06:29
Hommage à Thierno Ousmane Fall, le Pionnier de l’Education
NGam Seydou - Il a vu le jour à l’aube de 1936 à Kaédi dans le Sud de la Mauritanie.
Une date cruciale et combien significative dans la vie des pays africains sous la griffe coloniale, alors que le ciel de l’hexagone était couvert de gros nuages sous la menace de l’orage allemand.
Nous sommes à la veille de la 2ème guerre mondiale (39 – 45), la France inquiète et fragile, avait choisi l’Afrique pourvoyeuse de combattants, pour dompter la férocité d’une Allemagne belliqueuse et expansionniste.
Avec un père enseignant, le jeune Thierno a connu un nomadisme scolaire, pour suivre papa dans ses différents postes d’affectations. Kaédi – Kiffa - Boutilimit et Rosso furent les villes scolaires du jeune élève doué et studieux avec une passion particulière pour les mathématiques.
En 1956, le bac en poche, il est envoyé à Dakar pour suivre des études dans la filière Math-Physique. Là encore, le jeune étudiant s’impose par son intelligence et son sérieux, pour décrocher ses diplômes universitaires avec brio.
En 1960, c’est le retour au pays natal dans l’euphorie de sa Mauritanie indépendante, avec une nouvelle capitale, qui sort à peine des dunes, le jeune étudiant est devenu professeur de math, comme le prédestine son nom (Thierno), et surtout sur les traces d’un père enseignant, qui a eu parmi ses élèves, un certain Moktar Ould Daddah, le père de la Nation Mauritanienne.
Ainsi commence une carrière riche et exaltante qui de nos jours, est devenue ingrate dans un pays où toutes les valeurs éducatives sont faussées.
Ayant choisi son métier par passion avec l’admiration d’un père modèle, qui a posé les premiers jalons de l’éducation mauritanienne dans la sphère de l’école coloniale française.
A partir de 1960, il commence sa carrière de professeur à Aouin, avant de sillonner la Mauritanie de long en large (Aioun – Kaédi – Kiffa – Atar – Rosso).
Pour revenir ensuite à Nouakchott avec la promotion du directeur de Collège. De nouveau, il quitte la capitale avec une double casquette de directeur et prof en même temps. Vous avez tout compris, le manque cruel des ressources humaines à l’époque, imposait le cumul des postes.
Après Atar – Kiffa et Rosso, il revient à Nouakchott pour se voir confier l’emblématique Lycée National, comme pour clôturer une carrière riche et féconde.
En enseignant averti et expérimenté, il a formé d’une main experte avec un esprit vif, de nombreuses générations de cadres mauritaniens, qui aujourd’hui constituent le vivier de base de l’administration du pays.
En janvier 1990, le pionnier de l’éducation prend sa retraite après trente ans de vie éducative, dans la ferveur sportive où le football et le basket-ball, ont été les deux ingrédients dans sa carrière.
De cette vie sportive, on retiendra son passage remarqué à la tête de la Fédération du Football en Mauritanie (FFRIM), où il a tracé une feuille de route ambitieuse, qui malheureusement s’est heurtée à la lourdeur administrative, sans oublier l’ingérence du politique dans le milieu sportif.
Après une année de repos sabbatique, l’infatigable éducateur s’engage de nouveau dans l’arène scolaire, cette fois-ci sur le front de l’enseignement privé en Mauritanie, pour créer en 1991, le Groupe Scolaire Al Baraka à Nouakchott, et qui aura plus tard ses ramifications à Rosso – Nouadhibou et Zoueratt.
En acteur éducatif expérimenté et averti, il est pourtant inquiet des menaces qui guettent l’école d’une manière générale, et celle du secteur privée en particulier.
Les effets de ces menaces se font déjà sentir : la chute vertigineuse de niveau, le taux élevé de déperdition scolaire et la démotivation des enseignants, sans oublier le triste sort des enfants-élèves noyés dans le tourbillon des reformes inadaptés. Comme cela ne suffisait pas, la télévision, les téléphones portables et l’internet sont venus bousculer les habitudes des jeunes apprenants.
En 2005, il est coopté dans la CENI, pour superviser les élections dans la Wilaya de Gorgol.
A travers ses multiples distinctions, on peut noter la Palme Académique de la République Française.
Durant mon passage à l’Ecole Al Baraka en tant que médiateur culturel, j’ai découvert un homme humble, modeste, digne de respect, de confiance et d’estime. Il se préoccupait plus sur les conditions de vie de ses employés, et surtout la motivation de ses enseignants, pour un meilleur rendement dans la vie scolaire de ses élèves.
Il a consacré toute sa vie à l’éducation et aux valeurs humaines de solidarité, de générosité, et à l’amour du prochain, comme il avait l’habitude de dire aux élèves : « Etudiez, encore étudiez, car aujourd’hui les études sont devenues une clef magique, qui nous ouvre les mystères du monde. »
Durant son dernier séjour à Nouadhibou en 2011, il a écrit sur le livre d’Or du Musée Bagodine : « J’apprécie les efforts faits, pour rendre ce Musée vivant et fort admirable. C’est l’œuvre d’une initiative personnelle de Mr NGam dont le courage et le civisme mérite d’être cité en exemple. »
Ainsi le monument de l’éducation mauritanienne, nous a quitté au soir du lundi 12 Février à Dakar, pour être enterré le mercredi 14 février à Nouakchott.
Qu’Allah l’accueille dans son paradis !
Que la lumière de sa sagesse rejaillisse sur l’édifice de notre Education.
A sa famille toutes nos condoléances.
Ce qui est sûr, sa mémoire restera gravée sur le fronton du Musée Bagodine des Arts et Traditions, en guise de reconnaissance du soutien, qu’il nous a apporté de son vivant.
Comme nous le rappelle le Hadith : « Celui qui n’est pas reconnaissant envers les humains, ne peut pas être reconnaissant envers Dieu. »
INA LILLAH WO INA ILEYHI RAJI OUNE
NGam Seydou,
Directeur du Musée