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Mauritanie: le Complexe touristique Lemhar obtient "ses papiers" après 18 ans de procédures …
Financial Afrik -
Quand après des années de bons et loyaux services en Gambie, dans le secteur de l’hôtellerie, Mory Guéta Cissé (MGC) décida de rentrer dans sa Mauritanie natale pour, s’enthousiasmait-il, apporter sa pierre à l’édifice, il ne soupçonnait pas ce qui lui attendait.
Au lieu de lui baliser le terrain, l’Etat y a semé des embûches, sans explications rationnelles. Après 18 ans, c’est enfin, osons-nous le croire, le bout du tunnel. Mory Guéta Cissé, son précieux sésame en mains, s’est confié à chaud à Financial Afrik. Entretien.
F.A. Nos félicitations pour la signature du Décret vous concédant la jouissance définitive du terrain sur lequel est bâti votre village de vacances, un complexe touristique de standing international en Mauritanie?
MGC : Je vous remercie pour vos félicitations concernant la décision prise en Conseil des Ministres autorisant la concession définitive du terrain sur lequel est bâti mon village de vacances sur le littoral Sud, Route de Rosso en bordure de mer et voudrais vous rappeler, à ce propos, que le premier décret nous concédant à titre provisoire ledit terrain avec d’autres avantages fiscaux du fait de l’agrément de notre société au régime des entreprises prioritaires a été pris au mois de mai 2000 ; c’est dire qu’entre les deux décrets, il s’est passé 18 longues années.
F.A. Comment expliquez- vous ce délai inhabituel ?
M.G.C. Je voudrais rendre grâce au Seigneur, prier sur son prophète et remercier tous les parents, amis, citoyens lambda qui se sont vus dans ce projet et en ont tiré une certaine fierté, qu’un fils du peuple puisse non seulement envisager la conception mais la réalisation et l’exploitation d’un tel outil de développement.
Je me suis offert en baromètre social, en test grandeur national vis-à-vis des pouvoirs publics pour leur donner l’opportunité d’appliquer une discrimination positive à double point de vue , mais également un défi personnel et un exemple à la jeunesse afin qu’elle comprenne qu’à force de persévérance on peut et on doit réussir quelles que soient les embûches qui peuvent se dresser car ce n’est qu’en osant qu’on peut entreprendre et réussir dans l’épreuve et, vaincre les clichés qui constituent de lourdes pesanteurs dans notre conception du vivre ensemble pour réussir ensemble notre intégration intercommunautaire.
En effet mon projet, financé sur fonds propres malgré un accord préalable de financement direct par la Société Financière Internationale, « SFI » filiale de la Banque Mondiale en charge du secteur privé, n’a pas pu démarrer dans les temps impartis du fait de mes obligations professionnelles hors du pays.
En tout état de cause, mon long séjour en Gambie, pays de tourisme, m’a permis de mieux comprendre ce secteur en tant qu’opérateur pour y avoir rénové et exploité directement, parallèlement à mes fonctions de banquier, un village de vacances de 200 chambres, ce qui m’a amené à changer l’orientation de mon projet initialement calqué sur notre modèle local pour l’adapter aux besoins et contraintes des Tours Opérateurs internationaux afin de mieux répondre aux aspirations de la clientèle ciblée de manière à contribuer positivement au développement du tourisme dans notre pays dans le respect des conditions et contraintes internationales.
Toutefois, je dois reconnaitre que, déjà en 1999, les rapports des experts indépendants commandités et validés par la SFI mettaient en exergue le fait qu’aucune mesure d’accompagnement conséquente n’était accordée aux opérateurs du secteur de l’hôtellerie et du tourisme en Mauritanie en termes d’avantages fiscaux, d’attribution foncière ou par l’octroi par des organismes dédiés, de lignes de crédit à moyen ou long terme et à des taux concessionnels.
Il a été également relevé un manque de cohérence et de visibilité pour une politique de promotion et de préférence nationale en faveur des opérateurs nationaux comme cela est d’usage dans l’ensemble maghrébin et même chez nos voisins Ouest Africains où le secteur du tourisme occupe une place de plus en plus importante dans leur politique économique avec des lignes de crédit gérés avec la participation effective des opérateurs du secteur.
Les réserves formulées par les consultants de la SFI n’intégraient pas à l’époque le volet sécuritaire dont la prise en compte par les professionnels du tourisme mondial après les incidents malheureux survenus aux environs d’Aleg*, ont eu un impact très négatif sur le développement de notre industrie touristique naissante et, il est urgent à l’instar de tous les pays limitrophes de mettre sur pied une brigade de sécurité exclusivement dédiée au tourisme.
Cette brigade devra disposer de moyens humains et matériels adéquats lui permettant d’accomplir au mieux sa mission pour prévenir et neutraliser sur l’ensemble du territoire tout acte susceptible de relever du terrorisme mais également veiller à la préservation des bonnes mœurs et des effets indésirables qu’une certaine catégorie de tourisme pourrait entrainer si l’on n’y prend garde et, notre pays ne devrait pas être en reste de cette dynamique sécuritaire.
La relative prise en charge des problèmes du secteur du tourisme dans nos politiques sectorielles et, le manque de concertation sérieuse avec l’ensemble des opérateurs concernés pour une véritable politique de développement de ce secteur expliquent son impact négligeable sur notre PIB et sur notre balance commerciale alors que le rôle d’un Etat fort est d’être à l’écoute et veiller à protéger ses opérateurs économiques pour booster la croissance et favoriser le plein emploi, ce que ce secteur peut facilement apporter à notre économie.
Il faut reconnaitre que le tourisme nécessite des investissements lourds et récurrents aussi bien pour la construction des infrastructures que pour leur maintenance, la formation continue du personnel en vue de l’amélioration constante de la qualité des services ainsi que la sécurité aussi bien alimentaire que physique afin d’assurer la protection des hôtes de passage sans oublier la promotion et le marketing, la participation active aux foras internationaux qui nécessitent des budgets importants et, ce n’est qu’à ce prix que les retombées seront significatives et bénéfiques tant au plan micro que macroéconomique.
Ma principale préoccupation actuelle est de trouver les fonds nécessaires pour redémarrer l’activité après 3 années de fermeture juste après son ouverture, sélectionner et commencer la formation du personnel, procéder aux tests d’usage avant de proposer le réceptif aux Tours Opérateurs afin qu’ils l’intègrent dans leurs futurs programmes.
F.A. En l’absence de touristes comment comptez- vous rentabiliser votre village de vacances ?
MGC : La Mauritanie est une nouvelle destination à promouvoir sur le marché international haut de gamme et tous les moyens devront être utilisés pour y parvenir d’autant que nous avons une compagnie aérienne qui dessert certaines capitales européennes et le tourisme pourra booster ses activités et le niveau de son trafic.
Nous comptons également sur les activités locales par l’organisation de séminaires et les retraites que les grandes entreprises ou institutions internationales intègrent dans leur plan de communication pour un Team Building et le renforcement de l’esprit d’équipe.
La notion de TIME SHARING sera également développée pour la clientèle locale ou étrangère leur garantissant un hébergement avec leur famille pour des séjours plus ou moins longs sur des périodes allant de 5 à 10 ans et par cette formule nous espérons drainer une bonne partie des estivants ce qui pourra soulager le niveau des réserves en devises du pays soumises à fortes pressions en période de vacances.
F.A. Quel jugement faites-vous de l’option gouvernementale quant à sa politique actuelle en matière de tourisme?
M.G.C. Il est fort regrettable que les opérateurs de la région de l’Adrar dont on entend le plus les cris de détresse aient subi, sans compensation ou soutien financier de la part de la tutelle, les manque à gagner considérables enregistrés du fait de l’absence de touristes dans la région à la suite des mesures de sauvegarde sécuritaires du Quai d’Orsay disproportionnées par rapport à la réalité sur le terrain en classifiant zone rouge l’ensemble du pays malgré les efforts et les assurances que le Gouvernement a toujours déployées en terme sécuritaire, instaurant depuis fort longtemps un climat de paix sociale et de haute sécurité à l’intérieur de nos frontières.
De mon point de vue, le tourisme de découverte pratiqué au niveau de l’Adrar, fortement financé par le contribuable mauritanien en faveur d’un seul opérateur étranger qui en tire l’essentiel des profits, ne peut seul développer ni faire connaitre notre pays car son impact sur l’économie nationale est minime par rapport à toutes les potentialités qu’offre ce secteur.
D’autres régions avec de réelles potentialités touristiques devraient être promues pour mieux vendre la destination, car, en plus de notre hospitalité légendaire, les cités historiques et religieuses, les pèlerinages aux divers lieux saints , notre Côté Atlantique, la pêche sportive, le Banc d’Arguin, le parc de Diawling, l’écotourisme villageois dans nos rizières, chemamas et à travers champs, la chasse aux phacochères, devraient faire l’objet d’un recensement exhaustif pour un bon encadrement au niveau des wilayas et moughatas car chacune des régions du pays a des potentialités touristiques qui ne demandent qu’à être mises en valeur et exploitées.
Rappelez-vous l’affluence qu’il y’avait au niveau du village artisanal logé dans l’enceinte de la Foire de Nouakchott et, qui se souvient encore des randonnées pédestres sur les dunes de sable derrière le Ksar à la cueillette de roses des sables pour en garnir nos salons ou encore de la Tapisserie de Nouakchott avec son personnel, ses toiles et tapis exposés à travers le monde et qui n’a plus aujourd’hui qu’un seul client l’Etat pour les cadeaux offerts aux hôtes étrangers ou la décoration de certains bureaux administratifs.
Osons nous inspirer des expériences de l’Egypte, du Royaume du Maroc, de la Tunisie, du Sénégal ou de la Gambie pour impulser à notre secteur touristique le dynamisme nécessaire pour la réalisation de performances économiques de nature à contribuer au développement économique et social du pays avec une part non négligeable sur notre Produit Intérieur Brut.
Ma préoccupation ne concerne pas seulement le secteur du tourisme mais elle englobe tous les autres secteurs et notamment les mines et hydrocarbures d’autant que les importantes découvertes pétrolières et gazières dont Grand Tortue Ahmeyin que nous partageons avec nos voisins du Sud qui ont déjà pris les mesures idoines pour une bonne gestion de cette manne : ils ont notamment programmé la formation du personnel chargé du suivi de la future exploitation après avoir initié les concertations nécessaires avec les intellectuels et autres leaders d’opinion pour arriver à un consensus sur la gestion des futures ressources qui seront tirées de cette exploitation alors que de notre côté nous nous focalisons pour la plupart sur des considérations de politique politicienne.
F.A. Quel rôle pourrait jouer le système bancaire Mauritanien dans le financement de vos activités ?
M.G.C. Je pense qu’Il ne faut pas se voiler la face, la structure actuelle des banques locales non soumises au respect d’un contrat-plan et ne subissant pas un contrôle assez rigoureux de l’autorité monétaire pour le respect des ratios prudentiels fait que pour en avoir eu l’amère expérience, seule une certaine catégorie sociale peut bénéficier de leurs concours et de plus, nos institutions financières de développement qui se sont succédées ont toutes fonctionné plus sur la base de critères politiques que de rentabilité et sans une volonté réelle de promotion des PME ou PMI, leviers pourtant indispensables pour booster la croissance et la création d’emplois mais ceci n’est pas du seul fait des autorités actuelles qui l’ont reçu en héritage comme système de gestion partisane des ressources financières nationales.
Le prétexte imparable avancé pour justifier le refus de nos banques d’accorder certains financements serait l’inadéquation de leurs ressources par rapport aux emplois longs sollicités alors qu’elles sont sur- liquides et ne veulent prendre que des risques sur certaines affaires alors que des institutions financières internationales de développement mettent à leur disposition, quand elles sont éligibles, des lignes de crédits appropriées qu’elles préfèrent utiliser pour leurs propres activités commerciales annexes ou pour le financement de certains projets ayant peu d’impact sur le développement du pays, sans mesurer réellement les risques d’insolvabilité des bénéficiaires ni constituer des provisions suffisantes pour s’en prémunir.
Dans de telles circonstances, vers qui se diriger sachant que les diverses institutions financières de développement ont fermé leurs portes suite aux résultats catastrophiques des gestions clientélistes (BMDC, Crédit Agricole, Crédit Maritime, UBD, FND etc……) et que le niveau des impayés enregistrés par ces institutions financières a conduit les pouvoirs publics à leurs mutations pour ne pas procéder à leur liquidation pour faillite.
Vouloir corriger la structure actuelle du capital social des banques en octroyant de nouvelles licences aux membres des autres communautés ou tribus n’est pas une solution viable car ce serait la meilleure preuve pour encourager un développement séparé du peuple et justifier l’immaturité et l’inexpérience des nouveaux récipiendaires ainsi que leur manque de savoir-faire en cas de non performance ; les affaires importantes et/ou intéressantes étant déjà entre les mains d’autres composantes de la société qui ont pris une sérieuse avance et balisé et sécurisé les relations avec les tenants des pouvoirs politiques et économiques alors que, le vivre ensemble suppose la mutualisation des moyens.
Le grand Nigéria avec près de 200 Millions d’habitants, avait, il y’a encore quelques années près de 200 banques commerciales, institutions financières ou établissements de crédit que les autorités ont réduit à 10 banques avec une meilleure productivité. En ce qui nous concerne, on devrait se poser des questions et faire le point sur l’impact de la multiplication des banques sur le financement de notre activité économique et je serai fort surpris que les nouveaux principes de BALE 3 puissent trouver un écho favorable sans une implication forte des pouvoirs publics pour booster le développement par la promotion et le financement des PME et PMI, véritables vecteurs de développement.
Il est regrettable de constater que tout notre tissu industriel est désormais inexistant, exception faite du secteur de la pêche où l’armement national se rétrécit comme peau de chagrin, faute de planification des responsables du secteur pour un renouvellement des outils de production pour défaut de financement et par manque d’expertise des opérateurs ainsi que des institutions financières ; à ce rythme, la SMCPP (La Société Mauritanienne pour la Commercialisation de Poisson) va disparaitre à moyen terme faute de produits halieutiques du fait de la raréfaction de notre armement national avec une politique commerciale souvent hasardeuse car sans concertation pour la détermination des prix, ce qui explique des surstockage de nos produits et la forte dépréciation subséquente de leur valeur à l’exportation.
Ainsi, à part le commerce général et les avances sur salaires domiciliés octroyés aux travailleurs avec de forts taux de rémunération, l’activité de nos banques, sans esprit d’innovation et sans créativité, se limite à ces deux produits alors que le seul commerce d’importation n’a jamais impulsé le développement économique et social d’un pays dont les PME et PMI demeurent des leviers essentiels ; les nôtres ont connu par le passé des heures de gloire en exportant leurs produits industriels MADE IN MAURITANIA dans l’espace communautaire de la CEDEAO.
En tout état de cause, nos banques dans leur structure actuelle, caractérisée par une faiblesse de leurs fonds propres accentuée par leur difficulté à drainer une épargne nationale, sont incapables d’intervenir sur les marchés internationaux des capitaux pour drainer, par le biais des emprunts, des ressources pour financer l’économie nationale afin de jouer pleinement leur rôle, sont appelées à disparaitre sous peu car ne pouvant pas faire face à la concurrence internationale déjà ouverte à certains opérateurs locaux bénéficiant de concours et de d’assistance financière à moindre frais par rapport à l’offre interne de services.
L’autorité monétaire sera à court ou moyen terme obligée de mettre de l’ordre dans ce secteur et notre participation à l’Union du Maghreb Arabe en hibernation avec tous ses projets et notre futur statut au sein de la CEDEAO entraineront une ouverture plus grande de nos frontières et soumettront encore davantage notre économie à la concurrence internationale.
La recapitalisation des banques ne peut constituer qu’une solution partielle dans le processus de redressement du système bancaire d’autant qu’aucune contrainte ne leur est imposée pour un appel à contribution du public ou même de leurs employés pour une partie du capital ce qui pourrait éviter à notre économie les situations de cartels ou d’oligarchie vers lesquels nous tendons, de plus les banques disposent à terme échu de la possibilité de demander à l’autorité monétaire une dérogation sans pénalité pour repousser à une autre échéance leur obligation de procéder à l’augmentation du capital requis.
Enfin, on a comme l’impression que les autorités monétaires ne mesurent pas assez l’impact inflationniste que la liberté sans restriction de création monétaire conférée aux institutions financières peut avoir comme effet néfaste sur l’activité économique par l’inflation galopante qu’elle entraine et que nous refusons d’admettre alors que la plupart des ménages en souffrent.
F.A. On parle de la réforme du système bancaire mauritanien. Quel en est votre sentiment ?
M.G.C. J’ai appris la nouvelle par voie de presse et j’en suis choqué car à mon sens il s’agit d’un grand recul et un manque de considération pour l’ensemble des cadres mauritaniens que de faire recours à un gourou blanc pour diagnostiquer et proposer les réformes à entreprendre pour notre système bancaire ce qui va impacter sur tous les secteurs économiques; il y’a tout de même un point positif car, en tout état de cause, le changement de la qualité des billets de banque est une bonne décision quel que soit leur coût d’émission.
La Banque Centrale de Mauritanie a eu en son sein des cadres compétents et expérimentés ayant accompli avec patriotisme et professionnalisme leurs missions, nous disposons également de nombreux administrateurs de régies financières et d’anciens cadres supérieurs des banques commerciales, des experts comptables, des économistes, des fiscalistes, des juristes chevronnés, des professionnels des assurances et des informaticiens, des hommes d’affaires avisés qui peuvent tous apporter leur concours dans leur domaine de compétences en vue d’un diagnostic sans complaisance et à moindre coût de notre système bancaire et préconiser les solutions idoines pour une meilleure productivité et sa mise aux normes internationales.
J’ignore les termes de référence ainsi que les objectifs visés par cette restructuration probablement imposée par des bailleurs de fonds mais l’expérience m’a montré que rien de sérieux ne peut se faire en écartant les compétences locales ainsi que les principaux concernés mieux outillés et bénéficiant du savoir-faire et de l’expérience requise sur le terrain leur permettant de mener à bien de telles missions.
Je suis conforté dans mon argumentaire en me référant à l’expérience de la BMCI qui avait à l’origine sollicité un cabinet étranger que je ne citerai pas pour un audit et un plan de développement mais qui par la suite y a renoncé car les rapports intermédiaires soumis à la critique interne étaient plus du « copier/coller » qu’autre chose et le travail ainsi que le management qui a été réalisé en interne par un personnel local l’a hissé et maintenu au premier rang des banques commerciales locales et africaines sans aucune assistance technique étrangère. Moralité, ayons confiance en nous-mêmes d’abord.
Par ailleurs, quelles que soient la nécessite et la pertinence d’une réforme, il ne sert à rien d’en extraire certaines parties ou recommandations qui pourraient être gênantes pour certains ou, laisser les documents dans les tiroirs sans les mettre en application pour des raisons subjectives, la loi doit être impersonnelle et devrait s’appliquer à tous les opérateurs avec la même rigueur ; la caractéristique actuelle de notre système bancaire fait qu’après la BMCI du père fondateur, aucune autre banque nationale n’a été primée par ses pairs au plan international ni même régional.
De plus, il me parait difficile d’assurer le développement de nos banques sans investir dans la formation continue et l’encadrement de la ressource humaine ; il est regrettable de constater que le secteur ne dispose d’aucune structure de formation et de perfectionnement de son personnel et que la Banque Centrale qui avait hérité des installations de l’ISSTH à Nouadhibou après son retrait de la CEDEAO a jeté l’éponge en abandonnant cette infrastructure entièrement dédiée à la formation.
La BMCI avait donné l’exemple en son temps et continue à recruter des promotions de Maitrisards qu’elle forme dans son propre centre de formation suivant un contrat de formation avant de les mettre à la production et, la première promotion de maitrisards formés par la BMCI constitue aujourd’hui l’encadrement de la plus-part des banques locales.
De plus, je note avec beaucoup de regret que le projet de Bourse des Valeurs Mobilières (prématuré pour certains) ne soit plus à l’ordre du jour par manque de préparation et d’expertise nationale alors que ledit projet aurait pu jouer, avec l’impulsion des pouvoirs publics, un rôle dans le développement de notre économie et particulièrement le secteur privé national en jouant un rôle de levier important pour la mobilisation des investissements privés afin de suppléer les réticences des banques locales ; mais, la mise en place d’un tel projet suppose d’abord un système comptable harmonisé fiable alors que l’informel occupe encore une partie très importante dans notre activité économique.
F.A. Quelle leçon tirez- vous de votre expérience dans la conduite d’une affaire en Mauritanie?
M.G.C. La première est d’avoir foi et confiance en soi et en son projet en s’armant de beaucoup de patience et d’humilité car le temps de l’Administration est différent de celui des Affaires.
La seconde leçon est que, contrairement à ce que l’on peut penser, la Haute Autorité, compte tenu de ses charges, ne peut pas toujours suivre tous les dossiers et que bien souvent ses plénipotentiaires, pour une raison ou pour une autre, deviennent les fossoyeurs de ses engagements ainsi que de ses politiques de développement.
Tertio pour ne pas allonger la liste, j’ai la ferme conviction que pour les entrepreneurs d’une certaine catégorie sociale, il vaut mieux avoir affaire à un plénipotentiaire d’une autre communauté que ses propres parents peu enclins à rendre le moindre service à un membre de leur communauté malgré des directives claires par peur d’être taxés de népotisme ou par simple méchanceté, convaincus que le calendrier de l’Autorité ne lui permet pas de recevoir tout le monde et que les désabusés du système n’ont que leurs yeux pour pleurer ce qui rend une mauvaise image du pays et de ses dirigeants et fait grossir le rang des frustrés, des mécontents et des exclus.
Mais, dans toute administration ou société, on rencontre heureusement des redresseurs de torts qui en toute simplicité, équité, professionnalisme et patriotisme s’acquittent convenablement de leurs missions en reconnaissant avec fierté les bonnes réalisations de leurs concitoyens quelles que les soient leurs origines et c’est cela que nous attendons d’une administration de développement au service de ses administrés et nous en avons encore.
F.A. Si nous parlions maintenant des changements institutionnels opérés en Mauritanie?
M.G.C. La nature a horreur du vide et en politique les erreurs se paient cash, notre pays a connu de grands changements au plan des infrastructures avec de profondes mutations très perceptibles, la pertinence des divers changements institutionnels ne pourront s’apprécier qu’avec le temps, avec une bonne gouvernance et un transfert effectif des compétences et des ressources financières dédiées aux communes et conseils régionaux ; ainsi chacun jouera sa partition au grand bonheur des populations qui pourront sanctionner les cas de défaillance.
F.A. Votre opinion sur le troisième Mandat?
M.G.C. Il s’agit d’un débat qui n’a pas sa raison d’être malgré les appels récurrents et pathétiques et compréhensibles des partisans et autres sympathisants car, dès l’instant que le Président s’est prononcé à ce sujet à plusieurs reprises et nul n’a le droit de mettre en doute sa parole et ses engagements. Nous aimons nous faire peur et adorons les spéculations politiques et les rumeurs à partir desquelles sont tissées de grandes théories fumeuses sans grand intérêt pour les populations et, s’agissant des futurs candidats potentiels à l’élection présidentielle de 2019, attendons de voir les congrès d’investiture des partis et coalitions de partis pour voir ce que les uns et les autres nous proposeront pour que les populations puissent faire leur choix sur la base des programmes et des personnes chargées de leurs applications sachant que l’opposition radicale ne s’est jamais entendu sur un programme commun de gouvernance.
F.A. Votre dernier mot?
M.G.C. J’ai fait ce que je pensais être utile pour mon pays en labourant mon périmètre dans le champ communautaire et, il revient à tout un chacun d’en faire de même et que l’Administration joue pleinement le jeu et son rôle sans aucun esprit partisan en apportant aux potentiels investisseurs les concours nécessaires pouvant leur permettre d’assurer la pérennité de leurs activités pour un développement harmonieux de l’ensemble des secteurs économiques.
Je souhaite que ma réalisation puisse susciter des vocations et des ambitions et que l’Etat, dans son rôle de régulateur social, mette en place une politique de discrimination positive et pose les jalons d’une véritable politique d’incitation afin de corriger certaines disparités pour que les communautés les plus démunies ne disposant pas d’institutions financières et ne bénéficiant pas des mannes des marchés publics puissent se sentir citoyens à part entière afin que le vivre ensemble ne soit plus un vœu pieux ou source de frustrations.
Je voudrais enfin profiter de votre tribune pour remercier spécialement le Président de la République, son Excellence Mohamed Abdel AZIZ, pour son soutien constant et lui témoigner ma gratitude sans oublier toutes les bonnes volontés à tous les niveaux de l’Administration qui ont fait montre de professionnalisme dans le traitement de mon dossier et qui m’ont témoigné de leur affection et solidarité tout au long de cette longue mais exaltante épreuve. Une autre phase pleine d’incertitude va s’ouvrir mais nous arriverons dans la solidarité et la compréhension à surmonter par la grâce d’ALLAH pour le plus grand bien de notre pays.
Je voudrais également lui témoigner toute ma compassion pour les diverses épreuves qu’il a rencontrées au cours de son magistère et pour lesquelles il a fait preuve en homme d’Etat de sang- froid et d’une foi inébranlable en son créateur et je prie pour qu’Allah SWT continue à le protéger et à veiller sur lui, sa famille et sur notre pays.
Enfin je souhaiterais que l’élection présidentielle de 2019 se passe dans la paix et la concorde gages de notre développement économique et social pour un meilleur cadre de vie pour tous afin que les importantes découvertes gazières et pétrolières soient profitables à l’ensemble du peuple mauritanien à qui je souhaite une bonne et heureuse année 2019. AMINE.
Notes de la rédaction
*Aleg est une ville du sud-ouest de la Mauritanie, située sur la route de l’Espoir, entre Nouakchott et Néma. C’est la capitale de la région du Brakna.