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Droit de réponse/ Par Lt/Colonel à la retraite, Sidi Mohamed Ould Vaïda
Sidi Mohamed Ould Vaïda - Le devoir de réserve interdit au fonctionnaire de faire de sa fonction l’instrument d’une propagande quelconque. Il s’agit d’une application de neutralité du service public. Ce devoir n’est cependant pas inscrit dans la loi mais est consacré par la jurisprudence, il concerne le mode d’expression des opinions et non leur contenu. (Voir la loi Hatch de 1939)
C’est en vertu de cette jurisprudence et par respect à l’institution militaire, à laquelle j’ai appartenu, que je me suis toujours refusé de répondre aux sorties intempestives de certains journalistes amateurs et aux accusations gravissimes, portées contre ma personne par les activistes, non moins amateurs mais tout aussi malveillants dont ils s’inspirent, afin d’exécuter des agendas dirigés contre la cohabitation entre les composantes du peuple mauritanien.
J’avais toujours pensé, crédulement bien entendu, que cette attitude, qui procède de la manière dont les officiers se conforment au code d’honneur auquel ils s’astreignent et en vertu duquel, la France a revu et corrigé la contrainte du devoir de réserve en 2005, dans son nouveau statut général des militaires, allait amener ces pêcheurs en eaux troubles à se conformer à la loi qui régit la profession ou à la morale religieuse, qui proscrit la médisance sous toutes se formes.
Il semble, malheureusement, que c’est peine perdue. Il semble aussi que la loi, la déontologie et la rigueur professionnelle, dont l’application fait la crédibilité du journaliste et l’intérêt pour son travail, n’engagent, aux yeux de certaines de nos rédactions, que ceux qui y croient ou le législateur qui les conçoit, pensant naïvement pouvoir protéger la société contre le terrorisme intellectuel et contre sa nébuleuse organisée en corporation du crime par voie de presse.
C’est pour cette raison et pour d’autres, à caractère dissuasif, que j’ai décidé de porter plainte contre le dénommé Sidi Ould Baye (patriote incontestable) auteur de l’article diffamatoire "Les torchons du faux journaliste Moussa Ndiaye sont commandés par les Généraux" paru dans ESSIRAGE.net et repris par CRIDEM le 02-08-2017 et dans lequel je suis nommément mis en cause par des accusations d’extrême gravité. (http://www.cridem.org/C_Info.php?article=700911)
Et puisque ce journaliste semble si sûr de lui et des propos qu’il tient, sans la moindre considération pour le droit des autres à la quiétude, ni pour la présomption d’innocence dont ils jouissent, je lui offre ainsi l’occasion de les vérifier, tout en lui prodiguant le sage conseil d’avoir des preuves assez solides et convaincantes pour échapper aux effets des lois qu’il foule aux pieds et à l’incidence multiforme du verbe mentir, conjugué au temps révolu de l’impunité.
Ces précisions faites, je tiens, par ailleurs, à profiter de l’occasion pour apporter les éléments de réponse aux questions que les mauritaniens, en général et mes amis et frères négros mauritaniens, en particulier, sont en droit de se poser, quant au rôle qu’on me prête dans les événements, ayant marqués les années 80-90 du siècle passé et que ces accusations et d’autres, non moins virulentes, tentent d’accréditer, avec pour seuls arguments l’ignorance, l’amalgame et la mauvaise foi.
Je le ferais cependant en âme et conscience, non pas pour expier un crime ou se donner bonne conscience, comme certains voudront sûrement le faire croire pour sauver leurs fonds de commerce, érigés sur la cause des victimes des événements ayant émaillés les époques citées ci-dessus, mais pour remettre les pendules à l’heure de la vérité historique.
L’heure de cette vérité que tout le monde réclame sans en souhaiter réellement la venue, car elle viendra bouleverser bien des intérêts mercantiles, des certitudes et idées reçues.
Je le ferais aussi en paraphant Roger Holleindre dans sa lettre à Jamel Debouze et dans laquelle il disait : (Nous sommes harcelés sur les "grands" médias, par des groupuscules idéologiques qui veulent travestir l’histoire, pour en bénéficier, en instillant la mauvaise conscience à des gens sans lesquels, ils ne seraient rien, ou quasiment.
Il faut dire que la révision de l’histoire -science complexe et incertaine, aux conclusions fluctuantes- va bon train et que la victimisation des uns, la culpabilisation des autres, constituent ces jours-ci un business fructueux)
Je le ferais également, dans un esprit patriotique, loin du négationnisme, érigé en stratégie de défense par ceux qui se sont rendus coupables d’actes répréhensibles dont je mesure, à la fois, la portée morale, juridique et religieuse. Je déclare à cet effet, que je refuse d’être une victime consentante mais, que je ne suis, en revanche, l’avocat de personne, ni d’aucune cause, ni d’aucun régime, tout comme je ne suis comptable des conduites et dérives d’aucun système.
Et, pour avoir occupé une place, me permettant de porter un jugement objectif sur le déroulement de l’histoire récente du pays et de la vallée, de façon particulière, je ne pourrais le faire, sans louer le patriotisme, le courage et l’abnégation, dont le président Mohamed Ould Abdel Aziz a fait preuve, pour apporter des solutions justes et équitables aux contentieux, qui ont résulté de cette époque douloureuse.
Pour ce faire, il serait utile de dire que mon itinéraire dans l’institution militaire n’a jamais été entaché d’actes ou de conduites contradictoires à la loi et aux droits des prisonniers, dont la garde m’a été confiée à plusieurs reprises.
J’avoue par contre, qu’en matière de discipline, ma conduite a souvent bousculé les formes car, je n’ai jamais accepté que les tortures et les traitements dégradants, auxquels certains de ces prisonniers étaient soumis avant d’être transférés dans mes casernes, soient appliqués, malgré les instructions implicites et suggestives dans ce sens.
Mais, l’ironie du sort étant un aspect mythologique auquel plusieurs penseurs ont eu recours afin d’expliquer certaines déconvenues du destin, le respect que j’ai manifesté à l’égard de la loi et des droits de l’homme, ne m’a valu que des réprimandes dans la vie active et des accusations sans fondements, stimulées, il est vrai, par le devoir de réserve que je m’imposais jusqu’à là, comme un sacerdoce.
…1981
En 1981 et au gré du hasard, je suis devenu commandant de la base de Jreyda. Cette affectation, par laquelle j’aurais à interférer plus tard dans les événements du 16 Mars, obéissait à un déroulement de carrière normal et je n’avais, de toute façon, pas le choix, dans les affectations que la chaîne de commandement opérait.
C’est donc à Jreyda, par une nuit que rien ne distinguait de la routine habituelle, qu’on est venu me livrer les éléments du commando du 16 Mars à 4h du matin. Les figures de proue du commando, pour qui j’avais un respect particulier, découlant de cette forme du droit d’aînesse en vigueur dans les armées, étaient menottés, en tenues bleues, et les yeux bandés. Ils portaient les stigmates de traitements dégradants et inhumains subis, à leurs dires, dans les casernements de la garde et de la sixième région militaire.
Au-delà de l’honneur d’officiers, dont ils voulaient faire preuve en ces circonstances de désespoir, j’avais perçu chez "mes" nouveaux prisonniers, l’amertume d’avoir subis ces traitements de la part de frères d’armes. Ils furent, pour ainsi dire, livrés à une "vindicte" aveugle loin de la justice et de l’effet régalien des institutions de la république.
A ce moment précis et compte tenu de la gravité des charges retenues contre eux, je savais que le sort qui les attendait fera partie intégrante de l’histoire du pays. J’y mesurais à la fois donc, mes responsabilités et mon devoir de ne pas suivre aveuglément des instructions politiques, maquillées en devoirs militaires.
Ma première déconvenue, à cet effet, m’est venu de l’intervention de l’un de mes supérieurs hiérarchiques, qui, en regardant un jour par la fenêtre de leur geôle, avait découvert qu’Ahmed Salem Ould Sidi se rasait à l’aide de ma propre trousse et que Kader était étalé sur un lit moelleux et lisait tranquillement une revue Paris Match.
Mon chef m’interpella, croyant utile de me rappeler que ces hommes sont des prisonniers et qu’ils n’étaient pas en villégiature. Ce à quoi j’avais répondu que, tant que je suis commandant de la base, ces prisonniers seront traités, conformément aux conventions internationales en la matière et aux principes des droits de l’homme. Les témoins de cet épisode de ma vie active sont présents et peuvent, au besoin, valider mes dires.
Ce refus d’abonder dans le sens de l’hystérie collective, entretenue par les Structures d’Education des Masses et par des bataillons de tontons macoutes, auxquels est dévolu le rôle d’en faire le dogme de l’Etat, a été perçu comme une insubordination et la manifestation d’une indiscipline caractérisée, qui tranche nettement avec l’esprit de soumission à la dictature du CMSN. Il m’avait valu 20 jours d’arrêt de rigueur et l’affectation à Bir Mogrein, considéré à l’époque comme la pire des sanctions.
…1985
En 1985, le même hasard a voulu que je sois de nouveau affecté à Jreyda où, deux années plus tard, les auteurs de la tentative de putsch de 1987 furent détenus sous ma responsabilité.
Personne, surtout pas des journalistes en mal de notoriété ou des activistes, marchands d’illusions au plus offrant et à la tête du client, ne pourra mesurer combien j’étais mal à l’aise d’être réduit au statut de geôlier de mes frères d’armes, dont certains étaient des promotionnaires et amis intimes.
A l’issue du procès, les plus âgés d’entre les prisonniers, notamment le colonel Anne Amadou Baba Ly et le commissaire Ly Mamadou (encore vivants Dieu merci) avaient fait des témoignages qui se passaient de commentaires et qui illustraient parfaitement bien leurs sentiments à mon égard. Au besoin et, en toute logique, ces témoignages, spontanés et crédibles, apportent des démentis cinglants aux allégations malintentionnées, dont je suis parfois l’objet, mais, à mes yeux, l’occasion de les évoquer, ne s’est jamais valablement présentée.
Le premier m’avait invité à une réunion à laquelle étaient présents certains de ses parents et amis, et avait tenu les propos suivants : "je vous prends à témoins, avait-il dit avec une émotion non feinte, que je désigne comme parrain de mes enfants, Sidi Mohamed Ould Vaïda ici présent. Je ne savais pas qu’il y avait des officiers aussi dignes".
Quant au Commissaire Ly, les larmes aux yeux, m’avait pris les mains et me dit: "ma mère ne m’a pas donné de frère. J’ai accepté de Dieu cette privation. Maintenant je pense avoir trouvé compensation dans mon abnégation.
Tu es désormais le frère que je n’ai pas eu".
Je l’ai regardé ensuite monter dans un véhicule pour aller affronter son destin à Oualata. J’étais impuissant. La loi des hommes prenait invariablement le dessus. J’avais la conscience tranquille, quoique profondément blessé dans mon affection pour cet homme fier qui, dans le chaos psychologique qui devait être le sien, trouvait la force de faire parler son cœur avec juste de passion, ce qu’il faut pour ne pas perdre sa dignité.
Trouver à y redire ou penser une seule seconde que l’on puisse réserver à un tortionnaire supposé des négros mauritaniens, l’accueil dont j’ai été l’objet à Mbagne, lors de la campagne référendaire, c’est soupçonner ces valeureux officiers et, au-delà, la communauté négro mauritanienne toute entière, d’hypocrisie.
Pire encore, c’est les soupçonner de développer un délire de sadomasochisme ou un syndrome de Stockholm collectifs, que réfute l’entretien de la mémoire relative à ces événements.
C’est encore se méprendre sur le sens et la portée de cet accueil, que de ne pas situer le département de Mbagne dans son contexte social et historique. Le «journaliste» Ould Baye et les activistes de la vingt cinquième heure qui l’inspirent, doivent comprendre une bonne fois pour toute, qu’on ne reçoit pas en grande pompe et, de surcroît, dans le berceau des valeurs ancestrales du royaume Déniankobé, un homme sur qui pèsent les soupçons qu’ils décrivent avec autant de mauvaise foi, que de légèreté dans les arguments.
…1989
En 1989, j’étais en stage aux Etats Unis. Je n’ai donc assisté, ni aux exactions commises de part et d’autre de nos frontières Sud, ni aux expulsions, qui constituaient jusqu’en 2009, le nœud du douloureux problème, dit des événements de 89.
En octobre 1989, mon stage terminé, je fus muté comme commandant d’une formation militaire qui devait se déployer sur la frontière avec le Sénégal. A l’époque, cette frontière était en proie à une guérilla en règle, encadrée et équipée par l’armée sénégalaise.
Cette guérilla hybride, de par les troupes qui la composent, n’épargnait rien et ne faisait aucune différence entre les cibles. Tuer les civiles et razzier leur bétail était d’ailleurs son action de prédilection. Avant mon arrivée, la réaction opposée à cette guérilla, procédait d’une monumentale erreur d’appréciation et de jugement de la part du commandement.
Les villages mauritaniens étaient en état d’urgence permanent. Ils étaient administrés par sous-fifres interposés et, les gardes et gendarmes qui s’y trouvaient et qui étaient souvent de niveau inférieur, dans la chaîne de commandement, s’y comportaient comme en territoires conquis.
Des bavures y ont été commises et le sentiment des populations à l’égard du régime, qu’elles percevaient à travers le comportement de ces hommes, n’était pas dénué de légitimité.
C’est dans ce contexte que les exactions, qui constituent aujourd’hui la symbolique des événements de 1989, notamment Sory Malé, Azlatt etc. eurent lieu. C’est également dans ce contexte qu’est née la fracture communautaire, puisque les villages maures ciblés par la guérilla, avaient créés des groupes d’auto-défense encadrés et équipés, en fusils Mauser, par le gouvernement mauritanien.
Pour ces groupes et, par préjugés, parfois feints pour les besoins d’une cause qui relève des compétences des ethnologues, le négro est souvent un sénégalais en puissance.
Pour déployer mes troupes dans la vallée, j’avais exigé, comme préalable, que cette "administration" de circonstances "gardes et gendarmes", quitte la vallée.
Mes arguments, que j’avais eu du mal à faire valoir, avaient finis par porter et les villages, ayant appris mon attitude envers ce qu’ils estimaient être une occupation, m’envoyèrent des délégations de partout pour me remercier de les en avoir débarrassés.
J’avoue que dans ce contexte, j’avais eu autant de difficultés d’endiguer les opérations de la guérilla, que de difficultés à désarmer les groupes d’auto-défense qui, il faut le préciser, se trouvaient eux aussi, une légitimité dans l’absence de l’Etat et dans la manière par laquelle la vallée était jusqu’à là administrée.
Ma première décision avait été l’interdiction formelle aux troupes, sous mon commandement, de rentrer dans les villages, puisque j’avais compris que, sur l’échelle des urgences, cette mesure était un préalable au retour de la confiance et de la quiétude.
Chez des populations vulnérables et traumatisées, cette décision consistait donc à faire disparaître les symboles de la peur et des menaces que représentaient les militaires aux yeux des villageois. Mes hommes avaient pour instructions de se focaliser sur leur mission initiale, qui est de faire face aux assaillants qui venaient du Sénégal.
Comme mesures d’accompagnement, il m’a fallu redynamiser la traditionnelle dimension sociale de l’armée en temps de troubles. J’ai alors mobilisé, sur les modestes budgets dont je disposais, les moyens d’assurer l’assistance multiforme dont pouvaient avoir besoin certains villages.
Quant aux assaillants, dont les incursions devenaient de plus en plus meurtrières, ils commettaient des crimes abominables, passés sous silence. La raison est que, pour notre pays, le mutisme était, à cette époque, érigé en stratégie de communication afin d’éviter des problèmes avec le Sénégal, alors que dans les adwabas, les victimes dépassaient de loin le seuil à partir duquel, un conflit est considérée comme une guerre conventionnelle.
J’avais affaire à des combats réguliers et, je peux dire aujourd’hui qu’à aucun moment de ma présence dans la vallée, il n’a été question de torture dans mes casernements, tout comme il n’a été question de braquer nos armes sur des civils mauritaniens ou sénégalais.
J’irais même plus loin pour dire que, dans l’accrochage de l’île de Sadel, en territoire mauritanien, des soldats sénégalais ont été découverts morts parmi les assaillants, confirmant ainsi le caractère conventionnel du conflit.
Ce fait a été largement commenté par RFI et j’ai tenu personnellement à ce que l’Etat Major vienne constater la nature, que ces dépouilles de l’armée régulière sénégalaise, donnaient au conflit auquel nous faisions face, mes hommes et moi.
Malgré cette situation de guerre, mes troupes étaient maitrisées et le fait qu’elles aient été accueillies, dès leur arrivée, par des attaques violentes qui ont fait des morts dans le village de Nima et blessé le commandant de la brigade de gendarmerie de Toufoundé civé, la discipline et la conscience professionnelle étaient restées de rigueur.
Les échanges de tirs, que nous avons toujours eus avec ces assaillants et qui sont prouvés par la mort de certains de mes soldats, enterrés dans un cimetière près de la base à Bababé, infirment d’ailleurs les thèses, chères à certains éditorialistes et selon lesquelles, nous nous attaquions à de paisibles civils.
C’est enfin pour moi l’occasion de défier ici quiconque, d’apporter la moindre preuve allant dans le sens contraire de ces affirmations.
Et, de toute façon, mes amis, cadres de la vallée et les populations de la zone, qu’on incite de manière implicite à la haine, ont suffisamment de discernement et d’informations sur le sujet, pour séparer la graine de l’ivraie, dans ce cauchemar national et pour savoir qui a fait quoi dans cette phase cruciale de notre histoire récente. Je défie également tout militaire pouvant affirmer qu’il a subi des tortures ou des traitements dégradants sous mon commandement.
Wallahou Weliyyou Ettawvigh
Lt/Colonel à la retraite, Sidi Mohamed Ould Vaïda
sidimvayda@gmail.com