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Petites arnaques à la frontière mauritano-malienne
Dune-Voices - Les Mauritaniens se rendant au Mali et les Maliens qui viennent en Mauritanie en utilisant les transports en commun sont victimes de toutes sortes d’escroquerie de part et d’autre de la frontière (Gogui Mauritanie et Gogui Mali).
Cinq postes de contrôle du côté mauritanien à partir de Kobeny et autant de postes du côté malien sont des zones grises où les arnaques ont libre-cours et où toutes sortes de voyageurs se croisent.
Policiers, gendarmes, douaniers mauritaniens et leurs collègues maliens n’hésitent pas à bloquer les passagers pendant plus de vingt-quatre heures et à leur soutirer des sommes d’argent, 5.000 UM (13 euros) pour le passager malien et 10.000 Francs CFA (15 euros) pour le passager mauritanien, sans un quelconque reçu prouvant la régularité de l’acte.
Le stratagème mis en œuvre est le même des deux côtés de la frontière. Les contrôleurs des agences de transport, qui se relaient au niveau de différentes escales, se chargent de collecter des billets de banque qu’ils remettent aux agents des forces de l’ordre. « Si vous voulez que les choses aillent vite mettez la main à la poche. Nous n’avons pas de temps à perdre, magnez-vous » lance le contrôleur de l’escale de Gogui à l’adresse des passagers.
« Depuis plus de vingt ans que j’emprunte cette route, je n’ai jamais connu pire situation que celle à laquelle nous sommes confrontés ces dernières années. On a l’impression que les deux pays sont en état de belligérance. Pour sortir et pour entrer en Mauritanie et au Mali, il faut payer. Tout ça est inacceptable » fulmine Mamadou Talla un commerçant malien.
Convention de libre circulation foulée au sol
Cette pratique est d’autant plus inacceptable que la Mauritanie et le Mali ont signé une convention d’Etablissement et de libre circulation des personnes et des biens dont les chefs d’Etat des deux pays ont rappelé en 2014 à Nouakchott, la nécessité de l’application stricte. En vertu de cette convention, les passagers ne doivent être soumis qu’au contrôle et à leur enregistrement au niveau des postes frontaliers. Une procédure devenue tout à fait secondaire. Seul le billet de banque est salvateur. Les passagers en règle et possédant tous les documents exigés ne sont pas plus épargnés.
« Je suis militaire, commandant de l’armée malienne ma carte professionnelle, la voici. Je possède également un passeport diplomatique, je suis l’épouse d’un diplomate malien en poste en Mauritanie mais rien n’y fait. On me traite comme une vulgaire inconnue» peste Madame Diarra.
Réponse du berger à la bergère
A Gogui Mali, les douaniers en poste fustigent « l’arrogance » de leurs collègues mauritaniens. « Nos compatriotes souffrent beaucoup dans ce pays, ils sont méprisés et soumis à toutes les tracasseries. Les Mauritaniens qui viennent chez nous savent pertinemment que nous n’avons changé d’attitude vis-à-vis d’eux que lorsque les plaintes de nos compatriotes ont commencé à fuser de partout. Nous avons décidé d’adopter la même attitude afin d’amener nos collègues mauritaniens à revenir à des meilleurs sentiments » explique un douanier malien au moment où il s’apprêtait à empocher les 20.000 Francs Cfa (plus de 30 euros) que le serviteur lui tendait.
La gargote où tout se négocie
A Gogui Mauritanie, la gargote est une véritable attraction. C’est ici que taxi-cyclistes, commerçants détaillants, vendeurs de puces téléphoniques et de cartes de recharge prennent d’assaut les voyageurs qui viennent à peine d’arriver pour leur proposer des services et des produits qu’ils revendent au double. Les cambistes sont naturellement les plus redoutables.
En plus du taux désavantageux qu’ils proposent aux clients, ils servent aussi d’indics et de rabatteurs pour les policiers. C’est également au niveau de cette gargote que les passagers après un repos bien mérité et après s’être alimentés, se relâchent un peu. « Je suis Malien et j’ai quatre amis qui font le voyage avec moi. Nous allons retrouver un groupe de six autres Maliens qui sont partis avant nous. Notre destination c’est l’Europe via le Maroc » indique Moussa Coulibaly la trentaine bien entamée.
Après avoir échangé l’argent qu’ils avaient contre de précieux Dirhams marocains, Moussa et ses amis se disent prêts à affronter leur destin. « Je suis persuadé que de nombreux obstacles vont se dresser devant nous mais parce que nous croyons au destin nous ne baisserons pas les bras. Arrivés à la frontière mauritano-marocaine, nous profiterons d’un moment d’inattention des gendarmes pour nous infiltrer en terre marocaine » balance Moussa qui visiblement n’en est pas à son premier coup d’essai.
Experts pour extorquer de l’argent, les douaniers et policiers semblent moins efficaces quand il s’agit d’empêcher les passages frauduleux.
C’est aussi au niveau de cette gargote que quatre Congolais expulsés de la Mauritanie sont revenus dans le pays par une voie détournée, aidés en cela par des passeurs, à bord de leurs motocyclettes.
Khalil SOW