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23-09-2020

11:51

Le limogeage d’un ministre pour raisons d’insubordination fondées doit-il prendre fin dans notre pays?

Hamedine Kane - Ayant occupé de 1977 à 1999 de hautes fonctions dans le domaine de la gestion et du contrôle des affaires publiques avant d’être admis à la retraite, j’ai été fort étonné et même surpris, à la lecture du rapport final de la Commission d’enquête parlementaire (CEP), d’entendre les réponses de certains ministres, mis en cause dans des pratiques de mauvaise gestion publique, lors de leurs auditions.

Certains de ces ministres pensaient, sans doute, pouvoir s’absoudre, ultérieurement, des conséquences de leurs actes de gestion délictuels commis sous le mandat de l’ancien Président en invoquant simplement les arguments suivants : « je n ai fais qu’obéir aux ordres du Président, ou ce sont des instructions reçues de l’ancien Président de la république ».

Ces réponses m’amènent à faire les déductions inquiétantes ci-après :

(i) la première est que certains de nos ministres se comportaient ici comme de simples agents d’exécution au lieu d’être de véritables chefs de départements sectoriels chargés d’accomplir des missions publiques au service de la nation et ne se souciaient guère de la régularité des actes qu’ils accomplissaient lorsque ceux-ci visaient à obéir à des ordres venant de l’ancien Président de la République -comme si ce dernier, d’ailleurs, n’était pas, lui aussi, astreint au respect des lois- ;

(ii) la deuxième déduction est que ces ministres ne se soucient que du maintien à leur poste et ne se rendent même pas compte, par opportunisme sans doute, des conséquences pénales graves qu’ils pourraient encourir en cas de mise en accusation et de comparution devant un juge de droit commun ou celui d’une juridiction de la haute cours de justice.

Dans les deux cas c’est le constat amer d’une négation du concept même de l’Etat de droit qui se heurte brutalement à notre conscience de citoyen mauritanien.

Ce comportement dans la conduite de nos affaires publiques est pourtant très grave car il a servi de prétextes pour violer toutes les règles de base en matière : de procédures de passation des marchés publics, de procédures d’aliénation du patrimoine public et privé de l’Etat, des procédures de gestion des finances publiques et de sécurisation de nos réserves monétaires, du respect du statut des organismes à capitaux publics ou semi publics, des procédures d’octroi de permis de recherches minières, des normes de gestion de nos ressources halieutiques et enfin de toutes les règles de la déontologie administrative et financière qui garantissent une parfaite transparence de la gouvernance économique et financière d’un Etat moderne.

On ne pourrait pas d’ailleurs être plus claires que les conclusions du rapport final de la CEP qui est rédigé par une équipe d’experts pluri disciplinaire, apparemment, bien avertie des problématiques de contrôle et d’audit de la gestion publique et privée même dans un contexte de dysfonctionnement généralisé, tel que l’a si bien décrit, récemment, le prof Ely Moustapha dans une brillante analyse des facteurs qui entravent encore la bonne marche de notre administration publique. Dans ce contexte, ne serait-il pas opportun et même utile, d’envisager des mesures visant à renforcer la fonction d’un membre du gouvernement, sans qu’il ne soit exposé à un limogeage inopiné pour des raisons valables d’insubordination ?

A la lumière des dernières auditions menées par la CEP l’idée qui nous vient à l’esprit n’est pas de rendre un ministre indépendant vis-à-vis du chef de l’exécutif, ce qui est impossible et nuisible à la solidarité gouvernementale, mais c’est de lui assurer, au moins, un minimum de garanties politiques lui permettant de s’abstenir, sans conséquences disciplinaires, d’exécuter un ordre qui violerait gravement les normes en vigueur.

Au demeurant dans le contexte politique national actuel, propice à un nouveau cycle de dialogue national inclusif, (-l’ouverture actuelle du Président Gazwani et ses collaborateurs aux partis politiques et a la société civile, aidant-) c’est au sein d’un nouvel attelage gouvernemental incluant des formations de l’opposition qu’on pourrait renforcer, dans le respect strict des prérogatives dévolues au Président de la république et à son PM, la fonction ministérielle.

Hamedine Kane

Tel 46466801

E-mail hamdin.ndiay@yahoo.fr

Ancien Contrôleur d’Etat

Ancien Conseiller du PM chargé du contrôle Financier central

Ancien SG Adjt du Gouvernement

Consultant





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