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Lettre du Lieutenant-colonel Ahmed Salem Ould Sidi à son frère Baba : un modèle de courage et de sang froid
Le Calame - Un autre aspect des qualités de bravoure et de sang-froid dont jouissait le Lieutenant-colonel Ahmed Salem Ould Sidi, qu’Allah lui accorde sa miséricorde, vient d’être révélé, 42 ans après sa mort, dans une lettre adressée à son frère l'ancien ministre Baba Ould Sidi.
Au moment où on s’attend à une mort inévitable au bout de quelques heures, rares sont les hommes capables de faire preuve d’autant de courage pour pouvoir écrire deux lettres de suite sans la moindre hésitation.
Il faisait nuit et les meneurs de la tentative de coup d'État du 16 mars 1981ont appris que la demande de grâce présentée par un groupe d'avocats avait été rejetée par le président Ould Haidalla, que l'exécution de la peine de mort était devenue certaine et qu'elle aurait lieu à l'aube de la même nuit (26 mars).
Le Lieutenant-colonel Ahmed Salem appela le jeune militaire, Weddad Ould Soueidatt Ould Weddad (décédé, paix à son âme, en 1998). Le lieutenant-colonel était un ami proche de son père, Soueidatt : le brave officier mort les armes à la main lors de la guerre du Sahara. Il lui demanda de lui apporter une feuille de papier et un stylo.
Le Lieutenant-colonel divisa la feuille en deux parties. Il écrit dans l'une la lettre adressée à sa femme, Mane Mint Hbib. Cette dernière avait été divulguée il y a quelques années par la presse nationale. Puis il écrivit, dans l'autre partie, une lettre à son frère Baba (alors fraichement diplômé des universités européennes).
Le militaire plia les deux lettres et les cacha dans la poche de son uniforme. Cependant, ses supérieurs se sont méfiés de ses échanges avec le Lieutenant-colonel, le soumettant alors à un interrogatoire, sans parvenir à lui faire avouer quoi que ce soit.
Weddad Ould Soueidat fut arrêté le lendemain, après l'exécution de la peine, pendant 45 jours, gardant toutefois et toujours sur lui les deux lettres quelque part, comme une responsabilité qui méritait tout le sacrifice : le martyr représentait pour lui un oncle du fait qu'il était comme un frère pour son père.
Une fois le militaire libéré, Ould Soueidatt, le noble et l'honnête, a contacté, nuitamment masqué et déguisé, la veuve d’Ahmed Salem et lui remit sa lettre, appelant également et séparément son frère Baba, à qui il transmettra la lettre écrite par feu son frère, laquelle est restée confidentielle jusqu'à ce qu'un membre de sa famille la trouve par hasard il y a quelques jours, alors qu’il fouillait des documents rangés dans une armoire.
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Le texte de la lettre
Mon cher Baba,
Je viens d'apprendre le refus du recours en grâce.
Je quitte donc ce monde sans pouvoir vous revoir.
Je te confie mes enfants : si tu n'as pas de projet déjà arrêté, je te demanderaisde prendre leur mère comme épouse. Elle est courageuse, droite, honnête. Et aussi tu serviras de père à tes neveux. Eduque les. Ils en ont besoin. Je les ai gâtés.
Salut aux sœurs et autres frères et Adieu.
Ton Ahmed Salem.
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Remarque : feu le Lieutenant-colonel Ahmed Salem a écrit le mot "au revoir" à la fin de son bref message. Il semble qu'il se soit souvenu que ce n'était pas le mot approprié pour quelqu'un qui partirait pour toujours. Et sans aucune confusion ou hâte requise par la situation, il barra le mot "au revoir" (comme on le voit clairement dans la lettre), écrivant à sa place le mot plus approprié "Adieu".