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Voilà où les dirigeants mauritaniens déposent leurs détournements à l’étranger. Par Pr ELY Mustapha
Pr ELY Mustapha - La Banque Mondiale vint de démontrer, dans une étude intitulée « "Capture par l’élite de l'aide étrangère - Preuve provenant de comptes bancaires offshore », portant sur un échantillon de 22 pays, que les décaissements d'aide publique et autres financements pour le développement à la Mauritanie déclenchent des flux d'argent vers des comptes bancaires étrangers (Paradis fiscaux et autres).
Un train de détournement à grande vitesse
En Mauritanie, les taux des détournements augmentent plus rapidement que le taux de croissance du PIB ! Soit quasiment le double. Le TGV des détournements des ressources publiques.
En effet, l’étude fait apparaitre qu’en Mauritanie, un taux de croissance trimestriel du PIB de 1.8%, s’accompagne, sur la même période, d’une croissance de 2,14 % des dépôts dans les paradis fiscaux et une croissance de 2.7 % de dépôts dans d’autres pays-refuge !
Ainsi, la Mauritanie, figurant en bonne place dans les statistiques de la Banque mondiale, enregistre un triste record, à travers les détournements de ses dirigeants vers des comptes-refuges (paradis fiscaux et autres pays)
Les détournements des dirigeants mauritaniens sont transférés dans des pays-refuge comprenant les paradis fiscaux et d’autres pays acceptant les dépôts mais non paradis fiscaux.
Dans la première catégorie on retrouve la Suisse, la Belgique et le Luxembourg et les pays dit de la catégorie « Jersey » c’est-à-dire l'île de Guernesey, dans les îles Anglo-Normandes, et l'île de Man. Dans la seconde catégorie on retrouve les autres pays-refuges l'Australie, le Brésil, le Danemark, la Finlande, l'Irlande, le Japon, les Pays-Bas, la Suède et les États-Unis.
Un terrible constat !
Dans un échantillon comprenant les 22 pays les plus dépendants de l'aide dans le monde (en termes d'aide de la Banque Mondiale) dont la Mauritanie, le constat est terrible : les décaissements de l'aide coïncident, au cours d’un même trimestre, avec des augmentations significatives de la valeur des dépôts bancaires dans les paradis fiscaux et autres pays-refuges.
Spécifiquement, dans plus du quart de ces pays, lorsqu’un de ces pays reçoit une aide équivalente à 1% du PIB, ses dépôts dans les paradis augmentent de 3,4% par rapport à un pays ne recevant aucune aide !
Ainsi en moyenne sur la période de l’échantillonnage des dirigeants mauritaniens ont détourné en moyenne 32 millions de dollars mis en dépôts dans les Paradis Fiscaux et 150 millions de dollars mis en dépôts hors paradis fiscaux dans des pays-refuges.
Bénéficiaires : les politiciens et les bureaucrates au pouvoir
Les experts de la Banque Mondiale notent : « il est presque certain que les bénéficiaires de l'argent qui circule dans les paradis au moment des décaissements de l'aide appartiennent à des élites économiques. Des recherches récentes utilisant des microdonnées provenant de fuites de données et d'amnisties fiscales montrent que les comptes bancaires à l'étranger sont extrêmement concentrés au sommet de la distribution de la richesse.
En revanche, les segments les plus pauvres des pays en développement n'ont souvent même pas de compte bancaire national (Banque mondiale, 2017) et il est tout à fait invraisemblable qu'ils contrôlent les flux d'argent vers les paradis.
S'il est plus difficile d'identifier le mécanisme précis par lequel les entrées d'aide provoquent des sorties de capitaux vers les paradis, la capture de l'aide par les politiciens et les bureaucrates au pouvoir est une question saillante et plausible.
- Premièrement, cela peut expliquer pourquoi la piste mène à des paradis plutôt qu'à des non-paradis : si l'argent provient de la corruption et du détournement de fonds, nous ne devrions pas être surpris de le voir couler vers des pays ayant des juridictions dotées d'institutions juridiques mettant l'accent sur le secret bancaire.
- Deuxièmement, cela peut expliquer pourquoi nous observons une forte et immédiate augmentation des dépôts au cours du trimestre de décaissement sans augmentation au cours des trimestres suivants : dans la mesure où les élites politiques détournent l'aide vers des comptes étrangers, soit directement, soit par le biais de pots-de-vin des connivences avec des opérateurs du secteur privé, les entrées d'aide et les sorties de capitaux devraient se produire presque simultanément. » (voir l’étude: intitulée “Elite Capture of Foreign Aid - Evidence from Offshore Bank Accounts”.
Policy Research Working Paper 9150 . World Bank. February 2020 –Pages 2 et 3). Le rapport est téléchargeable en PDF sur ce lien : http://documents1.worldbank.org/curated/en/493201582052636710/pdf/Elite-Capture-of-Foreign-Aid-Evidence-from-Offshore-Bank-Accounts.pdf )
En conclusion, l’on peut dire que ce n’est là que la partie apparente du siphonage que les dirigeants mauritaniens font des ressources publiques. Alors faut-il encore croire en leur bonne foi, en leurs programmes, en leurs promesses ?
Et si une institution comme la Banque mondiale, partenaire, bailleur de fonds et comptable de la dette de la Mauritanie, a diligenté une telle étude dont les résultats sont si dégradants pour les dirigeants mauritaniens, les vrais comptes, par contre, ne le seront que le jour où le portefaix de toute cette misère, le peuple, les demandera. Le fera-t-il ? Lui si croyant, recherchant le Paradis dans l’au-delà, eux, si malfaisants l’on trouvé dans les paradis fiscaux. Ici-bas.
Pr ELY Mustapha