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TM8, Un creuset littéraire [PhotoReportage]
Traversées Mauritanides - Sur près d’une dizaine de jours, du 13 au 20 décembre 2017, les rencontres littéraires de Nouakchott, «Traversées Mauritanides», ont enchanté la ville avec les auteurs Marguerite Abouet, Tarba Mint Amar, Mamadou Kalidou Bâ, Laetitia Beaumel, Mbarek Beyrouk, Aïchetou Camara, Marième Derwich, Bilal Hamzata, Ouleid Nass Sidi Elemine, Moulaye Hacen, Eddy Harris, Mohamedou Hdana, Cheikh Saad Bouh Kamara, Yacoub Mohamed Khattari, Idoumou Mohamed Lemine, Kadiata Sall, Brahim Bacar Sneiba…
Des écrivains venus du Canada, de la Côte-d’Ivoire, de la France, des Etats-Unis et bien sûr de la Mauritanie. Tous ont offert le meilleur d’eux-mêmes, au grand bonheur des scolaires et amoureux du livre et des débats.
Un creuset littéraire
Huit éditions, sans interruption pour une manifestation, c’est la preuve d’une énergie soutenue et certaine. Le succès retentissant de la 8ème édition a convaincu plus d’un que la Mauritanie est capable d’accueillir de grands évènements littéraires. Il suffit juste d’en offrir cadres et ressources.
Même si les ressources ne sont pas ce dont dispose réellement l’association Traversées Mauritanides, qui s’investit sans compter, depuis le lancement de ses rendez-vous en 2010. Petit à petit Traversées Mauritanides, portée par l’écrivain et homme de cultures Bios Diallo, s’est imposée au fil des ans comme une rencontre des intelligences et du bon goût.
Celle des belles lettres, de l’écriture et de la lecture, autant de valeurs à recréer dans un monde où les nouvelles générations sont portées sur d’autres mécanismes que le contact avec les livres, surtout la version papier.
«Ecrits, sourires de vies»
Si en 2016 les auteurs avaient évoqué les villes et leurs murmures, les invités de la 8ème édition des «Traversées» ont eux planché sur ce qui pourrait être perçu comme une résultante de nos espaces confinés, voire délétères.
Autrement dit, comment y conjuguer vies et écritures. Pour faire simple : écrit-on pour supporter la vie ou devons-nous sourire de tout, du plus gai au plus dramatique ? «Ecrits, sourires de vies», tel est le thème autour duquel s’est tissée la réflexion des différentes tables-rondes.
Le défi de la lecture, c’est l’ultime mission des rencontres. « Il faut, dit Bios Diallo, multiplier les approches. Trouver des pistes. Et faire venir des auteurs, en vie dit-il en riant, permet de montrer aux jeunes que tous les écrivains ne sont pas morts et qu’ils ne sont pas que dans le papier ou sur des images de télévisions.
Par leurs présences on pourra davantage stimuler les rétissants.» Il se retourne, pour poursuivre sur une question posée par une élève, et à laquelle la plus part des invités a du répondre ou esquisser une réponse : «la parole dite et écrite est-elle suffisante pour redonner le sourire ?» Un questionnement qui a entretenu les idées, la plume et l’humour, car chacun y va de son argumentaire.
Ce que permet le jeu de la littérature qui s’exporte joyeusement dans les rencontres au bout d’une rue, d’un café, de visites en milieux scolaires, de conférences, de spectacles de contes et joutes poétiques. Cette année, comme par le passé, les espaces d’accueils ont été les écoles Diamly, les Sablettes, le Lycée français Théodore Monod, l’Institut français de Mauritanie (IFM), le Musée National, le Centre culturel marocain, le Racing Club, Le Petit Centre Extension…
Des brochettes venues de …
Laetitia Beaumel, Française résidant au Canada et dont le recueil de poésie «Il n’existe jamais que la moitié du ciel» a reçu en 2017 le prix Piché de poésie de l’Université du Quebec, a été un vrai faisceau de lumière dans les écoles nouakchottoises. De commerce facile, souriante et tenant partout les enfants dans ses bras, elle a senti un grand plaisir à aller dans ces lieux de découvertes, « cette chaleur » de Nouakchott.
Eddy Harris et son humour à fleur de peau, écrivain-voyageur, journaliste de formation et auteur de plusieurs ouvrages, dont «Mississipi Solo» ou encore «Life in Harlem» a également fait le bonheur aussi bien des scolaires que du public intellectuel de Nouakchott.
Avec ses formules à dire de lui-même qu’il n’est pas sérieux, ou sérieux en rien, ses analyses et prises de paroles ont toujours fait l’objet des plus grandes attentions.
Africain-Américain vivant depuis plus de vingt ans en France, avec plusieurs voyages en Afrique et à travers le monde, Eddy Harris a le dialogue des cultures dans les lectures. Mesure et lucidité constituent ses forces. Et déterminent l’attraction sur ses écrits.
Intagrist El Ansari, le plus Mauritanien des Maliens et pour cause il a fait de la Mauritanie depuis de nombreuses années sa… patrie, était au rendez-vous. Il ne manque alors les rendez-vous de Traversées Mauritanides, depuis le début. Son savoir et son dialogue des humanités, c’est aux jeunes qu’il adore les transmettre. Semer à la source de l’humain est son approche.
Invité à participer à cette édition, l’écrivain tunisien Yamen Manai, Prix des Cinq Continents de la Francophonie en 2017 pour son roman «L’Amas ardent», n’a malheureusement pu faire le déplacement de Nouakchott. Mais ce n’est que partie remise, car les organisateurs tiennent à sa présence, peut-être à la prochaine édition !
Mauritanie
Les rencontres littéraires ont réservé, comme d’habitude, une grande place aux auteurs mauritaniens : MBareck Beyrouk, Prix Ahmadou Kourouma 2016 pour son roman «Le Tambour des Larmes», Idoumou Mohamed Lemine, auteur de plusieurs romans dont le dernier en 2016 est «Le Fou d’Izziwane », Brahim Bakar Sneiba «Soufi, le mystique qui faisait peur», Dr MamadouKalidou Bâ, auteur de plusieurs études littéraires, et qui vient de se mettre à la fiction avec le roman «La résistance pacifique», les militantes et engagées Marième Derwich et Aichetou Camara, auteures respectivement du recueil de poésie «Mille et un Je» et du roman Au-delà des frontières.
La programmation a été rechercher aussi certains qu’on avait perdu de vue. Il s’agit de Yacoub Mohamed Khattari, auteur du roman «Les résignés » sur l’esclavage et de Kadiata Sall, nouvelliste et auteure de «Almoudo mon frère » et « Moun… ».
En compagnie de leurs homologues invités, les écrivains mauritaniens marquent leurs présences. Les élèves commencent à se familiariser avec leurs textes qu’ils ont l’opportunité de présenter chaque année.
Et les encadreurs, du primaire à l’université, en redemandent. Une perspective est à l’étude, entre les différentes parties, pour une présence plus régulière de ces productions, même hors des dates du festival.
La BD fait son succès
La grande attraction, de la 8ème édition des Traversées Mauritanides, fut sans doute la venue de l’Ivoirienne Marguerite Abouet dont l’arrivée à Nouakchott a suscité l’enthousiasme des enseignants et élèves qui ayant lu bien avant son best-seller ; la BD «Aya de Yopougon», et dont l’album en 6 volumes est porté à l’écran.
Précédée par le succès de ses écrits, et images, Marguerite était attendue sur tous les sites. Dans les écoles il a fallu réaménager des plages pour donner satisfaction à de nouvelles demandes, si ce n’est d’accueillir de nouveaux venus, des parents compris !
On la hélait dans les rues, à la plage… Jusque dans les banques où on la faisait signer sur des programmes ou feuilles volantes. L’auteure d’Akissi, C’est la vie ( série télévisée) et du Commissaire Kouamé, polar BD sorti peu de temps avant sa venue en Mauritanie, dira elle-même : « J’ai rarement eu de si sympathiques accueils.
Les jeunes mauritaniens sont attachants, pleins d’humour et d’amour. Après les rencontres, les échanges se poursuivaient longtemps. Les filles exposent, en des termes clairs et précis, leurs lectures et préoccupations. On sent une réelle soif du savoir.
Au-delà de mes personnages, j’ai senti ici la nécessité de s’engager davantage pour la jeunesse, l’éducation, la lecture et la circulation de la culture. Et d’un vivre-ensemble aussi ».
Des rencontres qui font de la place aux autres
Traversées Mauritanides, malgré sa forte programmation marquée en langue française, s’est aussi toujours voulue comme le creuset des diversités. Chaque édition, une place est faite à d’expressions. Notamment à la littérature en langue arabe, histoire de s’ouvrir aux Mauritaniens et autres appartenant à cette expression linguistique et culturelle.
Ainsi, la conférence «Ecrire le sourire de ma vie», modérée par l’universitaire Bilal Hamza, a connu un moment de forts échanges en arabe avec le jeune Moulaye Hacen, par ailleurs journaliste-bloggeur que d’aucuns découvraient se demandant si on pouvait l’écouter plus souvent, Mohamed Abdallahi Bellil, Tarba Mint Amar… Des rencontres sont aussi faites en anglais, à l’université et à l’Iserie.
La 8ème édition des rencontres Traversées Mauritanides a de nouveau tenu son pari en réunissant la famille scolaire, les amoureux des livres et des débats autour d’illustres écrivains. Les réactions, à l’issue de cette semaine de brillants échanges, montrent un engouement certain autour de cette manifestation.
Reste à lui espérer d’intéressantes perspectives par des soutiens forts des autorités et mécènes. Car les pressions et sollicitations deviennent de plus en plus importantes, surtout des groupes scolaires et des jeunes assoiffés de lecture, malgré la présence indéniable des nouvelles technologies et des réseaux sociaux.
Au soir de la clôture les organisateurs, équipe de bénévoles, de professeurs, d’étudiants et éducateurs sociaux, dans une ambiance poétique de slams, contes et théâtre avec des écoles et artistes, ont tenu à saluer et remercier les sponsors sans lesquels de telles choses ne pourraient se produire : le Ministère de la Culture, l’Organisation Internationale de la Francophonie, les ambassades de France et des Etats-Unis en Mauritanie, l’IFM, Kinross Tasiast, la BNM, la CUN, l’Alliance franco-mauritanienne, la Royal Air Maroc, le SGP, l’Unicef, les hôtels Wissal et Halima. Vivement l’édition 2018 !