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Cri d’alarme pour notre sécurité et souveraineté alimentaire : un plan marshal s’impose
Ebe Babah - Il ne s’agit pas d’une lettre ouverte à Son Excellence le Président de la République, ni d’un discours adressé au gouvernement, mais plutôt d’un cri fort et d’un appel patriotique à toutes les forces vives de la nation pour les mobiliser sur la terrible situation de la sécurité alimentaire dans notre pays.
Cette situation n'est plus tolérable et devient insupportable.
Alors, comment pouvons-nous accepter que nous même et notre peuple continuons depuis notre indépendance à vivre en totale dépendance pour notre nourriture quotidienne, sur ce que nous importons de l'étranger avec tant de difficultés et des ressources limitées, ou de l’avoir à travers la charité que les organisations caritatives internationales veulent bien nous donner comme si nous vivions dans un désert abrasif qui n'a ni eau ni pâturage et que seules des roches et des pierres y poussent et l’absence d’hommes et de main d’œuvre capables de travailler et de produire.
Nous vivons dans cette situation depuis des décennies sans l'affecter ou la fléchir, que ce soit de loin ou de près, malgré l'annonce à maintes reprises de l'importance de la sécurité alimentaire en la ciblant dans tous nos plans de développement.
Toute notre nourriture vient de l'étranger proche et lointain. Les oignons et les pommes de terre nous viennent de Hollande, ce petit pays européen dont la superficie ne dépasse pas deux régions de notre vaste pays.
Quant aux autres légumes, comme les tomates, les carottes et autres, ils nous proviennent des pays voisins dont les climats agricoles sont similaires au nôtre, mais eux ils sèment, cultivent et récoltent alors que nous ne cultivons point et par conséquent ne récoltons que du vent. Quant au riz, il nous vient des pays asiatiques lointains.
Le Brésil en Amérique latine nous fournit du sucre, tandis que le blé nous vient du Canada et de l'Australie, continents les plus lointains de nous ., sans parler des huiles comestibles, que nous importons de Malaisie, d'Inde et d'autres pays du Caucase. Même le lait est importé d'Allemagne, de France et d'autres pays européens.
Mon Dieu, comment cela s'est-il passé pendant plus de soixante ans d’Indépendance ? Comment pouvons-nous être patients en perdant notre souveraineté dans le domaine de la sécurité alimentaire et ne pas bouger le petit doigt, sauf pour quelques actions timides d'ici et là qui ne vont pas au-delà de jeter les cendres dans les yeux.
N'avons-nous pas des millions d'hectares de terres agricoles fertiles propices à la culture et à toutes sortes de produits agricoles, ou n'avons-nous pas un fleuve généreux dans laquelle des milliards de mètres cubes d'eau douce s'écoulent sous nos nez sans pouvoir les juste sentir pour se déverser dans l'océan Atlantique en un gaspillage flagrant de cette rare ressource précieuse ?
N'avons-nous pas d'hommes, de femmes et de jeunes capables de travailler dans l'agriculture et la production agricole ? Ou n'avons-nous pas plus de 30% du chômage dans notre pays ? Qu'attendons-nous pour retrousser nos manches et utiliser toutes ces capacités pour produire notre nourriture localement afin de pouvoir manger de ce que nous cultivons ?
N'apprenons nous pas de leçons des événements que nous vivons ? La pandémie du Covid-19 est la plus grande leçon pour nous dans ce domaine, car chaque pays a fermé ses frontières pour protéger sa production alimentaire au profit de ses propres population qui passent d’abord en priorité absolue, selon le proverbe hassanya de chez nous de la vache, qui dit : mon veau, mon veau ! Jusqu’à qu’elle dise : moi-même d’abord, moi-même d’abord ! - si nous n'avions pas , par chance , des stocks de de réserve importée de matières premières nécessité et si les pays exportateurs avaient arrêtés d’un coup leurs exportations, sur lesquelles nous dépendons a à peu près près 100% pour notre nourriture, n'aurions -nous pas été confrontés à une famine massive qui aurait décimé nos population faibles, vulnérables et nécessiteuses ?
Enfin, avec l’avènement de la dernière catastrophe qu’a représenté le mouvement hostile et non fraternel que nos frères du mouvement Polisario ont récemment causé en fermant et bloquant le l’unique canal terrestre d’approvisionnement alimentaire de notre pays , lorsqu'ils ont fermé le passage no mens land d’Elgargara, qui est le seul passage terrestre à travers lequel nous nous approvisionnons en fruits et légumes de notre voisin, le Royaume du Maroc,. , Et si cet embargo, dont les causes sont dues à des questions politiques complexes se poursuivait éternellement : D’où mangerons-nous ? d’où apporterons les légumes de notre Thiéboudiene ou de notre couscous !! Comment le prix du kilogramme de tomates peut-il atteindre MRO 3 500, alors qu'un kilogramme de viande est vendu à MRO 1 500 ? Mais, bien sûr, c’est ça notre réalité, et on a que ce qu’on mérite.
N'avons-nous pas honte en regardant nos voisins au Sénégal, avec qui nous partageons les rives du fleuve ? N'avons-nous pas honte de les regarder pendant qu'ils exploitent chaque hectare de leur rive et chaque litre d'eau de notre fleuve commun pour cultiver et produire leur nourriture et nous exporter leurs surplus comme si nous étions un peuple handicapé, fou, incapable de travailler ou de produire? Ne suffit-il pas à titre d'exemple, qu’ils produisent du sucre raffiné dans la ville de Richard Toll, adjacente à nos frontières, depuis les années 1960, alors que notre projet sucrier est toujours un éléphant blanc qui ne peut être vu ni goûté malgré les centaines de millions d'ouguiyas des contribuables qu’il a englouti. Comble de misère, nous ne pouvons même pas sucrer une tasse de thé avec du sucre que nous produisons malgré notre passion et notre dévoration des tonnes mètres cubes de thé sucré quotidiennement, dont la facture d'importation s'élève à des milliards d’ouguiyas par an.
J’ajoute ici un tweet récent extrêmement pertinent de notre doyen respecté , Isselmou ould Abdel Kader qui cadre bien dans ce contexte dans lequel il dit : « Pourquoi dans notre pays , personne ne s’est encore jamais demandé pourquoi, nous sommes tellement fiers de ne jamais avoir honte. Pitoyable Pays !!! »
Récemment, nous avons entendu un discours gouvernemental enthousiaste, ainsi que des plans économiques d’urgence pour faire avancer notre économie, en particulier dans les secteurs de la sécurité alimentaire dans les domaines de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche. C’est bien beau et appréciée si ces plans économiques seront mis en œuvre et avec succès. Mais malheureusement, nous n'avons pas vu les détails des stratégies de mise en œuvre de ces plans qui nous réconfortent quand à la réussite de leurs réalisations.
Comme nous l'avons dit plus haut, le but de ce document est en plus de lancer cet appel de cri d’alarme, haut, fort et urgent pour attirer l’attention de la nation sur l'importance d'assurer notre sécurité alimentaire. Mais en fait, il vaut mieux dire la sécurité de souveraine de notre pays car un pays qui ne produit pas ce qui nourrit son peuple est un pays qui n’a aucune forme de souveraineté à tous égards. . Le deuxième objectif de ce document est de contribuer à cristalliser une vision de la manière dont nous pouvons atteindre ce noble objectif pour parvenir à la sécurité alimentaire sur le terrain.
Alors, comment pouvons-nous envisager le développement d’une stratégie efficace et tangible pour atteindre notre sécurité alimentaire ? Il est étrange que la réponse à cette question soit à la fois si simple et facile si les âmes sont honnêtes et les intentions réelles. Les facteurs objectifs et structurels du développement agricole, comme nous l'avons mentionné précédemment, sont abondants dans notre pays, avec des millions d'hectares de terres arables fertiles, des milliards de mètres cube d'eau du fleuve ruisselant durant toute l'année, dont la plupart s'écoule en vain en perte et en gaspillage éhonté dans l'océan Atlantique, sans oublier la main-d'œuvre disponible de centaines de milliers de chômeurs . ils sont là les facteurs structurels pour un développement agricole durable. Il reste les facteurs subjectifs, on y viendra tout à l’heure.
Afin de vous donner une idée sur les coûts de cette dépendance aveugle de l'extérieur pour notre alimentation, il y a lieu de noter que le dernier rapport annuel de la Banque Centrale Mauritanienne pour l'année 2019, précise que les importations totales du pays s'élevaient à 106 milliards d'ouguiyas MRU dont le pourcentage des importations alimentaires représente 17%, ce qui équivaut à 18 Milliards MRU soit l’équivalent de ,plus d'un demi-milliard de dollars américains. C'est notre prix souverain pour la sécurité alimentaire.
Afin d'atteindre nos objectifs de sécurité alimentaire dans un avenir pas si lointain, il est impératif pour nous de développer un * Plan Marshall * pour le développement de notre secteur agricole. Nous suggérons que ce plan soit développé suivants les axes ci après :
1- Lancer une réforme globale de la politique foncière qui comprendrait un inventaire de toutes les terres arables inutilisées tout en préservant le droit de propriété traditionnelle exploitées, un inventaire des terres agricoles distribuées sans droit d'investissement justifié et leur remise en possession par l'État et l'émission de de titre fonciers à tous les propriétaires fonciers pour être utilisés comme garanties pour le financement agricole.
2- Mettre en place un plan de valorisation de toutes les terres selon l'inventaire susmentionné et les classer selon une carte des parcelles allouées aux grands investisseurs, des parcelles pour les petits investisseurs et des parcelles pour les jeunes chômeurs, dont une partie est allouée à la population autochtone.
3- Établir un système par lequel les terres récupérées sont distribuées suivant une carte culturale pour cultiver des légumes, du riz, des céréales et des fruits d'une manière qui réponde aux besoins de la demande du pays pour chaque type de ces produits.
4- L'introduction d'un système agricole sous cerfs pour assurer la continuité de la production agricole tout au long de l'année
5- Fournir des intrants agricoles, tels que des semences améliorées, des engrais et le matériel agricole
6- Connecter les zones agricoles aux réseaux routiers, électriques et d'eau pour garantir que les zones de production sont reliées aux marchés
7- Fourniture de machines agricoles pour toutes les étapes des campagnes agricoles, y compris les tracteurs, les moissonneuses-batteuses et autres mécanismes
nécessaires pour mener à bien les campagnes agricoles aux délais et dates appropriées.
8- Mettre en place un système de crédit agricole avancé qui répond à tous les besoins des agriculteurs grâce au financement agricole sous forme de prêts à court, moyen et long terme.
9- Création d'un fonds pour garantir les prêts agricoles que les agriculteurs obtiennent auprès des institutions de crédit agricole. L'absence de création de ce fonds a été l'une des raisons de l'échec de toutes les expériences précédentes de crédit agricole depuis la mise en place de la première expérience pour ce type de financement en 1990 au sein de la l’Union des banques de développement. J’en sais quelque chose , car j'étais personnellement le premier directeur du crédit agricole à cette époque.
10- Mettre en place des entrepôts de conservation et de stockage des produits agricoles pour maintenir le flux d'approvisionnement vers les marchés sur une base permanente, non liée à la production saisonnière des campagnes agricoles.
11- Mettre en place des usines de transformation des produits agricoles et de leur conditionnement pour assurer leur valeur ajoutée afin de maximiser leur valeur et éviter les pertes de quantités importantes de ces produits qui ne sont pas absorbées par la demande du marché, en plus de l’augmentation du nombres les usines de décorticage du riz et du blé proportionnellement à la capacité requise pour la production nationale.
12- Afin de maximiser l'indépendance de la richesse animale abondante de notre pays, nous devons travailler à la création d'usines qui produisent du lait et ses dérivés tels que le fromage, le beurre et les yaourts , car nous importons toujours plus de 90% de ce que nous consommerons de ces matières premières pour notre sécurité alimentaire. Nous n'oublions pas ici de construire des abattoirs modernes pour exporter la viande abondante de notre bétail et pour bénéficier de du traitement de peaux d’animaux abattus, de leurs cornes et de leurs sabots, tout cela peut créer des valeurs ajoutées pour nos produits d'élevage et un grand nombre d'opportunités d'emplois pour faire face au chômage endémique dans notre pays.
13- Quant au secteur de la pêche, qui est considéré comme l'un des piliers les plus importants de la sécurité alimentaire, au lieu de continuer à exporter nos poissons frais ou congelés, nous devons œuvrer à la mise en place d'usines de valorisation et de conditionnement de ces poissons pour nous assurer de bénéficier des valeurs ajoutées de cette transformation industrielle , créer des emplois et soutenir nos ressources en devises étrangères provenant de l'exportation de nos produits transformés.
Ce sont là, à mon avis, les caractéristiques les plus importantes de la stratégie qui nous mènera à la sécurité alimentaire et la souveraineté nationale dans e domaine , mais chacun a le droit de considérer ces propositions difficiles à mettre en œuvre en raison de leur diversité et de la difficulté de leurs mises en œuvre. Cette stratégie proposée coûte certainement chère et nécessite la mobilisation de ressources financières importantes qui peuvent ne pas être disponibles dans le pays. Ceci est vrai d'une part, mais d’autre part c’est très faisable si nous suivons une méthodologie pragmatique qui consiste à préparer un portefeuille d'études de faisabilité économique et financière pour tous ces projets, ce qui est possible et facile à réaliser, mais nous n'y avons tout simplement pas pensé auparavant à le faire.
Après avoir préparé ce portefeuille de pipeline de projets bien étudiés techniquement, économiquement et financièrement, et dans le cadre du «Projet Marshall» proposé ci-dessus pour atteindre les objectifs de notre sécurité alimentaire, il est proposé que l'État Mauritanien organise une table ronde pour les bailleurs de fonds et les partenaires au développement du pays pour leur présenter ce pipeline de portefeuille de projets étudiés afin que chacun d'eux s'engage à ce qu'il juge approprié pour ses interventions de financement et de développement. La situation internationale, et surtout après la pandémie de Coronavirus, est pleinement réceptive et préparée pour encourager le financement de ce genre de projets qui garantissent la réalisation de la sécurité alimentaire dans tous les pays du monde et particulièrement dans un pays en voie de développement comme le nôtre.
La plupart des partenaires au développement de la Mauritanie ne manqueront pas de nous accompagner dans notre plan Marshal qui financera cet ambitieux programme d'investissement basé sur des études de faisabilité techniques, économiques et financières convaincantes en raison de deux facteurs importants qui se croisent dans le fait que ce secteur est au cœur de leurs priorités de développement d'une part, et d'autre part, et d’autre part, la capacité d’endettement de notre pays se verra renforcée sans nulle doute avec le début de l'exploitation de nos richesses prometteuses en gaz et en pétrole dans les horizons de 2023. Par ailleurs ,ces nouvelles ressources prometteuses contribueront à renforcer et à pérenniser le financement de cette stratégie, qui nous garantira notre capacité de produire ce que nous mangeons.
Pour être pratique et complet dans notre proposition , les institutions multilatérales qui peuvent être convoquées à cette table ronde devraient avoir à leur tête la Banque Mondiale, la Banque africaine de développement, le Fonds international de développement agricole, la Banque islamique de développement, la Banque africaine pour l'importation et l'exportation, le Fonds arabe pour le développement économique et social, la Banque du Maghreb pour le commerce internationale, l’institution Arabe pour le financement agricole et la Banque européenne de développement.
Au niveau bilatéral, nous pouvons inviter , le Fonds saoudien pour le développement Economique , le Fonds koweïtien pour le développement, le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement, l'Agence française de développement, la Banque allemande de développement, la Fondation allemande pour les financements, ainsi que les institutions nationales de financement de la Chine, l'Inde et du Japon.
Il peut être plus approprié et préférable d'impliquer l'Organisation de l’Alimentation mondiale en tant que sponsor et organisateur conjointement avec l'État mauritanien représenté par les ministères de l'économie, de l'industrie et des moyens de production et le ministère du Développement rural.
Et si nous voulons diversifier les sources de financement et limiter l’endettement extérieurs pour financer notre stratégie pour la sécurité alimentaire, pourquoi ne pas diversifier les sources de son financement ? À la lumière des efforts dont le pays est actuellement témoin pour récupérer ce qui a été pillé par le gang qui nous a dirigés au cours de la dernière décennie désastreuse, pourquoi ne pas affecter toutes les ressources volées et détournées qui seront récupérées auprès de ce gangue au financement de programmes visant à assurer la sécurité alimentaire ? Il ne fait aucun doute que ces ressources seront dans les centaines de milliards d'ouguiyas.
Et parce que ce seront des ressources exceptionnelles qu'il n'étaient pas prévues dans nos prévisions de recettes, elles peuvent couvrir ou dépasser les ressources nécessaires pour financer les programmes de sécurité alimentaire susmentionné. Je n'en vois pas meilleur usage qui serait le plus approprié que de d’orienter et allouer ces nouvelles ressources providentielles pour atteindre nos objectifs de sécurité alimentaire au bénéfice de ce peuple pauvre et opprimé. Ce qui nous conduira à dire tout simplement seulement que nos biens nous ont été rendus à juste titre...
Et dites : travaillez, et Dieu verra votre travail et les croyants ...
Ebe Babah
Expert en Développement
ebeouldebe@hotmail.com