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Lecture dans le dernier rapport de la Cour des Comptes : La Somelec électrocutée
Le Calame - Le Rapport général annuel 2019-2020 et 2021 de la Cour des comptes dévoile au grand public les multiples dysfonctionnements, anomalies, malversations et autres détournements au sein de la SOMELEC épinglée pour la mauvaise tenue de certains comptes de trésorerie et d’autres forfaits se répercutant dans la bonne marche de l’entreprise.
En proie à d’importantes difficultés depuis de nombreuses années, la SOMELEC continue de se débattre et d’être plombée par une gestion laxiste. En plus, plusieurs comptes de caisse présentent au 31/12/2019 des soldes anormalement créditeurs non régularisés.
Dans ses observations, la Cour estime que la société n’a jamais procédé à l’inventaire physique de ses immobilisations. « Cela ne permet pas de s’assurer de la fiabilité et de la sincérité de ses états financiers », peut-on y lire.
À propos de la gestion commerciale, il est observé un cumul important d’arriérés. Il est à souligner que le stock mort objet de l’observation n’a pas été mouvementé depuis des années, voire des décennies. Il s’agit de pièces de rechange pour certains groupes plus utilisés par la SOMELEC. Ce qui ne permet pas de refléter l’image fidèle de la situation patrimoniale de la Société. Le constat est accablant, la SOMELEC est plombée par un surendettement et une réalisation faible des objectifs.
Comble de l’ironie, la SOMELEC fait preuve de négligence criante dans plusieurs domaines, notamment dans la gestion du personnel (effectif total de 2 287 membres dont personnel permanent : 704 ; personnel temporaire : 1 178 ; sous-traitance : 405 agents) et la gestion approximative des hydrocarbures.
Anomalies constatées dans la tenue de certains comptes de trésorerie
Les états de rapprochements bancaires au 31/03/2020 font apparaître des suspens qui datent de plusieurs années, pour un montant de 2 324 395 549.67 MRU. En outre, certains comptes de banque font apparaître des soldes anormalement créditeurs au 31/12/2018 et au 31/12/2019.
En plus, des comptes de caisse présentent au 31/12/2019 des soldes anormalement créditeurs non régularisés. En outre, des comptes de virements de fonds (comptes 58) représentent des soldes anormalement débiteurs et créditeurs au 31/12/2018 et au 31/12/2019.
Insuffisances du système de contrôle interne
Plusieurs insuffisances ont été constatées dans le système de contrôle interne. Elles sont afférentes essentiellement au système informatique COBOL qui remonte aux années 80. En effet, il ne permet pas une édition des données d’une manière efficace et souffre également d’une absence de politique de sécurité.
Il a été constaté aussi que les compteurs électroniques récemment acquis sont stockés dans un espace à ciel ouvert et sablonneux et sont, par conséquent, exposés à divers risques. En outre, certains appareils de comptage installés dans les centrales d’alimentation en hydrocarbures sont en panne, notamment la cuve de capacité de 7 TM à la centrale d’Arafat réservé à la dotation des camions et citernes et au ravitaillement du Port de Tanit.
La Société ne se dispose pas d’application permettant le suivi au jour le jour des entrées et sorties de carburant. En plus, certains clients accèdent aux postes de livraison dont l’accès est réservé au personnel de la Direction. Cette situation expose au risque de manipulation du système de comptage.
Par ailleurs, il a été constaté durant la vérification de certaines offres un chevauchement de compétences entre la Commission des Achats d’Exploitation (CAE) et la Direction des Achats et Approvisionnements (DAA), qui ouvrent parfois des offres hors champ de sa compétence plafonnée à 1 000 000 MRU.
Impôts et cotisations CNAM impayés
Certains impôts n’ont pas été reversés au Trésor public contrairement aux deux articles 83 et 144 du Code général des impôts. Le rapport cite à titre d’exemple l’impôt foncier pour un montant de 5 899 898 MRU au 31/12/2018 et 7 000 263 MRU au 31/12/2019 et les taxes sur les hydrocarbures pour un montant de 266 434 596 MRU au 31/12/2018 et 304 466 996 MRU au 31/12/2019.
En violation aux deux articles 3 et 4 du décret n° 2015-088 modifiant certaines dispositions du décret n° 2010-081 relative à la CNAM, on constate également des arriérées dues par la Société à cette Caisse. Le dernier règlement effectué par la Société, avant l’achèvement de la mission, date du mois de Novembre 2019 pour un montant de 2 035 226 MRU.
Insuffisances dans la gestion du personnel
Les principales insuffisances constatées dans la gestion du personnel relevées par les auditeurs sont : excepté la grille salariale, le statut du personnel de la SOMELEC hérité de la SONELEC n’a pas été actualisé ; certains agents temporaires exercent des fonctions sensibles telles que : caissier, chef de centrale… ; manque de personnel qualifié pour les centrales solaires ; insuffisance de techniciens en éolienne : un seul technicien mis à la disposition de l’exploitant de la centrale éolienne 31,5 MW, au lieu de trois comme le prévoit le marché d’établissement en 2013 ; insuffisance du personnel de sécurité pour toutes les grandes centrales.
Des cas de vols de cuivre de quelques panneaux ont été enregistrés au niveau de la Centrale solaire Zayed 15 MW en 2019 ; absence de gestion de carrière notamment en ce qui concerne la motivation, l’évaluation et la formation ; insuffisance du nombre des agents releveurs au niveau des centres visités : 1118 abonnés par releveur pour le centre de Tevragh Zeïna, 1360 abonnés par releveur pour le centre Ksar et 2061 abonnés par releveur pour le centre de Dar Naïm II ; insuffisance des agents chargés des interventions techniques. « Les deux directeurs généraux ont reconnu les insuffisances relatives à la gestion du personnel », mentionne le rapport.
Violations de la réglementation des marchés publics
La SOMELEC a effectué des achats en l’absence d’appel à la concurrence (achats sur bons de commande) sous-prétexte de l’urgence, en violation de l’article 30 de la loi n°2010-044 portant code des marchés publics. « Il y a lieu de signaler que la SOMELEC ne dispose pas de stock de sécurité de groupes électrogènes. Ce qui conduit à l’achat de groupes par entente directe sous prétexte de l’urgence ».
Une location complaisante et coûteuse
La SOMELEC a supporté, durant la période sous revue, des charges locatives exorbitantes des camions-grues pour un montant de 1 374 853 161 MRO au profit du fournisseur ASTD sur la base d’un contrat conclu en 2014 et reconduit chaque année sans appel à la concurrence.
Retards irréguliers et couteux de l’exécution de certains marchés
L’exécution des marchés de la SOMELEC évoque quelques constats tels que le retard important d’exécution sans application de pénalités de retard, ce qui cause parfois l’expiration des garanties de bonne exécution et l’engagement de Coût supplémentaire relatif au prolongement du contrat de l’ingénieur-conseil.
Coûts supplémentaires d’approvisionnements en hydrocarbures
Il a été constaté une différence significative entre le prix de la cession en bac et le prix de facturation en violation de la méthode de calcul prévue dans le contrat d’approvisionnement en hydrocarbures signé entre la SOMELEC et le vendeur exclusif des produits pétroliers, en l’occurrence la société ADDAX.
Le vendeur n’a pas satisfait aux dispositions contractuelles prévues à l’article 18 du contrat d’approvisionnement en produits pétroliers, d’une part, et il a été constaté, d’autre part, un retard extraordinaire de procédures de réclamation par la SOMELEC des écarts de surfacturation (depuis la signature du contrat avec ADDAX le 16/04/2016). Le montant des écarts de surfacturation qui a été payé par la SOMELEC au profit de la société ADDAX s’élève à 11 557 672 USD durant la période de 2017 à 2020 (10/04/2020).
Négligence et irrégularité dans la vente de fuel de mauvaise qualité
Il a été constaté au cours des investigations effectuées par la Cour des comptes que « la société a vendu une quantité de 6000 m3 de fuel de mauvaise qualité ou contaminé qui était utilisé dans les centrales Duale, Wharf et Arafat.
Cette quantité a été vendue, en dépit de l’objection de la Commission de Passation des Marchés (CPM), à la société MAGHREB OIL à un prix de 450 000 USD à payer avant l’enlèvement de la quantité, et ce conformément aux dispositions du contrat N°1901 signé le 18/01/2018 entre la SOMELEC et le fournisseur concerné. Bien que la source de ce fuel contaminé reste inconnue, la découverte de ce dernier coïncide avec la période du contrat avec le vendeur exclusif GUNVOR (du 16/04/2014 au 15/04/2016) ».
La société WARTSILA, gérante de la centrale Duale, a signalé l’utilisation dudit fuel contaminé dans un rapport émis en Janvier 2016 par VERITAS PETROLEUM. Par ailleurs, il a été révélé que l’utilisation du fuel contaminé avait été découverte par les exploitants de la centrale de Nouadhibou 3 mois avant le rapport de WARTSILA. Et toutes ces alertes n’ont suscité aucune réaction de la part des responsables concernés.
Et, pour en revenir au contrat, il contient des conditions exigées à MAGHREB OIL, à savoir le paiement de la totalité du prix dans 7 jours à compter de la date de notification (faute de quoi le contrat serait réputé nul), la remise en état propre des cuves des centrales concernées et le transport du fuel contaminé, tout cela à la charge de l’acheteur. Ce dernier compte exporter ledit fuel selon le rapport d’évaluation préparé par la CPM.
Il a été constaté des manquements au contrat de vente, à savoir le défaut de paiement du montant jusqu’à la fin de la mission de contrôle, l’absence de PV constatant la remise en état propre des cuves, l’absence de pièces justifiant l’exportation de fuel contaminé, ainsi que le transport des quantités vendues par des véhicules loués à la charge de la SOMELEC au lieu et place de MAGHREB OIL, et ce en vertu du contrat n° 865.
Bien que MAGHREB OIL n’ait pas satisfait aux clauses du contrat, elle a adressé en date du 29 Juillet 2019 la lettre n°1048/2019 demandant de restituer la caution, la SOMELEC a répondu par la lettre N°DFC/SF-DB/BR 001372 ayant pour objet la main levée sur ladite caution.
Cette lettre de main levée a été signée par l’ex-directrice générale adjointe. Par ailleurs, la Direction de la Production (DP) a estimé les préjudices causés par l’utilisation du fuel contaminé à environ 62 millions MRU, conformément aux indications ci-après.
Cumul important d’arriérés
Le montant des arriérés des clients de la SOMELEC s’élève à 3 258 049 243,5 MRU en date du 16/11/2020. Plusieurs clients basse tension, groupements et moyenne tension ont un cumul important de factures impayées et continuent de bénéficier d’électricité de la SOMELEC.
Cette situation appelle les remarques suivantes : faiblesse du recouvrement des arriérés par les centres commerciaux de la SOMELEC à Nouakchott ; cumul des factures impayées atteignant parfois plus de 60 factures impayées par client avec des gros montants ; absence de diligences nécessaires pour le recouvrement de ces arriérés ; il a été en outre remarqué que certains contrats pour des clients débiteurs ont été résiliés. La résiliation de ces contrats pourrait résulter d’une complicité avec les responsables de la société.
Contrôle de performances faible
Malgré les avantages dont bénéficie la SOMELEC au titre du Contrat-Programme depuis 2001, ses taux des indicateurs de performance restent toujours inférieurs aux taux qu’elle s’est engagée à atteindre dans le Contrat. Elle enregistre une baisse continue pour ses taux de rendement d’une année à l’autre.
Surendettement de la société
Les emprunts à long terme de la SOMELEC sont très élevés par rapport au ratio normal qui doit être inférieur ou égal à 50% des capitaux permanents. En 2019, l’endettement s’élevait à 17 794 588 823 MRU soit 66%.
Synthèse THIAM Mamadou