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15-07-2019

05:00

Le Permis Constitutionnel du Président de la République

Maître Mohamed Sidi Abderrahmane BRAHIM - Le 1er Aout 2019, le nouveau président élu prendra les commandes de l’Etat et dans cette circonstance le rappel des règles constitutionnelles est utile.

Pour bien accomplir les missions définies dans son cahier de charges, le Président élu est censé respecter ses obligations, ce qui suppose la maitrise des règles qui régissent l’exercice du pouvoir et constituent une condition ciné qua non pour assurer une navigation conforme aux normes préétablies par la loi fondamentale (la Constitution).

Le pilote apte doit être, préalablement à sa prise de fonction, titulaire d’un titre de navigation valable, dont la délivrance est conditionnée par la maitrise des connaissances nécessaires pour une conduite conforme aux règles prescrites par la loi.

Les efforts et diligences des citoyens doivent se conjuguer pour mener le navire républicain à bon port ce qui nécessite le balisage du chenal du droit par la vulgarisation des obligations légales. Bien que la diffusion des connaissances juridiques incombe aux autorités publiques, il est du devoir de la société civile d’y contribuer.

Le rendez vous de la Mauritanie avec la transition du pouvoir et la passation du service suprême de l’Etat d’un citoyen à un autre, qui n’est pas coutume, m’a incité à rédiger cette contribution qui évoque, à la lumière des règles constitutionnelles : le serment présidentiel (I), l’instauration des libertés et principes fondamentaux des droits de l’homme (II), la primauté du droit (III), l’égalité des citoyens (IV) avant de conclure par la nécessité de civiliser la présidence de la République Islamique de Mauritanie (V).

I. Le Serment Présidentiel

Le serment est une vertu humaine et un engagement en vertu duquel l’homme engage son honneur pour confirmer le bienfondé d’un fait ou affirmer sa ferme volonté d’accomplir ou d’éviter de commettre un acte. Le non respect du serment est un péché qualifié de trahison d’une valeur humaine sacrée et est de surcroit un acte criminel puni par le Code Pénal Mauritanien (Article 346).

Dans le but de garantir la transition du pouvoir, le législateur constitutionnel Mauritanien a prévu la limitation de la durée du mandat présidentiel à 5 ans et du nombre de mandats présidentiels permis à deux mandats. Pour empêcher la violation du principe de transition, le législateur a pris la précaution d’assermenter le Président de la République élu, avant de commencer l’exercice de ses fonctions. Le moment solennel de prestation de serment est un fait marquant dans l’histoire de l’Etat et pour cette raison il attire l’attention des citoyens et des étrangers. Le serment doit être inoubliable pour tout Président responsable et marquant pour ses concitoyens.

L’article 29 de la Constitution de la République Islamique de Mauritanie dispose: Le Président de la République nouvellement élu entre en fonction à l’expiration du mandat de son prédécesseur.

Avant d’entrer en fonction; le Président de la République prête serment en ces termes:

Je jure par Allah l’Unique, de bien et fidèlement remplir mes fonctions dans le respect de la Constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national.

Je jure par Allah l’Unique de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution).

La Constitution de la République Islamique de Mauritanie se compose actuellement d’un préambule et de 102 articles, dont deux annulés (Art. 63 et 66);

Cette loi fondamentale est passée par cinq étapes:

1. Le texte constitutionnel initial en vigueur a vu le jour en 1991 et a fait alors l’objet de l’Ordonnance numéro 022/91 en date du 20 Juillet 1991 (publiée au Journal Officiel numéro 763 en date du 30 juillet 1991);

2. La Constitution du 20 juillet 1991 a été suspendue suite au coup d’Etat du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), le 3 aout 2005;

3. L’ordre constitutionnel a été rétabli par la loi constitutionnelle 014-2006 en date du 12 juillet 2006 (publiée au Journal Officiel numéro 1122 en date du 15 juillet 2006);

4. Un amendement constitutionnel a été apporté par la loi constitutionnelle 015-2012 en date du 20 avril 2012 (publiée au JO 1262 en date du 30 avril 2012);

5. Et enfin les deux lois constitutionnelles référendaires numéros 021-2017 et 022-2017 en date du 15 aout 2017 (publiées au JO 1393 BIS en date du 15 aout 2017) ont amendé les dispositions relatives au drapeau national et institutionnalisé la suppression de la deuxième chambre du parlement (le sénat).

II. L’instauration des libertés et principes fondamentaux des droits de l’homme

La Constitution de la République Islamique de Mauritanie dispose dans son Préambule (Le peuple mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits et principes suivants:

Le droit à l’égalité, les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine, le droit de propriété, les libertés publiques et les libertés syndicales, les droits économiques et sociaux, les droits attachés à la famille, cellule de base de la société islamique.).

L’article 10 de la constitution ajoute:

(L’Etat garantit à tous les citoyens les libertés publiques et individuelles notamment:

La liberté de circuler et de s’établir dans toutes les parties du territoire de la République; La liberté d’entrer et de sortir du territoire national; La liberté d’opinion et de pensée; La liberté d’expression; La liberté de réunion; La liberté d’association et la liberté d’adhérer à toute organisation politique ou syndicale de leur choix; La liberté du commerce et de l’industrie; La liberté de création intellectuelle, artistique et scientifique; La liberté ne peut être limitée que par la loi.).

III. La primauté du droit

Les dispositions constitutionnelles en Mauritanie incarnent la primauté du droit : l’Article 4 de la Constitution dispose que (La loi est l’expression suprême de la volonté du peuple. Tous sont tenus de s’y soumettre.). Son article 56 stipule: (La loi est votée par le parlement). Quant au domaine de la loi il est définit par l’article 57 qui stipule que la loi régit les droits et devoirs fondamentaux des citoyens: la nationalité, l’état et la capacité des personnes, le mariage, le divorce et les successions, la détermination des crimes et délits et peines applicables, les procédures judiciaires et l’organisation des juridictions, le régime des douanes, des banques et des assurances, le droit du travail et de la sécurité sociale et les droits syndicaux.. etc.

IV. L’égalité des citoyens

L’Alinéa 2 de l’Article premier de la Constitution dispose (La République assure à tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale l’égalité devant la loi.).

Son Article 12 dispose également (Tous les citoyens peuvent accéder aux fonctions et emplois publics sans autres conditions que celles fixées par la loi).

(Les citoyens sont égaux devant l’impôt.) Alinéa 1 de l’Article 20.

(Tout étranger qui se trouve régulièrement sur le territoire national jouit pour sa personne et pour ses biens de la protection de la loi.) Article 21 de la Constitution.

V. Civiliser la Présidence de la République

Je rappelle ici qu’une grande partie, des idées exprimées dans ce sous titre, est copiée de mon article «Comment civiliser la présidence», publié sur CRIDEM, le 1er avril 2015.

Le verbe civiliser est synonyme d’améliorer. Suivant le dictionnaire en ligne REVERSO, le sens du verbe civiliser c’est «rendre conforme aux normes des civilisations modernes». Il serait opportun de partir de cette notion pour proposer des améliorations utiles à la Présidence de la République.

Durant les dix neuf ans qui ont suivi l’indépendance de la RIM (de 1960 à 1979) la présidence se composait uniquement de deux cellules civiles: le Secrétariat Général de la Présidence de la République et le Cabinet du Président. C’est en 1979 que la première structure militaire «Secrétariat Permanent du Comité Militaire» intégra la présidence (Source: Mohamed Mahmoud Weddadi: EL WEZIR, expérience d’un ministre civil dans un régime militaire, الوزير، تجربة رئيس مدني في حكم عسكري Page 93).

Le Décret 099-2009 du 12 aout 2009 portant organisation de la Présidence de la République à importé à l’administration présidentielle, en plus de ces composantes civiles authentiques, deux structures militaires: l’Etat major particulier du Président de la République et l’Inspection Générale des Forces Armées et de Sécurité.

La Présidence d’une République est censée être un espace civil par excellence, car sa mission consiste à assister le président «rôle du cabinet» et à assurer une parfaite coordination avec le gouvernement «rôle du secrétariat général de la présidence». Donc une présence significative des officiers dans un espace républicain semble inappropriée. Un seul conseiller militaire suffit pour assister le Président de la République dans ses responsabilités de conduite de la politique de défense en coordination avec le ou les chefs des états major.

Juridiquement parlant l’organisation générale de l’administration est du domaine de la loi (Art. 57 de la Constitution) et la présidence étant l’administration centrale de l’Etat doit être organisée par une loi qui fixe ses grandes structures; Le décret d’organisation doit pouvoir aménager l’intérieur sans pour autant toucher les structures de base. Il n’est pas convenable que tout Président puisse réorganiser ce service public central à sa guise sans être tenu de respecter les fondements.

Pour faire face à ses lourdes charges le président de la république a besoin d’une assistance efficace, une équipe armée de connaissances et apte à faire bénéficier l’Etat des moyens de communications modernes qui offrent aujourd’hui en plus des facilités de contact, des informations en ligne et mettent à la disposition des utilisateurs un savoir illimité et disponible dans tous les domaines.. Pendant que les services présidentiels à travers le monde ont construis des pages web, qui permettent de visualiser leurs organigrammes et tiennent à les actualiser quotidiennement, pour qu’ils reflètent leur agendas et renvoient aux décisions;

Et alors qu’il serait possible d’écrire, on line, aux présidents et leaders du monde et de saisir le président algérien, sénégalais et malien et le premier ministre marocain voisin, il n’ya pas actuellement de lien électronique permettant de saisir le Président de la RIM, même pas son directeur de cabinet.

Les liens qui renvoient à des pages web qui reflètent l’organisation et l’activité de toute importante entité ne sont plus un indice de modernité; Ils constituent désormais un signe d’existence et un outil indispensable d’échange avec le monde. Beaucoup d’intellectuels mauritaniens ne savent pas grand-chose sur l’organisation de la présidence ni sur le staff qui s’occupe des affaires de la république.

Avant la prise de fonction du nouveau président de la république, il ya lieu d’attirer son attention sur l’importance de prévoir l’organisation de la présidence de la république et de combler la carence criante qui se manifeste par son absence des réseaux sociaux.

Maître Mohamed Sidi Abderrahmane BRAHIM



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