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240 milliards d’UM : Ghazouani, pourquoi jetez-vous les ressources du peuple par la fenêtre ? Par Pr ELY Mustapha
Pr ELY Mustapha - Monsieur Ghazouani, l’essentiel de votre discours relatif à un programme de relance économique post Covid-19, tient en une phrase :
« En vue de surmonter ces effets négatifs, de relever les défis et contraintes de l’après covid-19, il a été décidé de lancer un programme économique exhaustif sur fonds propres pour une enveloppe globale de plus de 240 milliards d’anciennes Ouguiyas et ce, sans préjudice au déroulement des projets en cours dans différents domaines. »
Monsieur Ghazouani, savez-vous que ce n’est pas le montant d’un investissement qui compte mais la capacité de celles et ceux qui le mettent en œuvre ?
Ce programme de 240 milliards d’ouguiyas, vous allez en confier l’exécution à une administration publique quasi-incompétente, qui est à l’origine de tous les affres du sous-développement que vit le pays. Le détournement des projets, des moyens financiers, des ressources de toutes natures sont la peste qui gangrène le pays.
La mauvaise gestion, l’absence de compétences fait que l’administration publique mauritanienne, est le boulet qui empêche la réalisation effective et la réussite de tout projet.
Savez-vous monsieur le Président que dans vos ministères, seul 20 % du personnel font leur travail ?
Savez-vous que 70 % du personnel sont absents des lieux de travail et se présente par intermittence ?
Savez-vous qu’au moins 80 % des fonctionnaires publics mauritaniens, n’ont pas de diplômes correspondant à l’emploi qu’ils occupent ?
Savez-vous que plus de la moitié ont de faux diplômes et des diplômes de complaisance ?
Savez-vous que le quart du Personnel Non Permanent (PNP) occupe des fonctions auquel il n’a pas droit, mais uniquement pour augmenter son salaire ?
Savez-vous qu’une bonne partie des fonctionnaires de la Fonction publique ont acquis et fait valoir pour leur promotion des certificats professionnels fictifs délivrés par des centres de formation professionnels véreux ?
Savez-vous que 80 % du personnel de la fonction publique mauritanienne, n’ont jamais reçu de formation continue ou de mise à niveau ?
Savez-vous que 60% des fonctionnaires, ne connaissent même pas leurs champs de compétences et ce pour quoi ils ont été recrutés ?
Savez-vous que des centaines de postes ont été pourvus par complaisance et que ceux et celles qui les occupent, n’ont jamais posé pied dans leurs services ?
Savez-vous que des milliers de postes techniques, de haute importance, sont occupés par des non-techniciens ?
Savez-vous que les fonctions ne correspondent pas aux profils métiers ni aux compétences requises ?
Savez-vous que 100 % du personnel de la fonction publique sont recrutés sans recours à aucun référentiel métiers et compétences officiel?
Savez-vous, que les inspections départementales des ministères sont inopérantes, souvent incompétentes et ne réalisent pas leurs missions ?
Savez-vous que le budget de fonctionnement 2020 de l’Administration publique mauritanienne (hors service de la dette) est de 33 114 471 766 UM et que les traitements et salaires de l’administration publique à eux seuls constituent 16 739 687 591 UM !
Savez-vous, eu égard à ce qui précède, que 80% de ce montant sont payés à un fonctionnariat incompétent, incapable ou absent ?
Savez-vous que si l’on devait ramener la productivité de l’administration publique mauritanienne à ses effectifs, sa contribution au PIB (aux couts des facteurs en 2015) est inférieure à 7 % ! Alors que cette administration absorbe pour son fonctionnement plus de 54 % du total des dépenses budgétaires de l’État en 2020 (60 990 771 776) !
Rappelons que la production dont il s’agit ici, est celle des biens et services fournis par le gouvernement, notamment l’administration publique, l’éducation et les soins de santé (la production des administrations publiques ne comprenant pas les transferts aux particuliers et aux entreprises.)
Et si l’on considère que cette production non-marchande de l’administration publique est faite pour satisfaire aux statiques alimentant les comptes nationaux, et qu’elle est purement quantitative, si on devait la ramener à sa dimension qualitative, ce taux de 7% serait dramatiquement faible.
Ainsi, par exemple, fournir un service de soin qui serait repris quantitativement dans la production de l’administration de la santé, peut être médiocre qualitativement ce qui devrait réduire sa comptabilisation dans la valeur ajoutée de l’administration publique au PIB.
Si l’on doit considérer la variable qualitative comme mesure de la croissance réelle de la production de l’administration publique, alors en Mauritanie, cette variable la réduit fortement et il suffit de s’en référer à l’usager du service public.
Ainsi vouloir confier 240 milliards d’ouguiyas à une telle administration publique, est une attitude inconséquente et cela n'aboutira qu'aux conséquences que l'on sait: corruption, marchés publics plombés, détournements, mauvaise gestion, dilapidation et improductivité.
En effet, l'administration publique mauritanienne n'a ni le personnel qualifié, ni les compétences en quantité et en qualité suffisantes pour prendre en charge un tel programme.
Faudrait-il rappeler, pour preuve, la gabegie de ces dernières années et la traduction devant les tribunaux de ses principaux responsables ?
Il faudrait dire que si l'on a traduit des ministres en justice, la mauvaise gestion et ses conséquences viennent de l'appareil interne de cette administration. A tous les échelons, l'incompétence, le favoritisme et la falsification sont le lot des gestionnaires.
Alors avant de penser relever un niveau de vie, ou injecter, à travers une administration publique incompétente, des milliards dans le circuit économique, pour face aux effets ex-post d'une quelconque pandémie, il faut d'abord agir sur l'administration publique elle-même suivant un plan d'action dont les points forts seraient les suivants:
- Assainir l’administration publique, en créant une structure nationale d’investigation (diplômes, qualifications,) d’évaluation (compétences) de tous les agents publics, d’appréciation des « fonctions » occupées et de la qualité de leurs occupants.
- Mettre en « démission » (soutenue par un plan indemnitaire et de licenciement) tout personnel n’ayant ni les diplômes, ni les qualifications, ni la compétence requise.
- Recruter des compétences dans les postes clef (techniques et de gestion) .
- Lancer un programme de formation et de mise à niveau pour le personnel retenu.
Si cela n’est pas fait, les 240 milliards UM, iront là où chacun sait. Et déjà les " ogres" du secteur privé (que dans votre programme vous voulez associer à sa réalisation) fourbissent déjà avec votre administration (des marchés publics, des équipements et de l'investissement en biens meubles, immeubles et en services) ,les plans de leur soustraction.
C'est cette administration-là qui a servi Aziz et qui dans ses hautes sphères s'est mises au service de sa gabegie en instrumentalisant une administration publique subalterne composée d'incompétences qui ne doivent leur existence et leur maintien qu'au monnayage de leur subordination…à vil prix.
La relance économique, que vous attendez par ce "nouveau programme » que vous lancez ne se réalisera pas... et vous auriez déjà jeté l'argent du peuple par la fenêtre.
Et dans 30 mois, la misère du peuple, encore, vous le rappellera.
Pr ELY Mustapha