Cridem

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24-11-2021

11:12

Etude de Cas : « N’Gawlé ». Cas de conflit ou Cas d’Ecole ?

Chighali Mohamed - Septembre 2020, la colère des paysans de Dar El Barka et de Ould Birome tacle une procédure de mise en valeur de 3.200 hectares au profit d’une multinationale.

Février 2021, les riverains de la plaine de « Koylal » rebaptisée « Ibn Khaldoun » provoquent des turbulences qui entrainent les protestations « musclées » des populations de Ferala, Dawalel, MBagne, Bahé, et Bagodine.

Novembre 2021, des terres de Ngawlé, rétrocédées à un exploitant soulèvent à la fois, la poussière des niveleuses mais aussi la voix des riverains de ces terres.

Attributions des terres compétence des villages ou de l’administration ?

« Expropriation des terres de la Vallée ». Ce slogan « revendicatif » commence sérieusement à taper sur « les nerfs » des autorités administratives qui apparemment ont du mal à trouver où donner de la tête.

« Ngawlé ». Le sujet est d’actualité et dominant. Il vole la vedette à tous les évènements politiques de ce mois de novembre « maudit » pour certains depuis 91.

Il a fallu simplement dimanche dernier une mise en scène bien orchestrée, pour braquer les projecteurs sur des soi-disant évènements qui ne sont en réalité « produits » que pour une exportation destinée à la consommation extérieure.

Ce qui a peut-être fait écrire par Ciré Ba sur sa page Facebook : « terrible image que celle de plusieurs policiers casqués, bardés de gilets pare-balles qui défendent un périmètre face à des femmes et des hommes mains nues.

C’est la légitimation par la violence de l’« accaparement » des terres de Ngawlé. Ils veulent sceller le dernier maillon de la chaine de l’effacement de la composante noire du sud du pays. »

Sans donc préciser qui sont ces « ils », Ciré Ba fait à l’arme lourde la description d’une situation à coloration raciale.

Dar El Barka, Ould Bireme, Koylal des cas certes isolés, qui se suivent et se ressemblent mais qui ont la particularité commune d’être géographiquement localisés dans une zone du sud de la Mauritanie qui se caractérise par des protestations « agitées » d’une population qui considère sa proximité avec les terres de la vallée une force de loi coutumière qui domine le pouvoir administratif de l’autorité et qui donc, abroge et remplace certains textes régissant la loi foncière.

Les habitants de la Vallée estiment leurs revendications légitimes et justifiées. Ils mènent donc un combat pour faire face à la répétition des cessions et des attributions des terres à des exploitants tiers qui ne sont pas de la vallée.

C’est-à-dire qui ne sont pas des riverains de ces terres, terres devenues des « armes de revendications » pour des activistes et des leaders politiques qui mettent dos à dos et face-à-face les paysans et les pouvoirs publics.

Conflits d’intérêts ou confits politiques ?

Même si le fond du problème puise ses racines dans des conflits d’intérêts, sa surface puise elle ses racines dans une forme de « désobéissance civile » qui se caractérise par le refus de certains habitants de la Vallée (mais heureusement pas tous), de prendre acte des décisions de l’administration territoriale en essayant d’imposer leur propre loi et leur propre autorité dont l’objectif final est de faire croire aux yeux du monde et avec le soutien des organisations internationales, que les noirs chassés du pouvoir sont maintenant chassés de leurs terres.

Nous sommes donc dans une dynamique par laquelle des activistes « opposants à tous régimes » depuis 1987, cherchent à faire croire que le pays, la Mauritanie, est un pays d’apartheid. Un refrain composé par un leader politique et pas des moindres, Biram Dah Abeid un homme qui a battu sa popularité sur un discours de haine prônant la violence raciale, la révolte et la désobéissance civile.

Tout au long de la campagne des élections présidentielles de 2019, le leader charismatique des générations nées sous un climat séparatiste, a joué au polygame en épousant le discours de l’extrémisme négro-mauritanien et celui de la division des maures en deux entités distinctes arabe et harratine.

La bande « poularo-poularène » de Koylal, les localités de Feralla, Dawalel, MBagne, Bahé, Bagodine, Dar El Barka, Ould Birème et Ngawlé font récolter au pays cette invitation au soulèvement du leader de l’IRA, Biram Dah Abeid qui durant toutes ses manœuvres de diversions, soufflait le chaud en direction des maures et le froid en direction des négros-mauritaniens qu’il utilisait pour renforcer ses effectifs pour ses campagnes de dénigrement de la Mauritanie à l’étranger.

Ngawlé, FerAllah, Mbagne, triangle des Bermudes ?

Ce qui se passe aujourd’hui, et, le plus souvent dans une poche de mouchoir des zones de la vallée qui se situent entre la petite localité de Gani (limite ethnique des populations Wolofs) et la frontière Est du département de Maghama (limite ethnique des populations halpoulars), est aussi la résultante de manouvres de diversions contreproductives que certains leaders politiques prônent pour s‘auto-doter d’assises politiques dans cette zone qui se relève difficilement des conséquences des événements de 87 et ceux de 91 dont ils sont à parfois acteurs ou victimes.

En 2014, devant les populations de Maghama, le prestidigitateur de « l’anti-cohésion nationale » Biram Dah Ould Abeid, (natif de Jidr El Mohguen, arrière-cour de Dagana Sénégal), avait dit dans l’un de ses discours lance-flammes, qu’il s’oppose catégoriquement à la politique de « l’expropriation des propriétaires terriens de la Vallée » au profit d’hommes d‘affaires et des multinationales. Ce qui représente évidemment de sa part un déni de l’autorité de l’administration territoriale dans la gestion de ce patrimoine foncier.

Et, comme un malheur ne vient pas tout seul, le 26 février 2021, sept ans plus tard, la Banque Mondiale s’est lancée à son tour dans la bataille en « exprimant ses préoccupations au sujet des questions foncières soulevées par les manifestants et les implications liées aux travaux de réhabilitation de 25 hectares au profit de la coopérative du village de FerAllah, dans le cadre d’appui l’initiative pour l’irrigation au Sahel ».

L’ingérence de la Banque Mondiale dans un conflit qui n’est pas un, a servi évidemment quelque part de soutien international aux populations dans leurs revendications que rien ne justifie normalement dès lors que le projet entrait dans le cadre d’une initiative sahélienne dont les retombées économiques, financières et d’emploi profiteront avant tout aux populations de la vallée.

L’intérêt très particulier que la Banque Mondiale a attaché par regard à la loupe des aspects du problème pour répondre à la demande d’activistes politiques de l’opposition « pro-sécessionnistes » hébergés en Europe et aux Etats-Unis, a ouvert une brèche large pour des revendications qui ne reposent parfois sur aucune logique, dès lors que ces revendications taclent des projets qui visent à l’autosuffisance alimentaire.

Après FerAllah, Dar El Braka et N’Gawlé, à quel village reviendra le tour dans cette zone de turbulence qui sert de « jardin d’essai » à des opposants politiques qui ne cherchent par leurs agissements qu’à envoyer des populations devant les gradeurs et les niveleuses au lieu de leur suggérer de s’inviter sous l’arbre à palabre avec les autorités pour une entente consensuelle ? Il est évident que le problème du foncier a encore devant lui de nombreux jours.

Il faut aussi le dire pour être équilibré dans ses analyses, qu’il ne date pas d’aujourd’hui. En avril 1960, déjà un conflit avait opposé à M’Bout les Chorfas à des exploitants qui s’autoproclamaient propriétaires légitimes des terres qu’ils exploitaient depuis les années 50.

En janvier 2020, notre confrère Cherif Kane de Kassataya expliquait sur le plateau en ligne de CRIDEM qu’ « en lançant les travaux d’aménagement des périmètres rizicoles dans la zone de Jidr El Mohguen, le président Ghazouani cherche à rompre avec une politique agricole partiale qui se heurtait à des conflits fonciers depuis que la mise en valeur des terres agricoles du sud du pays est confiée à des investisseurs peu soucieux des intérêts des exploitants, c’est-à-dire les ayants droits coutumiers ».

Une vision claire de la question par un journaliste qui jette le regard sur les conflits d’intérêts qui opposent exploitants (multinationales ou privés) aux riverains des zones agricoles humides de la Vallée. Véritable talon d’Achille d’une politique d’exploitation de vastes espaces agricoles qui piétinent sur les terres des autochtones, leurs propriétaires quelque fois depuis la moitié du 19 ème siècle.

Problème « casse-tête poular » pour le régime en place et ceux qui l’on précédé qui ont apparemment du mal à donner aux actes de cessions et d’attributions des terres de la Vallée qu’ils délivrent une autorisation d’aménagement dans des conditions de sécurité requises.

Finalement « Ngawlé », sera-t-il un nouveau cas de conflit, ou finira t‘il comme Cas d’Ecole ? La question se pose. Elle se pose d’autant plus que les pouvoirs publics n’ont pas les moyens de mobiliser au cas par cas une police de maintien d’ordre pour assurer la sécurité des exploitants tout au long du processus depuis le terrassement jusqu’à la récolte.

Ce qui est certain c’est que, le volume des voix de revendications et des protestations a considérablement augmenté. Certains pensent que les riverains des zones à exploiter sont surtout encouragés à élever la voix par le préalable créé par l’ingérence de la Banque Mondiale qui a penché pour les revendications des « crieurs des pavés de Paris » plutôt que pour les justifications des autorités mauritaniennes en charge du secteur productif.

La Mauritanie est le seul pays au monde qui se retrouve à chaque fois entre le marteau et l’enclume des organisations internationales considérées neutres et qui sont censées soutenir des projets fiables et à rendements avérés.

Mais apparemment ces organisations préfèrent jouer à des jeux qui attisent des feux dans certaines zones et dans certaines situations à risques élevés. A mon avis, la diplomatie mauritanienne doit demander à ces organisations de revoir les copies de leurs lettres d’accréditations. Trop c’est …..

Mohamed Chighali
Journaliste indépendant.









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