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26-11-2018

08:35

IOCA, l’homme qui brise la sérénité diplomatique de la Mauritanie

Hassan Demba BA - La diplomatie mauritanienne a toujours par le passé adopté une certaine neutralité vis-à-vis des grandes problématiques internationales. Cette attitude sage lui a permis jadis d’engranger quelques succès et pas des moindres.

La reconnaissance internationale, œuvre du ministre Hamdy Ould Mouknass sous l’impulsion de Mokhtar Ould Dadah. Cette quasi neutralité à la Suisse fut presque toujours de mise. Cependant, depuis quelques temps, la Mauritanie s’est brusquement retrouvée sous les projecteurs internationaux.

L’inquiétant et imprévisible Donald Trump vient de la suspendre de l’AGOA. Même si cette décision ne touche pas carrément les fondamentaux de la Mauritanie, elle a le malheur de brosser les contours d’une très mauvaise publicité pour la Mauritanie. Qui sait où Donald Trump s’arrêtera t-il ? Va-t-il interdire l’accès au territoire américain aux ressortissants mauritaniens ?

Il est clair que la Mauritanie s’écarte de ses fondamentaux diplomatiques et s’éloigne de cette attitude sage de ne pas s’occuper de ce qui ne la regarde pas ! La Mauritanie pourra-t-elle supporter ce virage à 365° ? Le désengagement de la Mauritanie lors du conflit du Sahara en abandonnant les territoires qui lui revenaient avait jeté les prémices d’une diplomatie soft loin des soubresauts et tumultes internationaux.

L’arrivée de Ismaël Ould Cheikh Ahmed aux Affaires Etrangères a encore mis à nu, notre calme et salutaire diplomatie défensive. Débarqué de l’ONU après plusieurs échecs, Ould Cheikh Ahmed se recycle désormais dans la diplomatie mauritanienne avec fracas et improvisations. Sa nomination, il ya quelque mois, contre toute attente avait pris de court tous les observateurs. Certains arguaient que son parachutage aux Affaires étrangères était la volonté du prince MBS ? L’Arabie saoudite a tout entrepris pour l’envoi de soldats mauritaniens au front yéménite. Une aventure dans laquelle la prudence diplomatique du président Mohamed Ould Abdel Aziz s’est opposée.

Soutien tout Azimut

Au moment où les yeux du monde sont rivés sur le prince Mohamed Ben Salman, qui aurait ordonné le meurtrier de Jemal Khashoggi, la diplomatie mauritanienne s’entête à apporter son soutien aux conclusions abracadabradantesques des Faghis et autres Qadis à la botte du bouillant Ben Salman. Mohamed Ben Salman qui a kidnappé un premier ministre en exercice Saad Hariri. Mohemed Ben Salamn qui a kidnappé des princes et cousins qui contestaient sa méthode. Mohamed Ben Salman qui met sans raison un embargo à ce petit royaume le Qatar. Mohamed ben Salman qui soutient la destruction de Gaza par les israéliens avant d’être recadré in extrémis par son père vieillissant et très malade. La litanie des caprices du prince est époustouflante.

Ce qui est inquiétant est que le soutien émanant du Ministère des Affaires Etrangères mauritanien n’est pas apporté à l’Etat saoudien ou au peuple saoudien mais spécialement au prince Mohamed Ben Salman !?

Deux communiqués révérencieux du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération furent les seuls soutiens avérés à Mohamed Ben Salman. Même des pays arabes membres de la Coalition arabe, comme le Maroc, la Jordanie, le Kuweit, d’autres soutiens de la Coalition, le Djibouti, la Turquie ; le Sénégal ne se sont pas hasardés à cautionner les conclusions fantaisistes du parquet royal saoudien. Il est connu que le président Mohamed Ould Abdel Aziz n’a aucun rapport privilégié avec le prince Mohamed Ben Salman. C’est juste à se demander si le président Mohamed Ould Abdel Aziz a une fois rencontré le MBS ?

Le Haut Conseil Suprême du Yémen avait accusé Ismael Ould Cheikh Ahmed d’être vendu au prince des Al Saoud et aux Al Maktoum de Dubaï. Le Ministre a-t-il pu convaincre le président Mohamed Ould Abdel Aziz à se laisser embarquer dans la folie destructrice de Mohamed Ben Salman ? La proximité de Ismael Ould Cheikh Ahmed avec le prince, lui a failli couter la vie à l’aéroport de Sanaa. Face à cet acte, les rebelle yéménites avaient déclaré qu’en visant Ould Cheikh Ahmed, ils voulaient s’en prendre non à l’ONU mais au valet de Mohamed Ben Salman, avant de le déclaré « Persona non Grata » au Yémen.

Dans une lettre de quatre pages adressée au Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres, le Haut conseil yéménite avait dénoncé « Les subjectivités de l’émissaire », avant de souligner son « Incapacité professionnelle ». Ce qui justifia sa mise à l’écart et une douloureuse traversée du désert avant d’atterrir au MAEC.

Il est clair que depuis l’arrivée de Ismael Ould Cheikh Ahmed aux Affaires Etrangères, le président Mohamed Ould Abdel Aziz s’est départi de sa grande prudence diplomatique. Cette prudence, lui avait valu une grande considération internationale auprès de la communauté internationale au temps où le président Mohamed Ould Abdel Aziz avait dirigé avec brio la présidence de l’Union Africaine. Une présidence couronnée par plusieurs médiations sur le plan régional et africain.

Ailleurs, les saoudiens ont entrepris des efforts économiques pour pousser le président Mohamed Ould Abdel Aziz à la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran. Ce à quoi Aziz a toujours refusé ! La garantie des rapports entre l’Arabie saoudite et son peuple avec les mauritaniens ne peuvent se réduire aux relations troubles du ministre des affaires Etrangères et à son hypothétique carnet d’adresses. Les mauritaniens vivants en Arabie saoudite n’ont pas besoin de ce soutien irréfléchi et irresponsable inédit de la Mauritanie. Depuis des lustres, les mauritaniens vivent en Arabie saoudite au-delà des contingences politiques et loin des projecteurs.

Une plainte qui embarrasse

L’Association yéménite de défense des Droits de l’homme, qui a déposé une plainte contre Mohamed Ben Salman a dressé une liste de personnalités liées au conflit du Yémen. Depuis lundi 9 avril, les magistrats du pôle spécialisé sur les crimes de guerre du tribunal de grande instance de Paris, instruisent le dossier de MBS. Le jeune prince de 32 ans, surnommé MBS, est accusé de “complicité d’actes de torture” pour son rôle joué dans la guerre qui sévit au Yémen depuis 2015.

Ismael Ould Cheikh Ahmed fut nommé émissaire le 25 avril 2015 à la période que couvre la plainte. La plainte, consultable sur le site d’information huffpostmaghreb.com, estime que l’héritier du trône en Arabie Saoudite a sciemment pris pour cible des populations civiles yéménites avec des frappes sur des camps de réfugiés, immeubles et hôpitaux en déclenchant l’opération “Tempête décisive” alors qu’il venait à peine de devenir ministre de la Défense. Des frappes que l’ancien émissaire Ismael Ould Cheikh Ahmed n’a jamais dénoncées !

Selon l’avocat de l’Association Joseph Breham, l’ancien émissaire de l’ONU et actuel ministre des Affaires étrangères de Mauritanie, Ismael Ould Cheikh Ahmed pourrait être entendu et même mis en examen ? Cette probabilité pourrait se réaliser dans la perspective où quelque sénateur américain envisage de déclencher la loi MAGNITSKI, du nom de ce journaliste russe assassiné dans les mêmes conditions que Jemal Khashoggi.

La MAGNITSY ACT connue sous le nom Russia and Moldova Jackson-Vanik Repeal and Sergei Magnitsky Rule of Law Accountability Act of 2012, est une loi bipartite adoptée par le Congrès américain et le président Obama en novembre-décembre 2012. Elle prévoit d'appliquer des sanctions financières et des interdictions de visa contre les fonctionnaires russes suspectés d'être impliqués dans le décès de l'avocat Sergueï Magnitski, symbole de la lutte contre la corruption du système politique. Plusieurs pays dont le Canada, l’Angleterre ont adopté cette loi et d’autre comme l’Union européenne étudient la question depuis la décapitation du journaliste Jemal Khashoggi.

L’envergure de Ismael Ould Cheikh Ahmed dépasse-t-elle la grandeur de la Mauritanie ? Depuis son arrivée la Mauritanie est sous les projecteurs ténébreux des arcanes internationaux. Une attitude qui propulse la Mauritanie sur un terrain dont elle n’a pas les cartes en main. Le ministre a des ambitions qui dépassent les capacités de la Mauritanie. L’heure en Mauritanie est aux reformes et non d’être projetée sur le devant de la scène avec le qualificatif infamant « d’esclavage héréditaire ». Ce qui traduit un cuisant camouflet de sa diplomatie. Un petit calcul rapide sur le site de l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI), montre que le rythme des voyages du ministre Ismael Ould Cheikh Ahmed nommé en Juin 2018 dépassera celui des anciens ministre Teguedi, Meimou et Isselkou !

A quoi ces voyages ont-ils servi ? A défendre, la Mauritanie qui vient d’être sanctionnée ou à mobiliser des fonds improbables pour le G5 Sahel, une idée chère au président Mohamed Ould Abdel Aziz ? Il est évident que l’impact de cet ex-fonctionnaire des Nations unies sur la diplomatie mauritanienne est très relatif voir insignifiant. En le nommant, le président Ould Abdel Aziz, lui avait balisé le terrain en lui accordant un ministère supprimé du ministère délégué aux Affaires africaines. Il héritait alors de tout le grand bâtiment des Affaires Etrangères mais force est de constater que depuis lors l’image de la Mauritanie se dégrade et avec elle celle du président Mohamed Ould Abdel Aziz.





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