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Rapport de mission de la CNDH suite à la visite des inculpés dans le dossier 01/2021
La CNDH a été saisie par une plainte écrite des avocats de Messieurs:
Yahya Hademine,
Mohamed Salem Bechir,
Taleb Abdy Vall,
Mohamed Abdallah Oudaa,
Mohamed Salem brahim Vall,
Mohamed Daf,
Mohamed lemine Aloukay,
Mohamed Lemine Bowbatt,
Mohamed Msaboue,
Yacoub Atigh,
poursuivis dans le cadre du dossier 01/2021.
Les avocats ont dénoncé quelques irrégularités de procédure de nature à constituer une violation des droits de l’homme pouvant relever du mandat de la Commission Nationale des droits de l’Homme qui, faut il le rappeler, est un organe de conseil, d’observation, d’alerte, de médiation et d’évaluation en matière de respect, des droits de l’homme, habileté, en vertu de l’article 4 de la loi organique 2017/016, à donner à la demande du gouvernement, du parlement de tout autre organe compétent ou sur sa propre initiative, un avis consultatif sur les questions d’ordre général ou spécifique, se rapportant à la promotion et la protection des droits de l’homme, au respect des libertés individuelles ou collectives.
La loi organique portant organisation et fonctionnement de la commission nationale des droits de l’homme dispose en son article 5 « sans préjudice des attributions conférées aux autorités administratives et judiciaires la Commission nationale des droits de l’homme, est chargée d’examiner toutes les situations d’atteinte aux droits de l’homme constatées ou portées à sa connaissance et d’entreprendre toute action appropriée en la matière en concertation et en coordination avec les autorités compétentes ».
À ce sujet la cndh adresse un rapport circonstancié contenant les mesures qu’elle propose au gouvernement et au parlement.
Sur la base de cette saisine et l’entretien avec les avocats au siège de la commission Nationale des droits de l’homme une délégation de la commission a effectué une visite aux concernés dans leur lieu de détention suivie d’une mission effectuée par le président de la cndh en personne le 11/08/2023.
En effet l’état a mis en place une institution indépendante investie d’une mission de contrôle, d’alerte et de conseil pour être saisie par toute personne estimant être victime d’une violation de ses droits.
La cndh joue pleinement aujourd’hui ce rôle autrefois comblé par les ONG internationales.
Suite à ses visites et investigations la cndh a constaté que les conditions de détention des prévenus sont très bonnes, les concernés n’ont enregistré aucune plainte en ce qui concerne leur conditions et leurs droits de visites, de sport etc…
La CNDH note également leur satisfaction de l’écoute et le temps accordé par le président de la juridiction même s’ils estiment qu’ils ont fait figure inutile lors de plusieurs séances du procès auxquelles elles ne sont pas concernés.
La CNDH a noté que les prévenus, tant à l’instruction qu’au jugement, étaient assistés, sans entrave, par leurs avocats.
La CNDH a toutefois noté que le droit pour les prévenus d’être informés a l’avance des témoins à charge, d’interroger ou faire interroger les témoins à charge, obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge n’a pas été respectée dans cette procédure ce qui peut constituer une violation des droits de la défense lorsque la défense n’est pas traitée à arme égales avec le parquet.
La cndh a également reçu des plainte et demande d’accès aux médecins de la part de Mohamed Lemine Bowbatt que nous avons transmises au ministère de la justice, nous avons également reçu une demande d’accès à ophtalmologue de la part de Yacoub Atigh.
De la détention
Si les avocats ont considéré que la détention des dits prévenus n’était pas fondée au départ étant donné qu’ils étaient en liberté ( pas provisoire), n’ont pas été l’objet de mandat de dépôt lors de l’interrogatoire tel que prévu par la loi et n’ont jamais failli aux obligations liées à la mesure de contrôle judiciaire notamment en terme de représentation à la justice, que la base de leur poursuite est visiblement le rapport de l’enquête parlementaire qui est un acte administratif pouvant seulement être un support ou l’un des supports d’une décision judiciaire de poursuite en bonne et due forme, la CNDH rappelle néanmoins que la liberté est la règle et la détention est l’exception à laquelle il ne convient de recourir que si les conditions de la libération ne sont pas réunies en particulier les garanties de représentation, la crainte, de disparition, des preuves et de commission des nouvelles infractions.
Ce n’est pas pour rien que la loi a limité, sous peine de sanction des juges et de prise à partie la portée et les durées de la détention préventive.
Durée de l’instruction
La CNDH a constaté qu’autant l’instruction s’est étalée sur une période très longue (plus d’une année) sans doute en raison de la complexité du dossier et la lourdeur des charges autant l’interrogatoire des inculpé par le juge d’instruction a été expéditif (moins d’une heure lors d’une seule comparution pendant cette longue période de plus d’une année), la CDH suspecte, alors une violation du principe fondamental des droits de l’homme en justice, qui est celui du contradictoire, ainsi qu’un impératif pour les juges, d’instruction d’instruire à charge et à décharge.
L’instruction étant la phase cruciale du procès pénal si de tels faits sont avérés le juge d’instruction n’aurait pas rempli l’obligation de donner suffisamment de temps aux prévenus pour répondre aux accusations dont ils font l’objet, de produire leurs preuves et de citer leurs témoins.
Durée du procès
Le procès a été déclenché il y a sept mois et continue avec un rythme trop lent : deux jours par semaine, il a été interrompu pendant de longues périodes dont certaines justifiables (délais de recours) d’autres moins justifiables (vacances et voyage des juges).
Parmi les conditions du procès équitable, qui est un droit de l’homme, toute personne a droit à ce que sa cause, soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, (les délais occupent une place centrale dans les normes internationales du droit au procès équitable, les normes internationales disent « dans un délai raisonnable », et utilisent le terme « célérité » ).
Les principes directeurs du procès équitable, qui est un droit de l’homme, sont en effet :
Indépendance
impartialité,
publicité
célérité.
La durée est prise en compte et consacrée par les principes de Nelson Mandela (ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus) ces règles sont fondées sur l’obligation de traiter tous les détenus avec le respect dû à la dignité et la valeur inhérentes à la personne humaine selon lesquelles toute personne privée de liberté a le droit d’être entendue le plus tôt possible par un juge indépendant sous peine de violation de droits de l’homme.
L’objet de la garantie de célérité est de protéger les justiciables contre les lenteurs excessives de la procédure.
L’ importance s’attache à ce que la justice ne soit pas rendue avec des retards propres à en compromettre l’efficacité et la crédibilité.
Cette exigence vise à garantir que dans un délai raisonnable et au moyen d’une décision de justice il soit mis fin à l’incertitude dans laquelle se trouve une personne quant à l’accusation en matière pénale portée contre elle.
cette garantie sert donc à la fois l’intérêt de la personne concernée et le principe de sécurité juridique.
Il convient de rappeler que les délais ne cessent de courir qu’avec la clôture de la procédure devant la plus haute instance, lorsque la décision de justice devient définitive( c’est à dire après l’appel et les pourvois en cassation).
Certes l’Etat est responsable de tous les retards causés par ses services administratifs ou judiciaires, mais le principe de la bonne administration de la justice à savoir : l’obligation pour les juridictions nationales de traiter les dossiers qui leur sont soumis dans un délai raisonnable n’est pas sanctionné en Mauritanie.
Une personne détenue pendant des années en détention préventive encaisse seule, une fois acquittée, les souffrance et les cicatrices d’une détention déclarée non fondée par la suite en cas d’’acquittement car l’indemnisation n’est pas prévue par le droit Mauritanien.
Dans certains pays les victimes peuvent obtenir le versement par l’État d’indemnités en cas d’acquittement pour réparer la détention préventive ou la durée excessive du procès.
La cndh prend acte des impératifs soulignés par la juridiction relatifs aux disponibilités de salles pour justifier les deux jours par semaine du procès mais considère néanmoins que rien n’empêche la juridiction, étant par ailleurs une juridiction autonome, de recourir à d’autres lieux et procéder à la délocalisation du procès afin de répondre à l’exigence légale de la célérité.
La CNDH en appelle à l’application scrupuleuse, dans ce procès, des dispositions de la constitution, des lois et des textes réglementaires,
Invite au respect des principes d’un procès équitable et son corolaire l’égalité des armes entre le parquet et la défense, véritable garantie du procès équitable.
De façon générale
- Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal, indépendant, impartial, établi par la loi qui décide, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil soit du bien-fondé de toute accusations en matière pénale dirigée contre elle;
- Toute Personne accusée d’une infraction est présumée, innocente, jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie;
- Toute personne, accusée a droit notamment à:
. Être informé dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend, et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle.
. Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
. Se défendre lui-même, ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice, l’exigent
. Interroger ou faire interroger les témoins à charge obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge
. Se faire assister gratuitement d’un interprète s’il ne comprend pas, on ne parle pas la langue employée à l’audience.
Pour rappel
Concernant l’accusé principal dans ce dossier l’ancien président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz, la commission a rempli ses obligations en se proposant de lui rendre visite, celui-ci a exercé son droit de ne pas recevoir la délégation en tout Etat de cause la commission a reçu les doléances de ses avocats et lui réclame naturellement tous les droits à un procès équitable et à des conditions de détentions réglementaires.
Nous sommes convaincus que nos juges sont conscients de leurs responsabilités et que notre justice a tout à gagner à être indépendante et impartiale et à dire le droit conformément aux textes et à leurs convictions.
La CNDH rappelle que la présomption d’innocence couvre toute la période précédant une condamnation définitive par une décision de justice émanant d’une autorité judiciaire compétente, indépendante et impartiale.
dans le cadre d’un procès équitable offrant toutes les garanties légales.
Nouakchott le 15/08/2023
La Commission Nationale des droits de l’homme de Mauritanie