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20-11-2019

22:00

Secteur des pêches: une nouvelle stratégie et des risques à en tenir compte

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme - Adoptée officiellement le 23 Février 2015, la « Stratégie Nationale de Gestion Responsable pour un Développement Durable du secteur des Pêches et de l’Economie Maritime 2015-2019» devrait prendre fin le 31 Décembre prochain sinon, au plus tard, le 22 Février 2020.

Dans sa communication présentée au Conseil des Ministres le 17 Octobre dernier, Monsieur le Ministre des Pêches et de l’Economie Maritime a tranché sur cette question d’échéance. En effet, Son Excellence avait annoncé, entre autres informations, sa volonté de mettre en place, avant la fin de l’année en cours, une nouvelle stratégie sectorielle pour la période 2020-2024.

A rappeler que cette communication est intervenue à la suite d’une étude qui avait évalué la mise en œuvre de la stratégie à remplacer et d’un atelier au cours duquel ladite étude d’évaluation a été restituée en présence de tous les acteurs concernés par l’avenir de ce secteur où se jouent –et se toujours joué- de grands intérêts.

A propos des intérêts, le pari de Monsieur le Ministre des pêches consistant à élaborer une nouvelle stratégie pour son département au cours de 2019, risque d’être compromis par des conflits internes ayant apparu ces derniers temps en surface.

Ceux-ci semblent opposer d’un côté, les usiniers de farine et huile de poisson et de l’autre, les experts auteurs de l’étude d’évaluation et les financeurs de l’une ou l’autre des étapes du processus de mise en place de la nouvelle stratégie en perspective pour la pêche (PRAO-MR, PROMOPECHE, FAO), etc.

Ces conflits dont on parle beaucoup à la pêche, seraient amplifiés outre mesure par certains au point de leur donner un caractère tribalo-politique ou politico-tribal.

C'est-à-dire par ceux qui se considèrent aujourd’hui abandonnés après s’être bien introduits et respectés de tous et qui sentent même qu’il y a une volonté implicite de les faire sortir du secteur, du moins de la filière où ils opèrent.

Ce sentiment a malheureusement commencé à toucher d’autres professionnels depuis que l’élaboration de la nouvelle stratégie a été confiée à un groupe restreint du ministère, dominé par les experts contre lesquels se sont déjà érigés les fariniers et les soi-disant victimes de la période 2015-2019.

Il s’agit d’abord des défenseurs de la durabilité de la ressource. Ceux-ci se font déjà des soucis au sujet de la non maitrise des opérations de débarquement tout le long de la côte, des transbordements fréquents en mer, de l’existence de quais privés pour débarquer directement les produits aux portes des usines et enfin, le laxisme croissant des organes de surveillance et de contrôle.

Tout ceci était à l’origine du problème criant des statistiques de captures dont souffre apparemment la recherche, en général et du phénomène des dépassements des quotas alloués, en particulier.

Une autre catégorie de professionnels, constituée par ceux qui s’attachent à l’objectif de maximisation des gains sociaux et économiques tirés de l’exploitation de notre patrimoine halieutique, est, elle aussi, inquiétée. Elle juge que les sociétés de droit mauritanien sous leurs formes actuelles, les affrètements (de navires coque-nue), les privilèges accordés à certaines sociétés étrangères non respectueuses de leurs engagements et le payement des marins mauritaniens sans qu’ils embarquent effectivement en mer, sont des pratiques contraires à cet objectif.

Dans la pêche, tout le monde souhaite voir une vraie volonté de développer une flotte nationale performante, de mauritaniser effectivement les emplois à bord et à terre et enfin, de réviser certaines conventions désavantageuses pour le pays ou, au moins, d’exiger le strict respect de leurs dispositions.

Les résultats de telles conventions en matière de transformation locale des produits et d’emplois, laissent à désirer eu égard le montant des investissements initialement prévus et les facilités officiellement accordées ou implicitement tolérées.

Concernant particulièrement l’accord de pêche avec l’Union européenne, les Mauritaniens continuent, bien que les jeux soient déjà presque faits, d’espérer des conditions techniques semblables à celles décrochées en 2012.

Revenant à la question des professionnels du secteur qui se croient visés ou qui craignent que la nouvelle stratégie soit une reproduction simplifiée de celle échue, nous leur demandons de dire ouvertement au public ‘’comment était-il possible pour eux –et pour d’autres- l’accès au secteur des pêches à partir de 2016?’’

Pour ceux qui ne le savent pas, le passage d’un système de gestion basé sur l’effort de pêche à un autre qui consacre les quotas de captures, était l’astuce introduite par la stratégie sectorielle 2015-2019 pour faire entrer plusieurs nouveaux acteurs dont certains dans la production et la transformation et d’autres avec le statut non officiel d’intermédiaires.

Faute de pouvoir ou de vouloir renouveler la flotte nationale industrielle sous le règne de notre ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz, le renouvellement de la classe des professionnels de la pêche était l’objectif le plus facile à réaliser et le passage au système de quotas, était la voie la plus courte, la plus adéquate et la plus sûre.

Peut être que le retour hier au pays de l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz a fait renaitre, chez nos professionnels révoltés, un nouvel espoir. Celui-ci serait justifié puisqu’il est déjà fait recours aux chirurgiens du Ministre réformiste de la santé pour qu’ils intervenant sur le nom et le logo de l’UPR ainsi que sur la nature et le rôle de ses instances dirigeantes et ce aux fins de faire de notre Honorable Hôte la référence de ce parti ou de celui qui le substituera.

Même en cas de la perte de ces révoltés devant les experts de Monsieur le Ministre des pêches, on devra quand même éviter que la victoire laisse naître des germes pouvant potentiellement proliférer et conduire, avec le temps, à une situation plus contestable ou plus contestée.

Attention ! le nouveau mode de gouvernance du Président de la République Mohamed Cheikh El Ghazouani laisse entendre que la société civile deviendra plus active et plus courageuse à dénoncer et la presse, plus informée et assez armée pour se spécialiser dans le lancement des alertes.

Qu’on sache aussi que les bonnes réformes entreprises par Monsieur le Ministre de la santé et les soulèvements populaires qui secouent le monde arabe, l’Europe, l’Asie et l’Amérique latine, doivent normalement inciter chacun de nos Ministres responsabilisés, à éviter que l’étincelle de la contestation jaillisse d’abord à partir de son Département. A bon entendeur, salut !

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme



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