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13-09-2021

16:13

L’Authentification des Contrats en Mauritanie : Avantages, Défauts et Solutions

Mohamed Sidi Abderrahmane BRAHIM - L’ère de l’information a amplifié les échanges et a rendu habituel, la vente de produits et services, à des acheteurs, sans contact physique avec le vendeur. Malgré les avantages de la rapidité elle a l’inconvénient d’écarter les assurances..

L’accélération de la conclusion des ventes, empêche souvent l’acheteur de l’occasion d’examiner, au préalable, l’objet vendu. Un vendeur a exposé, en ligne, des téléphones portables. Après avoir vendu certains aux enchères, l’un de ses clients a été stupéfait, de découvrir que l’iPhone, qui lui a été livré, n’était qu’une imitation en plastique, sans tonalité.

Lorsque l’affaire a été portée en justice, le vendeur s’est défendu en prouvant qu’il a bien mentionné, dans son annonce, que le produit exposé, objet de la vente, était un téléphone factice (imitation destinée aux expositions) et qu’il n’était pas responsable de l’inattention de l’acheteur ou de son niveau en vocabulaire. Les faits ont suscité un débat.

Certains juristes soutiennent qu’il ne faut pas encourager l’insouciance. Le tribunal correctionnel de Metz (ville de France) a conclu dans un jugement, qu’il a rendu depuis 1982, que: «le droit ne doit pas se soucier de protéger les imbéciles».

Pour la précision des engagements, les parties doivent accorder une importance particulière à la forme et au contenu de leurs ententes. Elles ont intérêt à être précises. Leur attention doit être à son niveau maximum, au moment de la formulation des clauses des contrats. L’idéal pour éviter toute ambigüité, qui peut semer la confusion, est la passation de contrats clairs et en bonne et due forme.

Les contrats authentifiés constituent la garantie suprême du respect des engagements. Considérant que l’opération d’authentification des contrats est régie par la loi, il est de la responsabilité des autorités, en charge de fixer les conditions des MOUAMALAT et du climat des affaires, de veiller au strict respect des règles.

Les contrats courants se divisent, en contrats sous seing privés (signés par les parties, seules ou en présence d’assistants ou témoins) et contrats authentiques conclus devant les notaires: «officiers publics institués pour recevoir les actes auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique pour en assurer la date, en conserver le dépôt et en délivrer les grosses, expéditions et extraits ». (Alinéa 1 de l’Article premier de la loi n° 97-019 du 16 juillet 1997 portant Statut des Notaires).

L’authentification d’un contrat présente des avantages certains (I) cependant la pratique engendre des défauts dans l’opération d’authentification (II) en vue de combler les insuffisances, je préconise ici quelques solutions (III).

I. Les Avantages d’authentification

L’authentification des contrats constitue une assurance et présente plusieurs avantages: le contrat, étant la loi des parties, est identifié par l’authentification (1), il est conservé en lieu sûre (2) et l’acte notarié fait pleine foi et vaut titre exécutoire (3).

1. Le Code Mauritanien des Obligations et des Contrats (Ordonnance n°89-126 du 14 Septembre 1989) dispose, au 1er Alinéa de son Article 247: «Les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la loi.».

En vertu de l’Alinéa ci-dessus les clauses contractuelles s’appliquent entre les parties, avant les dispositions de la loi, à condition que ses clauses ne soient contraires aux règles impératives, auxquelles les parties ne peuvent valablement déroger.

L’authentification du contrat, permet son identification: le notaire lui attribue un numéro et fixe sa date, par analogie avec les lois: tandis que la date d’une loi est celle de sa promulgation, le contrat, qui est la loi des parties, porte la date de sa conclusion devant le notaire. L’authentification accorde au contrat une (confiance ajoutée) qui l’éloigne du doute.

2. L’authentification permet la conservation de l’acte et en cas de perte, la partie intéressée peut récupérer copie en s’adressant à l’étude du notaire dépositaire.

3. Les contrats notariés font pleine foi tant qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une action pour faux. La loi les cite dans les actes exécutoires, au même rang que les décisions judiciaires rendues en dernier ressort.

L’article 56 de la loi portant statut des notaires dispose : «Tous les actes notariés font pleine foi en justice de la convention qu’ils renferment entre les parties contractantes et leurs héritiers. Ils sont exécutoires sur toute l’étendue du territoire national.

Néanmoins, en cas de plainte pour faux l’exécution de l’acte argué de faux est suspendue par l’ordonnance de renvoi ou la citation devant la juridiction correctionnelle. En cas d’inscription de faux faite incidemment, les tribunaux font application des dispositions du code de procédure civile.».

Le dernier Alinéa de l’Article 298 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative (Loi 99-035, du 24 juillet 1999) dispose:

«Sont exécutoires après enregistrement et apposition de la formule exécutoire:

1. Les jugements assortis de l’exécution provisoire,

2. Les jugements non susceptibles de voies de recours ordinaires,

3. Les actes notariés, les procès verbaux de conciliation et autres titres exécutoires. ».

Les juges compétents, en ordonnant l’exécution forcée des contrats notariés, épargnent la partie diligente de procédures contentieuses longues, couteuses et complexes. Pour que sa valeur juridique soit complète, l’acte notarié doit être en bonne et due forme et sans équivoque.

Parmi les formes essentielles, les actes authentiques en Mauritanie doivent être rédigés en langue Arabe qui est la langue officielle du pays, conformément à l’article 6 de la Constitution de la République.

2. Les notaires sont tenus, de par la loi, d’expliquer et de veiller sur la traduction des obligations aux parties qui ne connaissent pas l’Arabe: L’Alinéa 1 de l’Article 45 de la loi portant Statut des notaires dispose: «Toutes les fois qu’une personne ne parlant pas la langue officielle dans laquelle l’acte est dressé y est partie ou témoins, le notaire doit être assisté d’un interprète assermenté qui explique l’acte rédigé, traduit littéralement et signe comme témoin additionnel. Les signatures qui seraient écrites en caractère étrangers sont transcrites et la transcription en est certifiée et signé au pied de l’acte par l’interprète».

Il est entendu de cet alinéa, que les notaires, en leur qualité d’officiers publics, ne doivent pas signer des actes dressés en langues étrangères et qu’ils doivent veiller sur la traduction des clauses contractuelles aux parties qui ne connaissent pas la langue officielle.

Nous constatons, en fait, des insuffisances dans l’opération d’authentification, que nous détaillons dans le paragraphe suivant.

II. Les défauts d’authentification

L’authentification des contrats est souvent entachée d’irrégularités:

1. Les notaires ne se conforment pas toujours, dans la rédaction de leurs actes, à la langue officielle: la majorité des STATUTS, portant création des sociétés mauritaniennes, sont des actes copiés de types étrangers, rédigés initialement en Français.

Ces actes irréguliers, du point de vue forme, sont produits ou déposés dans les études des notaires, qui s’occupent souvent de leur enregistrement au service compétent du Ministère des Finances.

2. Parfois le notaire ne prend pas la peine de lire, à plus forte raison traduire, les clauses des STATUTS aux signataires. Une telle omission constitue une violation de l’Alinéa 1 de l’Article 45 de la loi portant statut des notaires. Pire, certains notaires ne saisissent même pas le contenu des actes qu’ils signent, à cause de la méconnaissance de la langue française.

L’inobservation des dispositions de l’Article 45 de la loi portant statut des notaires entraine la nullité de l’acte. Même si l’acte est signé par toutes les parties, il perd son caractère authentique et se transforme en acte sous seing privé: L’Article 60 de la loi portant statut des notaires dispose: « Tout acte fait en contravention des articles 5, 36 à 39, 41, 44 à 45 de la présente loi est nul, s’il n’est pas revêtu de la signature de toutes les parties, cependant il vaudra comme écrit sous seing privé lorsque l’acte sera revêtu de la signature de toutes les parties contractantes.».

3. Les STATUTS, qui sont souvent en version Française, font l’objet d’un dépôt aux greffes des tribunaux de commerce, pour l’obtention du registre de commerce, qui attribue à la société la personnalité morale.

Le dépôt de ces STATUTS irréguliers (qui ne sont pas rédigés en langue officielle) est pratiquement admis par les juges des tribunaux de commerce, chargés du contrôle des registres locaux de commerce.

Quant au Registre Central de Commerce, qui est rattaché au Ministère du commerce et de l’industrie, il y a lieu de remarquer qu’il n’est pas en place. Son défaut a été cité dans un rapport du Groupe de la Banque Mondiale, paru en novembre 2018.

En dehors des aspects purement juridiques, il est constant que la majorité des mauritaniens, ne maitrisent pas la langue française, et étant donné qu’ils ne sont pas censé ignorer les clauses, qu’ils ont l’habitude de signer, à l’occasion de toute création de société. Il y a lieu d’utiliser l’outil linguistique le plus adapté.

La violation des conditions d’authentification n’est pas uniquement imputable aux notaires, elle concerne également les magistrats du Ministère Public près les Cours d’appels, qui ont en charge la tutelle sur le notariat et ont habileté, même à défaut de plainte, de traduire le notaire devant le conseil de discipline et les juges des tribunaux de commerce qui ont, en vertu de l’article 30 du Code de Commerce, la charge de surveiller la tenue et l’inscription aux Registres de commerce.

Considérant le dicton populaire «celui qui critique doit proposer la substitution», je conclus par l’exposé des solutions.

III. Solutions

Je propose, en premier lieu, une solution provisoire (1) avant de livrer une conception de la solution définitive (2).

1. En vue de surmonter l’insuffisance légale des actes authentiques, détaillé ci-dessus, j’ai pris l’initiative de rédiger des types de Statuts pour les sociétés dominantes, conformes, dans la forme et le contenu, à la loi mauritanienne et adaptés aux exigences actuelles des affaires.

Je publie cet article après avoir achevé la rédaction et le traitement de texte des Statuts Types Bilingues pour les Sociétés Anonymes et les Sociétés à Responsabilité Limitée. Les modèles que je propose sont rédigés, aussi bien, en langues Arabe qu’en langue Française: L’Arabe étant la langue officielle, en vertu de l’article 6 de la Constitution de la République Islamique de Mauritanie et le Français qui est la langue dominante dans les affaires.

Pareillement au rangement de cet article, les clauses des deux versions sont agencées en deux colonnes parallèles, de manière à ce que les clauses similaires se trouvent face à face dans la même page.

La formule proposée présente un double avantage: l’aile arabe préserve le caractère légal (officiel), rend le Statut recevable par les autorités et facilite sa compréhension par la majorité des citoyens du pays; Tandis que le coté français permet aux intéressés, le travail en harmonie, comme à l’accoutumée, avec le secteur privé.

Le Statut Type Analogue, proposé pour les Sociétés Anonymes, se compose d’environ quarante articles, imprimables de manière lisible sur quinze pages du format usuel. Alors que le projet de Statut adapté aux Sociétés à Responsabilité Limitée, se limite à trente articles, à peu près, imprimables sur moins de dix pages. Il y a lieu de signaler ici que les Statuts portant création des sociétés sont compressibles et extensibles, suivant les pétitions des parties.

Bien que, les formules proposées requièrent, comme toute œuvre humaine débutante, d’êtres améliorées. Le lecteur éclairé ne manquera pas de découvrir que les STATUTS ne sont pas le fruit d’une simple traduction d’actes courants. Il s’agit plutôt d’un travail de synthèse qui n’a, certes, pas exclut la production et la traduction des formules usuelles et a inclut les citations et formulations des dispositions réglementaires en vigueur.

L’élaboration des dits statuts a nécessité, après la conception de l’idée, un travail rédactionnel et une action typographique dont la coordination et la justification ont nécessité des efforts techniques non négligeables. Ces efforts s’ajoutent à l’originalité du produit et conduisent à la conclusion qu’il inclut les éléments nécessaires pour le qualifier de produit intellectuel, qui confère légalement à son auteur les droits matériels et moraux garantis par la loi.

L’Article 3 de la loi n° 2012-038, du 17 juillet 2012, relative à la propriété littéraire et artistique dispose:

«Toute création d’œuvre littéraire ou artistique qui revêt un caractère original confère à son auteur les droits prévus par la présente loi.

La protection est accordée, quelque soit le genre, la forme et le mode d’expression, le mérite ou la destination de l’œuvre que celle-ci soit fixée ou non sur un support permettant sa communication au public».

L’Article 5 de la même loi ajoute:

«Sont protégées également en tant qu’œuvres: – les traductions, les adaptations, les arrangements de musique, les révisions rédactionnelles et autres transformations originales d’œuvres littéraires ou artistiques.. ».

2. Pour l’amélioration du climat des affaires, je recommande aux départements compétents de la République Islamique de Mauritanie de travailler pour:

a. Mettre en place un Code de Notariat fixant les procédures et organisant, entre autres, le dépôt: de manière à distinguer entre le dépôt notarié, qui suppose la présence des parties devant le notaire et le rappel contradictoire de leurs obligations contenues dans le titre objet de dépôt et le dépôt simple, qui peut être effectué par l’une des parties et même par une personne tierce, qui prouve la date du document et ne lui confère aucunement l’attribut de titre exécutoire.

b. Proposer aux opérateurs économiques des Statuts types pour les sociétés commerciales. Je suggère une formule trilingue dont chaque page est divisée en trois (3) colonnes: dans la colonne centrale les clauses en arabe, qui est la langue officielle du pays et autour deux colonnes, dont l’une comprend les clauses en anglais, qui est la langue universelle du business et l’autre comprend le français qui demeure la langue des affaires utilisée dans la sous région.

Par Maître Mohamed Sidi Abderrahmane BRAHIM

mohsiab66@gmail.com

WhattsApp : (+222) 46.41.97.87



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