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19-01-2018

22:00

Disparition de Moussa Diagana : une grande figure des lettres s’en est allée

Le Calame - Le sociologue et dramaturge mauritanien Moussa Diagana, est décédé mardi 16 Janvier, à Dakar. L’homme de la légende « Wagadu Bida » et « grande figure de la littérature mauritanienne », aux yeux de la critique, « incontestablement, l’un des meilleurs dramaturges africains de tous les temps», s’en est allé. Les hommes meurent.

Les années aussi. Aux uns et aux autres de forger leur propre légende, pour demeurer une référence, triste ou belle. « Beaucoup d’hommes sont morts et aussitôt oubliés, oubliés jusqu’à leur ombre. D’autres survivent, un court moment, puis disparaissent aussi, de la mémoire des vivants.

Mais d’autres encore, signent, par la grandeur de leurs actes, l’incandescence de leurs œuvres, un contrat avec l’histoire »
, soutient Amadou Lamine Sall. « Le sociologue et dramaturge Moussa Diagana fait et fera partie de ces illustres hommes qui ont signé un contrat avec l'Histoire et de la plus belle manière », fait remarquer Moussa Tandia, journaliste et professeur de français.

« Avec sa disparition, la Mauritanie et l’Afrique perdent une figure prestigieuse ; l’humanité, un sage ; la littérature africaine francophone, un de ses meilleurs dramaturges ; la langue française, un de ses défenseurs les plus ardents ; la ville de Kaédi, un enfant qui lui faisait honneur. Sa perte est, pour nous, irréparable et nous compatissons à la douleur de la communauté », écrit Tandia. Il est à Dieu et nous prions que la Grâce divine l'accueille en Son vaste Paradis, Incha Allah.

Pour mieux connaître l'illustre disparu, nous vous invitons à revisiter sa vie et son œuvre, avec le docteur Mbouh Diagana : « Originaire de Kaédi, Moussa Diagana naquit en 1946, à M’Bout (Mauritanie) où son père officiait comme administrateur.

Issu d’une famille de lettrés, il fut d’abord instituteur. Puis il reprit, dans les années 1970, des études de sociologie, à l’université de Tunis et à la Sorbonne, à Paris, où il obtint un Doctorat de 3ème cycle en sociologie du développement.

Expert en développement économique et social, il travaillait, depuis 1982, dans des projets de développement et de lutte contre la pauvreté. De la Mauritanie à la République Démocratique du Congo, en passant par le Mali et le Niger, il fit, des questions de développement à la base, son cheval de bataille dans les pays en situation de post-conflits.

Moussa Diagana était membre de plusieurs associations littéraires. Chevalier dans l’Ordre des arts et des lettres de la République française, il fut, en outre, lauréat du Concours théâtral interafricain, organisé par Radio France Internationale (RFI), avec « La Légende du Wagadu vue par Sia Yatabéré », en 1988, montée sur scène en 1991 et publiée en 1994.

Cette même année, Patrick le Mauff la relançait, lors du Festival International des Francophonies du Limousin. La pièce fut portée à l’écran sous le titre de « Sia ou le rêve du python », par le cinéaste Burkinabé Dany Kouyaté, et présentée au Fespaco en 2001.

En dehors de sa richesse et de son organisation politique et militaire, la spécificité de l’empire du Wagadu (ou Ghana) est d’être la fierté des Soninké car le mythe qui le fonde semble le seul que la communauté ait connu.

Un mythe basé sur un « pacte de sang », entre un Serpent-dieu qui donne nourriture et or et doit recevoir, en contrepartie chaque année, la plus belle fille vierge de l’Empire en offrande. Le pacte sera aboli le jour où Sia, fiancée de Mamadi, soldat hors du commun, doit être sacrifiée.

Se sentant trahi, le guerrier tue la bête aux sept têtes mais, avant que la dernière ne soit tranchée, l’animal profère cette terrible malédiction : « Pendant sept ans, sept mois, sept jours, pas une goutte d’eau ne tombera sur le Wagadu et votre or sera poussière de sable. » (La Légende, p56).

Pendant toute cette période fatidique, les populations du Wagadu sont prises en charge par la mère de Mamadi, jusqu’à la dislocation de l’Empire et la dispersion des Soninké à travers le monde.

C’est ce mythe que Moussa Diagana a osé battre en brèche car il ne fait pas, de l’homme, un responsable de ses actes mais le maintient, bien au contraire, dans une nostalgie et un passéisme outranciers, entravant toute tentative de progrès.

Le dramaturge était également l’auteur de « Targuiya ou il était une fois l’amour, au temps de la guerre », théâtre, Ed. Lansman, 2001. La pièce fut présentée en lecture publique, sous la direction de Jacques Jalbert, à Bamako, dans le cadre du Festival du Théâtre des Réalités en 2000, avec une équipe composée majoritairement d’artistes maliens.

La pièce fut aussi jouée à Ottawa, lors du Festival du Théâtre des Régions en 2001 avec une équipe composée d’artiste majoritairement québécois. Targuiya, c'est, d'abord, un hymne à la paix.

C'est aussi l'histoire d'une jeune fille touarègue de 17 ans, aux prises avec les tourments de la guerre et de l'amour. Une fois l'orage passé, elle met au monde un enfant de père inconnu, un enfant de l'amour au temps de la guerre. Chassée par les siens, sans souvenir précis, elle erre dans le désert en compagnie de la mystérieuse Houriya...

Ces deux femmes sont les principaux protagonistes de la pièce. Figures dominantes, troublantes, elles-mêmes allégories du destin affolant de l’Afrique noire. Leur authentique grandeur se dévoile là où s’exacerbent, en tension dramatique, la réalité, les méandres de l’inconscient et la vie rêvée.

Il a écrit aussi « Un Quart d'heure avant... », théâtre, paru dans « Cinq petites pièces africaines pour une comédie », Editions Lansmann, n°499, 2005. Et, rappelle enfin Mbouh Séta Diagana, il préparait « En attendant Lumumba ». Inna lillahi oua inna ileyhi raji’oune.



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