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Planning familial et développement en Afrique : les objectifs attendus à l’horizon 2020
L'Authentique - Le Directeur Exécutif du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), Dr.Babatunde Osotimehin a présidé le 29 janvier 2017 à l’Hôtel Radisson Blue d’Addis-Abeba, une conférence sur le Planning Familial au regard de l’Agenda 2020 ou Agenda FP2020.
Cette rencontre est le fruit d’une coopération entre le Secrétariat d’Etat britannique pour le développement international, la Commission économique pour l’Afrique (CEA), l’Association internationale pour le planning familial (IPPF) et le ministère de la Santé d’Ethiopie. Un panel d’experts venus de tous les horizons avait assisté à cette conférence de haut niveau.
« Ne laisser personne derrière »
D’emblée, le Directeur Exécutif de l’UNFPA a souligné que l’essentiel des efforts déployés par son département est de s’assurer qu’on « ne laisse personne derrière », insistant sur la nécessité de tirer tous les pays africains derrière le locomotive du développement économique et social du continent.
« L’Afrique ne peut pas atteindre le développement à l’horizon 2063 tels que contenus dans ses objectifs, sans fournir des services de planification optimum et un accès facile aux services de santé de la reproduction » a déclaré le Dr.Babatunde. « Nous parlons d’une population de plus d’un milliard de personnes où les jeunes filles sont les plus vulnérables » précisera-t-il. Et d’ajouter « lorsque les femmes et les filles pourront choisir ce qu’elles veulent en termes d’union, d’organisation familiale et de choix de leurs grossesses, elles contribueront au développement de leurs communautés et de leur pays », car selon lui, « elles auront de meilleurs résultats quand leurs enfants seront bien nourris et éduqués ».
Pour le Dr.Babatunde, le dividende démographique n’est pas une notion abstraite, car derrière cette notion se cache un ensemble de politiques dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’autonomisation des femmes, de la scolarisation des filles, etc.
Le pacte de Londres
Il a rappelé à ce titre l’engagement des pays africains en 2012 à Londres, lors du lancement de l’agenda pour le planning familial à l’horizon 2020 ou Initiative PF2020 dont l’objectif est de permettre à 120 millions de femmes et de jeunes filles supplémentaires d’utiliser des contraceptifs d’ici l’année 2020. Selon lui, l’effort doit davantage porter sur l’Afrique de l’Ouest, en s’appuyant sur le Partenariat de Ouagadougou pour drainer 2,5 million de femmes supplémentaires à l’utilisation d’un moyen de contraception dans cette partie du continent à l’horizon 2020.
Il s’agit de s’assurer que les objectifs de l’Agenda 2030 et 2063 pour le développement durable seront atteints par tous les pays africains, en prenant les moyens de porter l’usage du planning familial à un niveau plus élevé, en garantissant aux populations l’accès à des soins de santé abordables, surtout en ce qui concerne les jeunes et les adolescents.
La richesse d’une nation est sa jeunesse
« A l’UNFPA, nous fournissons le plus grand nombre de produits de planning familial et nous veillons à ce que ces produits parviennent aux populations les plus vulnérables, au niveau du suivi, du stockage et de la distribution » a souligné le Dr.Babatunde.
Il a rappelé dans ce cadre le nouveau programme qui lie l’UNFPA à la Banque Mondiale dans le cadre d’un projet avec six gouvernements du Sahel. Il s’agit de s’assurer, selon lui, que les Etats ciblés fournissent plus d’emplois aux jeunes. « L’avenir de l’Afrique ne se trouve pas dans ses matières premières mais dans sa jeunesse » a affirmé le Directeur Exécutif de l’UNFPA.
La feuille de route de Kigali
A son tour, l’ambassadeur Olawale Miyegun, Directeur des Affaires Sociales de la Commission de l’Union Africaine, a rappelé à son tour la feuille de route de Kigali sur le profit à tirer du dividende démographique en investissant dans les jeunes. « Le premier investissement dans la jeunesse doit se faire au niveau de la disponibilité du planning familial pour les jeunes femmes âgés de 15 à 19 ans » a-t-il noté. Ce à quoi lui répondra plus tard, Dr.Babatunde, que les filles en Afrique continuent d’être livrées au mariage dès l’âge de 8 et 9 ans, en insistant sur la nécessité de combattre par tous les moyens « les mariages des enfants ».
Poursuivant sur sa lancée, l’ambassadeur Olawalé devait ajouter un autre facteur déterminant dans le profit à tirer du dividende démographique, à savoir l’autonomisation des femmes et des jeunes filles. Il s’agit surtout, selon lui, de l’investissement dans l’éducation et la santé, en s’assurant que les jeunes africains puissent jouer un rôle dans l’agenda de développement du continent, sur la base des instruments ratifiés par les Etats membres, notamment le Plan de Maputo sur la santé de la reproduction, la position africaine commune dans la campagne contre le mariage des enfants, la Charte africaine de la jeunesse, la Charte africaine des droits de l’Homme, ainsi que le Protocole de Maputo sur les droits de l’Homme et de la Femme.
« Tous ces instruments doivent aider l’Afrique à réussir son développement sur la base du respect des droits de l’homme et en exploitant les potentialités des femmes et des jeunes » a précisé l’ambassadeur Olawale. De poursuivre, « en créant un environnement propice à la capture du dividende démographique, nous pouvons prémunir nos jeunes de l’immigration clandestine et du terrorisme ».
Le droit de choisir
Le Directeur des Affaires sociales de la Commission de l’Union Africaine, a souligné que les objectifs du FP 2020 permettront de lutter contre la mortalité maternelle, d’éradiquer la pauvreté, de vaincre le VIH/Sida, d’éviter les grossesses non désirés en couvrant les besoins non satisfaits en matière de planning familial. « Les filles de 15 à 19 ans font face à l’impossibilité de négocier leurs relations sexuelles » a-t-il constaté, citant les mariages précoces et leurs conséquences, en l’occurrence la déscolarisation des jeunes filles, les fistules obstétricales et les avortements non sécurisés.
L’idéal visé par le FP2020 est, d’après lui, de permettre aux filles de rester plus longtemps à l’école, d’avoir accès à une éducation en matière de santé reproductive et de contribuer au développement économique et social de leur pays. « Les filles doivent avoir le droit de gérer leur vie et leur épanouissement pour exploiter leur potentiel » a déclaré l’ambassadeur Olawale.
Un cas d’école : l’Ethiopie
Le ministre éthiopien de la santé, Pr.Yifru Berhan a de son côté déroulé l’expérience de son pays en matière de planning familial et de santé de la reproduction. Selon lui, les adolescents représentent 42% de la population avec un tiers des femmes qui utilisent un moyen de contraception. Ce qui s’est traduit par une baisse importante du taux de fertilité, a-t-il souligné.
« L’utilisation des moyens de contraception modernes a permis d’éviter 1,5 millions de grossesses non désirées et 500.000 avortements non sécurisés » a-t-il également fait remarquer. Selon lui, la mortalité maternelle a chuté de 65% en Ethiopie et l’avortement n’est plus répertorié parmi les six causes de décès maternels. Il a précisé que l’Etat éthiopien a consacré en 2016 une enveloppe de 28 millions de dollars U.S pour le planning familial et que la prévalence contraceptive est passée de 36 à 58%.
L’apport du gouvernement britannique
Pour Prity Pattel, Secrétaire d’Etat britannique aux affaires internationales et de développement, « sans le planning familial, il n’y a pas de développement possible », se félicitant du choix fait par les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africain d’avoir axé la 28ème session de leur conférence sur le dividende démographique et la jeunesse. Le gouvernement britannique est convaincu selon lui que l’éradication de la pauvreté passe d’abord par de bonnes politiques en planning familial.
« Les femmes doivent pouvoir choisir combien d’enfants elles souhaitent avoir, quels moyens de contraception elles veulent utiliser. C’est comme cela qu’elles auront le pouvoir de transformer leur vie et celle de leur pays » a-t-il souligné.
Selon Prity Pattel « plus de 225 millions de femmes à travers le monde retardent leurs grossesses parce qu’elles n’ont pas accès au planning familial ». D’ajouter que grâce à l’Initiative PF2020, « d’importants progrès ont été réalisés, malgré que beaucoup de jeunes filles en Afrique veulent éviter des grossesses mais n’ont pas accès à la planification familiale ».
Selon lui, un fonds d’innovation reproductive va être mis en place dans les quatre années à venir et pourra aider 3 millions de femmes en Afrique. Il a rappelé qu’en 2016, son département a mis en place, en collaboration avec la société civile africaine un programme dont la mise en œuvre est incessante, sans compter la réunion sur le planning familial prévue courant 2017 en collaboration avec l’UNFPA et la Fondation Gates.
Cheikh Aïdara
Addis-Abeba