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Quand le lycée français Théodore Monod souille la mémoire de l’écrivain Tène Youssouf Gueye…
RMI-Info - Le lundi 17 décembre 2018, le Lycée Français ThéodoreMonod de Mauritanie publiait un recueil de poésies mauritaniennes d’expression française, entre ciel et sable . Ce fut avec un grand plaisir que j’ai accueilli cet ouvrage.
Je me suis naturellement empressée de lire le contenu, ma surprise fut grande, quant à la page 21, je tombe sur la note biographique portant sur l’auteur Tène Youssouf Guèye, je vous livre la présentation qui est faite de lui : « Tène Youssouf Gueye, né en 1923, a été le président de l’Association des écrivains mauritaniens, et haut fonctionnaire du pays. Il a publié le Manifeste du négro-mauritanien. Condamné à cinq ans de prison, il y est décédé en septembre 1988. ».
J’ai naturellement sursauté à la lecture de l’avant dernière phrase « (…) il a publié le Manifeste du négro-mauritanien (…) ».
Curieusement aussi, contrairement à tous les autres auteurs présents dans cette anthologie, pas un seul titre de ses ouvrages n’a été mentionné.
Cela m’étonne, car Tène est celui qui a doté la littérature mauritanienne d’expression française de non seulement son premier roman (Rellâ ou les voies de l’honneur en 1983) ; mais aussi sa première pièce de théâtre (les exilés de Goumel ; 1975) ; en plus de son œuvre poétique.Il est l’un des rares auteurs mauritaniens (s’il n’est le seul) à s’être essayé à presque tous les genres littéraires (Théâtre, poésie, roman, nouvelle, essai.). Ce n’est alors pas de choses à dire littérairement sur lui qui manquent !
A ma connaissance Téne Youssouf Gueye n’était pas membre du mouvement des Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM) qui a signé le manifeste en question. D’ailleurs même s’il l’était, qu’est-ce qu’un document politique vient faire dans ouvrage purement littéraire ?
J’ai cherché les coordonnées des « auteurs » de cette production, à savoir, le Lycée Français Théodore Monod (LFTM) pour leur signaler cette erreur très grave d’autant plus que l’ouvrage en question était déjà en circulation et qu’il a été tiré à 2000 exemplaires.
J’ai rédigé un email adressé au Proviseur du lycée. Tombantsur les vacances pour les fêtes de fin d’année, il m’a fallu attendre près de 10 jours pour avoir une réponse de ce dernier, il me mettra en contact avec un des professeurs responsables de ce projet, Annabelle Maillard.
Les quelques arguments justificatifs avancés par la responsable sont, le fait que les différentes notices biographiques aient été rédigées par les élèves de la 3ème et 1ère, qu’ils avaient eu beaucoup de mal à rassembler des informations « fiables » et « claires ».
Ces arguments sont évidemment irrecevables, des anthologies très récentes ont été publiées avec des données actualisées. Ne pas avoir accès à la bonne information est une chose, en donner une fausse en est une autre.
J’ai envoyé un dernier email au Professeur responsable du projet, Mme Annabelle Maillard, en mettant en copie tous les autres professeurs impliqués dans ce projet en plus du proviseur actuel du lycée français Théodore Monod il y a près de 2 mois, où je voulais savoir si la distribution avait cessé ou non. Aucune réponse jusque-là.
J’ai appris très récemment que ce lycée avait tranquillement continué à distribuer les exemplaires.
Par honnêteté intellectuelle, pour être en paix avec ma conscience et surtout par respect pour la mémoire de l’auteur, je ne peux fermer les yeux et la bouche et faire comme si de rien il n’était.
En plus de présenter des excuses publiques, toute distribution doit être immédiatement arrêtée et même retirée en attendant de corriger cette erreur grave en dressant la biographie comme il se doit de ce grand auteur Téne Youssouf Gueye !
Qui était Tène Youssouf Gueye ?
Tène est né en 1928 à Kaédi, il est sorti de la prestigieuse et célèbre école Wiliam ponty du Sénégal.
Il a occupé de hautes fonctions en Mauritanie. Il fut le premier ambassadeur de la Mauritanie aux Nations-Unis, il fut détaché au ministère de la culture où il aura l’occasion de représenter la Mauritanie dans de grandes manifestations culturelles. Il faisait partie de la délégation mauritanienne qui avait pris part au deuxième Festival des Arts Nègres qui avait eu lieu à Lagos (Nigéria) en 1977, en compagnie du commissaire poète Djibril Zakaria Sall entre autres. Il fut l’un des membres fondateurs de la Fédération des Association des Ecrivains de l’Afrique de l’Ouest (FADEAO). Il fut le président de l’association des écrivains mauritaniens…
Son apport à la littérature mauritanienne
Un apport de taille ! Tène youssouf a doté la littérature mauritanienne francophone de sa première pièce de théâtre (les exilés de Goumel ) en 1975, de son premier roman (Rellâou les voies de l’honneur), de son premier recueil de nouvelles (A l’orée du sahel). Ce monstre de la culture est l’un des rares, s’il n’est le seul auteur mauritanien à s’être essayé à presque tous les genres littéraires (Roman, Poésie, théâtre, nouvelles, essai…).
Bibliographie
Sahélienne, Dakar-Abidjan, Nouvelle Editions Africaines, 1975
Les exilés de Goumel, Dakar- Abidjan, N.E.A
A l’orée du sahel, Dakar-Abidjan, N.E.An 1975
Aspects de la littérature pulaar en Afrique occidentale, suivi de : quelques visages du sud mauritanien, Imprimerie nouvelle, Nouakchot, 1981
Rellâ ou les voies de l’honneur, Dakar-Abidjan-Lomé, 1983
Tène, ou le modèle de l’intellectuel africain décomplexé et ancré !
« (…) comme le montrent si clairement la variation de sa dénomination, de ses trois premières œuvres à la quatrième, il n’a acquis son titre de «Tène » qu’avant la publication de Rellâ ou les voies de l’honneur. Le « Tène » est chez les soubalbé, un titre honorifique octroyé généralement à l’homme le plus âgé, le plus intègre, à l’occasion d’une cérémonie traditionnelle.
L’élu devient ainsi un patriarche, un référent en toute circonstance pour les questions touchant aux intérêts de la communauté. En général quand on devient un Tène, on le reste toute sa vie »
Tène youssouf Gueye a été arrêté en 1986, à la suite de la publication par le mouvement des Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM) du manifeste du négro-mauritanien opprimé. Condamné à 4 ans de prison. Il décède le 7 septembre 1988 à cause des conditions de détention inhumaines dans la prison de Oualata.
J’aimerais pour finir, répondre à la très célèbre phrase de Tène Youssouf adressée à ses geôliers rapportée par l’auteurAlassane Harouna Boye, « allez-vous laisser un homme de culture mourir comme un chien ? ». Non, nous n’allons pas le permettre, la mort physique nous échappe, mais celle de ta mémoire, nous veillerons !
Salimata Ba