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20-12-2022

13:51

Réforme du système éducatif : A quand la Mauritanie de la raison ?

Établie par l’administration coloniale, le premier système d’enseignement public en Mauritanie, qui a vu le jour à la fin du XIX siècle et au début du XX ème siècle, s’est heurté aux réticences des populations qui voyaient d’un mauvais œil la venue de l’école occidentale en terres d’islam.

La naissance au forceps de l’école dite moderne en Mauritanie a connu des points d’achoppements tant au niveau du contenu historico-culturel à transmettre qu’au niveau de la langue de formation.

A la fin de la colonisation, les politiques éducatives étaient plutôt conçues autour de l’affirmation, la construction et le renforcement d’un État-nation musulman et arabo-africain naissant.

Cependant 60 ans après l’indépendance, force est de constater que la question primordiale de l’éducation qui devrait être inculquée aux jeunes mauritaniennes et mauritaniens, pour en faire des citoyens modèles et qualifiés, n’a toujours pas été structurellement réglée. Pour cause, le modèle éducatif qui doit émaner d’une vision politique claire, a été parasitée par une forte dose d’idéologie.

Confirmant ainsi cette vieille assertion D’Emmanuel Kant selon laquelle « l’art de gouverner les hommes et celui de les éduquer sont les deux découvertes humaines les plus difficiles pour l’humanité ».

L’éducation étant le pilier de toute les sociétés aspirant à un devenir meilleur, son contenu doit faire l’objet d’une composition et d’une malléabilité habile. Une sorte de potion magique résultant d’un mélange de valeurs culturelles, spirituelles, intellectuelles et sociétales, qui, administrées aux jeunes mauritaniennes et mauritaniens en fera des esprits fertiles à même de répondre le mieux aux défis qui se posent à la société et le monde. Toutefois, cette manœuvre suppose un diagnostic sans complaisance avec une démarche allant du bas vers le haut, du réel vers la conceptualisation et des problèmes vers les solutions.

Les systèmes éducatifs successifs adoptés par les autorités mauritaniennes n’ont jamais réussi à cristalliser les attentes du pays dans sa diversité à travers un programme commun d’inclusion.

Les courants idéologiques de tous bords privilégient plus souvent leurs aspirations personnelles et leurs intérêts communautaires, ou identitaires, parfois dans un but hégémonique, au détriment d’une vision nationale qui tirerait toute la Mauritanie vers le haut.

L’Etat, chef d’orchestre par excellence, qui devrait être guidé par le bien-être commun et débarrassé de toute considération partisane, n’a pas pour l’instant, joué pleinement son rôle.

La Mauritanie de la Raison…

Au lendemain de l’indépendance, il était judicieux d’adapter le programme éducatif aux réalités et aspirations du pays.

Lorsque la Mauritanie devient indépendante en 1960, l'arabe (littéraire) est langue nationale, mais le français est la seule langue officielle du nouvel Etat. Puis l’arabe a été ajouté au français en tant que langues officielles.

Avec la réforme éducative de 1966 et le renforcement du coefficient de l’Arabe dans le système éducatif, qui a donné naissance au bilinguisme séparatiste, nous avons assisté à la formation de deux mondes parallèles que tout sépare, avec chacun son programme éducatif. Ce système a abouti à la division du pays en deux, les arabophones et les francophones.

A partir de 1991, l’arabisation progressive et à marche forcée s’est mise en route avec comme conséquences notables, une baisse tragique et continue du niveau des élèves et la floraison des écoles privées aux programmes étrangers accueillant la masse de petits mauritaniens fuyant le système scolaire national bancal.

Il est plus que temps de remettre la mosquée au cœur du village. En effet, la Mauritanie gagnerait à ce qu’elle soit au centre des préoccupations nationales et non telle ou telle autre communauté.

Sur la question des langues d’enseignement, de communication et de travail, il nous suffit d’un peu de réflexion et d’analyse sans complaisance pour trouver la solution, à moins d’avoir des considérations non avouées.

La Mauritanie est majoritairement hassanophone. Il est, de ce fait, normal et souhaitable de capitaliser sur cet acquis pour faciliter la communication avec une grande partie de la population. Notons que beaucoup de pays africains caractérisés par une fragmentation plus importante de leurs populations n’ont pas cette chance. A contrario, des pays voisins comme le Mali et le Sénégal voient la quasi-totalité de leurs populations s’agréger autour d’une même langue.

La Mauritanie, pour des raisons démographiques, culturelles et pratiques, se doit d’ériger l’arabe au rang de langue officielle (ce que personne d’ailleurs ne récuse) donc langue d’enseignement et de communication.

Il reste que l’arabe n’est pas pratiquée par tous les mauritaniens et que tous les mauritaniens ne sont pas arabes. Pour des raisons d’unité et de cohésion nationales, mais également pour que la greffe puisse prendre, il est indispensable que des ponts linguistiques soient créés avec les autres communautés nationales. Pour ce faire, serait-il réaliste et même souhaitable que toutes les langues nationales soient officialisées et enseignées comme le proposent certains ? Est-ce le meilleur moyen de créer une nation et un avenir en commun que de permettre à chaque communauté de rester enfermé dans sa langue et sa culture ? Un tel système peut-il être objectivement et rationnellement justifié y égard aux véritables défis que sont ceux du pays ?

Les réponses à ces questions nous semblent, à priori, s’énoncer négativement, mais même à supposer que nous ayons tout faux, ce qui est possible, la mise en place d’un tel dispositif nécessite une grande préparation dans la formation du personnel, l’élaboration des programmes et l’installation des infrastructures.

En attendant, la formule qui siérait tant à la Mauritanie, de notre point de vue, serait un système commun à deux langues officielles et d’enseignements que seraient l’arabe et le français avec obligation à tous les mauritaniens de les maitriser toutes à la sortie de la scolarité.

Le choix du français ne s’explique pas par l’amour irraisonné que nous aurions pour la langue de Molière mais parce qu’elle est déjà inscrite dans notre histoire et installée dans notre quotidien. La langue française, au-delà du fait qu’elle nous ouvre au monde permettraient au pays et aux citoyens francophones de garder leurs acquis sur l’histoire (politique, administrative…) de la Mauritanie qui s’est faite en grande partie en français.

Notre conviction, qui sans aucun doute est celle de la majorité des mauritaniens, est que notre pays doit marcher sur un programme commun unique qui nous rassemble tous autour de l’essentiel, c’est-à-dire un avenir radieux. A coup sûr, cela ne s’obtiendra pas lorsque les intérêts communautaires prennent le dessus sur le destin commun national, mais lorsque chacun fait des concessions pour l’intérêt suprême général qui, in fine, nous protège tous.

Un tel système doit toutefois favoriser, en parallèle, un climat propice au développement des langues nationales par une liberté de presse notamment audiovisuelle et une expression culturelle de la diversité.

Cercle Citoyen Mauritanien





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