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Guerre du Sahara : La bataille de Boulanouar
Le Calame - Le 02 Décembre 1977, vingt-six jours après l’attaque de BirGendouz, le Front Polisario attaque la Base de Boulanouar.
La base militaire de Boulanouar, au moment de l’attaque, est composée de deux escadrons statiques et d’un escadron motorisé réduit soit un effectif de cent cinquante-six hommes.
La mission de la base militaire est d’assurer la sécurité du Chantier de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) installé par la MIFERMA sur un forage équipé en charge d’assurer le ravitaillement en eau de Nouadhibou, Zouerate et d’autres chantiers éparpillés sur les six cent cinquante kilomètres de la voie ferrée reliant Zouerate à Nouadhibou.
Le dispositif de défense de la base est articulé en trois positions statiques et deux pelotons motorisés. Les positions statiques, armées de mitrailleuses (Mit 50 et Mit 30)et de mortiers (81m/m et 60m/m) et bien aménagées avec des fortifications à base de rails et de traverses, sont installées sur trois élévations points –clés au nord-ouest, au sud-ouest et au sud-est de la localité, leur permettant de contrôler la quasi-totalité du terrain.
Les positions sont distantes d’un kilomètre de la localité chacune avec des secteurs de tirs qui se recoupent sans angles morts. Les deux pelotons motorisés sont pré-positionnés, respectivement à l’extrémité de la piste d’atterrissage au nord de la voie ferrée et à l’est de la localité.
Le Lieutenant Attih Ould Sid’Ahmed et le Sous-lieutenant Youssouf Ould Mamady, qui venaient de finir la passation de consignes et de commandement, attendaient sur la piste d’atterrissage l’avion qui devait amener ce dernier à Tmeimichatt, son nouveau poste d’affection. Vers dix heures, l’avion passe en battant des ailes comme pour signaler un danger.
Quelques minutes après, l’opérateur du Commandant de Base, le soldat de 2 Cl Dioulde Malick arrive en courant pour les informer que l’avion signale un ennemi en attaque venant du Nord et de l’est. Les deux officiers se rabattent aussitôt sur les positions, le Lieutenant Attih se rend sur la position nord-ouest et le S/lieutenant Youssouf sur la position sud-est.
Terrible méprise
Dans son attaque, l’ennemi a axé son effort, dans un premier temps sur les deux pelotons motorisés qu’il tenait à mettre hors de combat pour détruire le potentiel de mobilité de la base. Le peloton motorisé à l’extrémité de la piste est vite encerclé, toutes ses voies de retraites sont coupées et sera complètement anéanti en moins d’une trentaine de minutes.
Par contre, le deuxième peloton motorisé qui se trouvait à l’est de la localité a réussi à rompre le contact avec l’ennemi et s’est esquivé en direction de la base en passant entre la positon sud-est tenue par le s/lt Youssouf et la position sud-ouest tenu par le brigadier Mohamed Ould Bowbaly.
En l’absence de liaison radio, une terrible méprise fit croire aux deux positions qu’il s’agissait d’un élément ennemi forçant une pénétration du dispositif et elles le prirent à partie, lui interdisant l’accès de la base. Le peloton alors contourne par le sud et s’esquive en direction de Nouadhibou où il arrive vers onze heures.
L’ennemi met à profit le déséquilibre tactique créé par le vide laissé par les pelotons motorisés, qu’il exploite pour exercer sa pression sur les positions en particulier les positions nord-ouest et sud-est, la position sud-ouest étant un ilot imprenable du fait du glacis l’entourant sur plus de cinq cents mètres, sauf à un prix que l’ennemi ne semblait pas disposé à payer dans l’immédiat.
L’artillerie ennemie concentre ses feux sur les positions et les éléments d’assaut multiplient leurs attaques, mais les positions résistent grâce à leurs avantages tactiques, positions bien aménagées dominant le champ de bataille et un terrain mou peu favorables aux mouvements des véhicules, mais qui présente tout de même quelques récifs qui seront mis à profit par l’ennemi pour s’accrocher au terrain.
Devant la détermination des positions, l’ennemi numériquement supérieur joue la carte de l’usure. Pendant plus de deux heures, les positions alternent les tirs des mitrailleuses et des mortiers pour repousser les attaques ennemies et lui interdire l’accès de la localité.
Vers 12 heures, la position nord-ouest que tenait le commandant de base, le LtAttih, qui n’avait plus que six hommes sur la vingtaine qu’elle comptait, perd pied et, bénéficiant de l’appui des armes de la positon sud-ouest, se replie en direction de la position sud-est, tenue par le S/lt Youssouf.
La tactique de « la tâche d’huile » faisait son inexorable œuvre d’enveloppement. La position sud-ouest, malgré son combat farouche, succombe une demi-heure après la position nord-ouest. Le brigadier Mohamed ouldBowbaly sera fait prisonnier avec une dizaine de ses hommes.
Il ne restait plus que la « Citadelle » du sud-est, au milieu des forces ennemies qui l’entouraient sur les trois cent soixante degrés. Entre la soumission et l’anéantissement, les occupants de la position sud-est avaient fait le choix que dictait la dignité : jusqu’à la dernière goutte de sang.
A deux reprises l’ennemi pénètre dans la localité, à deux reprises il est refoulé. Malgré sa supériorité numérique et sa mobilité tout de même réduite par la nature du terrain, l’ennemi n’arrive pas à briser la résistance de l’imprenable « Citadelle ».
Une citadelle imprenable
Les combats font rage. La consommation des munitions est hallucinante. Les rejets de gaz et la poussière s’élèvent en nuages. Les hommes, ayant épuisé très tôt leurs réserves d’eau, suffoquent et se déshydratent. La soif devient insupportable. Il devient impératif de se procurer de l’eau. Les officiers demandent des volontaires pour franchir le déluge du feu ennemi vers la localité pour un ravitaillement en eau.
Le garde de deuxième échelon Bounena Ould Ely Zeine se porte volontaire. Le Brigadier Ahmedou Ould Ely Zeine, l’oncle maternel de Bounena refuse de laisser son neveu partir tout seul et se porte volontaire. Un deuxième combattant, le garde de deuxième échelon, Ahmed Ould M’bareck se porte également volontaire. Les trois hommes, les armes à la main, descendent vers la localité en utilisant le terrain, sous la protection des feux amis.
Une quarantaine de minutes plus tard, les trois hommes reviennent transportant des jerricans pleins d’eau. A une vingtaine de mètres de la position, Ahmed Ould M’bareck est touché. Bounena transportera l’un des jerricans de son camarade et continuera àle soutenir, jusqu’à la position où le garde de 2ème échelon Ahmed Ould M’bareck matricule 3030 rendra son dernier soupir, donnant un exemple sublime du sens élevé du sacrifice et de l’abnégation.
A cause du rythme infernal des combats, les munitions des positions commencent à s’épuiser, leur imposant une drastique économie de consommation. Les tirs amis se réduisent et deviennent de plus en plus sporadiques. L’ennemi, s’apercevant que sa stratégie d’usure commence à produire ses effets, investit la localité et s’avance vers la « Citadelle » qui continue son baroud d’honneur, la prenant en tenaille.
A treize heures vingt, un avion de type Jaguar survole le champ de bataille. Les belligérants étaient si proche les uns des autres et, la confusion était telle que le pilote, ne pouvant distinguer les amis des ennemis, s’abstint d’intervenir. Dès le passage de l’avion, l’ennemi lève le siège et se replie vers le nord, en direction d’Adrar Souttouf. Les hommes de la « Citadelle » ont tenu leur serment.
La colonne ennemie sera rattrapée, vers quinze heures trente minutes, par les jaguars français à Jeloua où ils lui infligeront d’énormes pertes.
De son côté, le bilan de la base militaire de Boulanouar est lourd: 30 morts, 16 blessés et 35 disparus.
Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou
Extrait de « La Guerre sans Histoire »