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Mauritanie/Littérature : deux nouvelles parutions
Editions Joussours/Ponts - Nouvelles Mauritaniennes : le premier recueil d’auteurs mauritaniens
La nouvelle est sans doute le premier genre, après la poésie, auquel s’adonnent les mauritaniens, si l’on en juge par les publications dans la presse et par les manuscrits dont, ça et là, les auteurs soumettent à la publication ou en parlent.
Elle reste paradoxalement moins éditée que les deux autres genres.
Nouvelles mauritaniennes comblent donc un vide éditorial, en regroupant plusieurs nouvellistes connus ou en herbes. La préface de Mohamed Ould Bouleiba que voici en donne une lecture exhaustive :
"Ce recueil rassemble huit nouvelles, écrites par des auteurs mauritaniens. Certaines sont inédites, d’autres ont déjà été publiées".
L’idée de sélectionner ce florilège, d’en faire un livre et de le diffuser, est venue en réponse à une sollicitation des initiateurs du Concours annuel de la Nouvelle Francophone, organisé par le SCAC de l’Ambassade de France en Mauritanie, dans le cadre de la Semaine de la Langue Française et de la Francophonie.
Il s’agit de mettre à la disposition des participants à ce concours, parmi les élèves du lycée et les étudiants, des exemples types de nouvelles, pour leur permettre de se familiariser avec ce genre littéraire difficile, car très exigeant sur le plan de la technique narrative et du style. Il s’agit aussi de proposer à leurs enseignants des supports de cours et d’ateliers d’écriture, afin de faciliter la préparation du concours avec leurs apprenants d’une part, de contextualiser leurs enseignements en travaillant sur des textes mauritaniens, plus susceptibles de parler au public scolaire et universitaire du pays, d’autre part.
Contrairement au roman et même à la poésie, la nouvelle, en Mauritanie, ne connaît pas encore une large diffusion. Certes, nombre d’auteurs mauritaniens publient, de temps en temps, des textes de ce genre dans les journaux, les revues littéraires et sur les sites électroniques, mais peu d’entre eux ont édité des recueils dignes de ce nom, chez des éditeurs connus.
L’une des rares œuvres parues à ce jour reste Les nouvelles du désert de Beyrouk, publiées en 2009 aux éditions Présence Africaine. Le présent recueil comporte trois nouvelles puisées dans ce livre, où l’auteur du Tambour des Larmes (éditions Elyzad, 2015, Tunis), à travers des textes très courts mais à la technique bien maîtrisée, aborde divers sujets de société et peint de nombreux personnages-types du Mauritanien aux prises avec les temps actuels. C’est dans le même sens qu’abonde Rachid Ly (L’enfant de Kaylinga, éditions Joussours/Ponts, 2016), dont l’unique nouvelle proposée ici, et qui est inédite, est une belle illustration du genre, avec un sujet d’actualité (la tentation de l’immigration), un suspense haletant et une chute d’anthologie.
Sont proposées également trois nouvelles d’Idoumou Ould Mohamed Lemine. Deux d’entre elles ont été publiées pour la première fois à la fin des années 1980 dans le journal Mauritanie Demain – et reprises ailleurs – et l’autre, plus récente, parue en 2018 dans le premier numéro de Souffles Sahariens, la revue des écrivains mauritaniens d’expression française. Plus portées sur l’allégorie et la métaphore, les nouvelles de l’auteur d’Igdi, les voies du temps (éditions Langlois Cécile, 2015, Paris) donnent une autre image de la Mauritanie actuelle.
Avec un récit intitulé "Betoul" (paru notamment dans Souffles Sahariens, n°2, juin 2018), Aichettou Mint Ahmedou, qui a publié son premier roman, La couleur du vent, en 2011 chez 15/21, apporte une note féminine et une audace fort bienvenues dans ce recueil, en traitant d’un sujet délicat, l’amour, que peu de femmes mauritaniennes osent vraiment aborder de manière publique.
Enfin, le recueil est clôturé, sous forme d’annexes, par les trois nouvelles primées l’année dernière, au concours de la Nouvelle Francophone, afin d’encourager les lauréats et de promouvoir les jeunes talents mauritaniens. D’autres auteurs, édités ou non, auraient pu figurer dans cet ouvrage, premier en son genre, mais des contraintes d’efficacité pédagogique, de délai et d’espace ont empêché cela. L’occasion se présentera, sans doute, de réparer ce tort dans le cadre d’un recueil plus élaboré et plus dense.
L’idée a germé en travaillant sur "Nouvelles mauritaniennes" et sa concrétisation est devenue un projet des Editions Joussour/Ponts que je dirige. »
Kane Ismaïla Demba : Un nouveau talent aux idées positives et constructives
La littérature mauritanienne d’expression française vient de s’enrichir d’une nouvelle publication ; Le rivage des fantômes de Kane Ismaïla Demba, paru ce mois janvier 2019 aux Editions Joussour/Ponts, Nouakchott. Cet ouvrage a été publié avec le soutien financier du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France en Mauritanie.
Le roman de ce jeune auteur qui franchit, avec le début de 2019, le seuil de la porte du cercle des écrivains mauritaniens, raconte le combat mené par trois intellectuels, Kelefa, le philosophe, Pathé, l’ingénieur et Doulo, pour sauver le village de Gadiamou, un terroir de l’Etat imaginaire du Sahil. Gadiamou est sous l’autorité d’un conseil de sages qui tient tête au pouvoir central en refusant d’adhérer au Parti de la Vérité malgré les exactions du commissaire de la place. Il est alors abandonné à son triste sort qu’exacerbe la rareté de l’eau. Et c’est pour résorber ces problèmes que les héros conçoivent le projet de la construction d’un barrage. Ce projet est d’abord rejeté par le pouvoir coutumier qui y voit une compromission avec le pouvoir central. Il n’octroie son aval qu’à la condition de ne pas abdiquer devant ce dernier.
Les trois personnages vont alors se rendre dans la capitale Saré-Capitale pour chercher le financement de leur ambitieux projet qui ne verra le jour que grâce à la bienveillance d’un riche homme d’affaires. Le roman manifeste un engagement certain en faveur du développement local dont la responsabilité incombe aux intellectuels qui doivent relever les défis des pouvoirs traditionnels s’appuyant sur des croyances rétrogrades et l’incurie des pouvoirs modernes qui soumettent le développement aux allégeances et au clientélisme politique. Roman de facture classique ; il regorge par ailleurs de nombreuses subtilités techniques. Un nouveau talent aux idées positives et constructives fait son entrée sur la scène littéraire mauritanienne.
Kane Ismaila Demba est né en 1975 à Maghama dans la wilaya du Gorgol. Il a fait ses études primaires et secondaires (premier cycle) dans la même localité. Amoureux de l'art, il dirige la troupe littéraire et artistique de cette ville, troupe qu'il supervise pour la représentation de plusieurs pièces de théâtre avec une thématique variée. En 1989, il se rend à Nouakchott pour y poursuivre ses études. Il est lauréat du concours de poésie organisé par l'Ambassade de France à Nouakchott en 1993. Diplômé de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Nouakchott où il obtient une maitrise en langue et littérature françaises, il est l'auteur de plusieurs nouvelles inédites. Le rivage des fantômes est son premier roman.