how many seas must a white dove sail
Oui, et combien de mers la colombe doit-elle traverser
Before she sleeps in the sand ?
Avant de s'endormir sur le sable ?
Yes, 'n' how many times must the cannon balls fly
Oui, et combien de fois doivent tonner les canons
Before they're forever banned ?
Avant d'être interdits pour toujours ?
The answer, my friend, is blowin' in the wind,
La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent,
The answer is blowin' in the wind.
La réponse est soufflée dans le vent..... »
Salut
Mariem Mint DERWICH