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04-04-2020

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Adieu de Issa ANNE à son ami Ahmed Maouloud, un homme profondément bon et juste

Djibril Demba DIA - Adieu l’ami,

Je ne pouvais savoir que ton dernier message d’hier me demandant les nouvelles des parents de Kaédi, et si la première victime Mauritanienne n’en faisait pas partie, était un au revoir.

Toi qui a toujours été un ultime conseiller et veillant sur nos parents respectifs. Je n’aurai plus droit à cet égard ! Notre première rencontre remonte à 2010, quand un ami commun à l’étranger nous demanda de nous voir pour sa commission.

Rendez-vous pris pour 17 heures, tu te pointas à 21 heures, me répétant toutes les demi-heures que tu étais en route. A mon énervement à ton arrivée tu me répondis par une boutade : « Et alors j’étais occupé.»

Plus tard je compris que tu étais toujours pris par le dernier nécessiteux que tu rencontrais et que tu n’abandonnais qu’après avoir réglé son problème. Toi qui ne comptais jamais le temps.

Voilà que me revient ta phrase, que tu répétais sans cesse : "Ici, en Mauritanie, tous les problèmes peuvent être réglés en une journée sauf … ceux de la santé". Puis, mes irritations sur la conduite des chauffeurs locaux et ton calme olympien me disant toujours "Ne t’énerve pas, tu es et sera toujours le perdant".

Toi, je ne t’ai jamais vu énervé, mais je t’ai observé pleurer car un ami avait osé abuser de ton amitié. Tu me répétais toujours ne jamais vouloir être à l’origine d’un malentendu. Ma panne de voiture, à 75 kilomètres de Nouakchott en route pour une rencontre prévue à Dakar le lendemain, mon coup de fil, ta réponse ‘’ as-tu un chauffeur ou voudrais-tu que je t’apporte la voiture.‘’ Geste à la parole, ta voiture sera là, et tu t’empressas de signaler au commissaire du BAC de Rosso de me faciliter le passage de la frontière.

Toi qui a envoyé discrètement une délégation de EHELHadj et de SBAI présenter les condoléances et demander le règlement à l’amiable l’accident de mon jeune frère qui coûta la vie à un commerçant d’Akjoujt. Aux parents du disparu, tu diras que celui qui est parti comme celui qui est responsable de cet accident sont de la même famille la TIENNE.

Oui tous les Mauritaniens étaient tien, toi qui envoyais très souvent ton fils ainé chez ton ami de Keur Mour pour apprendre langue et habitudes croyant à juste titre que le repli communautaire était immonde.

Parti pour une semaine te changer les idées, tu es resté 45 jours, jusqu’à fatigué de t’attendre et lassé par les promesses de « tes très bientôt » je suis allé te chercher parce que Maman Sellama en devenait malade. Mon arrivée te surprit, et tu mis en arrêt l’activité lucrative que tu y avais entamé et nous reprîmes la route du Pays.

Toi qui, pour notre dernier voyage prévu pour et au bout de 4 jours, me dis lorsque je vérifiais les pneumatiques du véhicule, que tu voulais encore prolonger de 3 jours et que tu reviendrais par avion, me remettant ton linge sale pour te soulager des bagages encombrants, toi donc tu es resté … 60 jours continuant sur l’Espagne et la France.

Oui Ahmed tu étais ainsi, ni le temps ,ni l'espace ne te retenait prisonnier. Toi, qui étais avec moi dans mon bureau lorsque je reçus le coup de fil de mon épouse de Dakar m’annonçant le rappel à Dieu de sa mère et ta seconde phrase après le Ina lillahiwoinaileihirajioune fut « On y vas » !

Cet après-midi là, au vu du nombre des candidats au voyage tu ramenas ta voiture et nous nous ébranlâmes en convoi de Nouakchott vers 18 heures, car tu tenais à ce que tous ceux qui le souhaitent partent.

Toi, pour qui le matériel n’était rien, toi qui partageais tout et qui ne gardais rien pour le lendemain, car disant toujours que le lendemain appartient à ALLAH… Toi, qui me reprochais toujours mon silence au-delà de 2 jours sans nous voir et toi qui me suppliais ces derniers jours de rester à la maison pour ne pas choper cette saloperie comme tu l’appelais et ne pas mettre nos vies et celles de nos familles en danger te voilà... Taquin, comme toujours, tu disais : « On est ensemble par le téléphone ». Puis, il a fallu ma forte insistance pour te voir le mardi 24 mars. Je ne savais pas que ce serait la dernière fois ! Cette dernière fois que je posais le regard, sur le visage et la voix d’un homme, un plus que frère, un humble humain !

A Maman Sellama, à Mariem, aux enfants, aux neveux et frères et à tous les parents de LOUEBDE et à la Mauritanie que tu aimais entièrement, profondément, je présente mes condoléances.

Ina lillahiwoinaIleihurajioune, que la terre te soit légère l’ami.

Ton Issa ANNE




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