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L’économie sociale et solidaire, un enjeu sociétal et environnemental (2) / Par maître Taleb Khyar
La société coopérative d’intérêt collectif dont le capital est ouvert, au-delà des salariés, à tous ceux qui souhaitent s’impliquer dans le projet collectif ; clients bénévoles, collectivités territoriales, partenaires privés…….etc.
Au niveau rural, la coopérative favorise une décentralisation vertueuse, pouvant associer les populations autochtones aux collectivités territoriales dans l’élaboration de contrats d’exploitation, la mise en valeur des territoires ne pouvant présenter aucun intérêt en dehors de l’émancipation de capitaux et d’emplois locaux.
Ces contrats territoriaux, associant donc coopératives et collectivités territoriales, peuvent également évoluer pour prendre la forme de relations intercommunales, à travers des schémas d’aménagement et de développement des territoires, mutualisant expériences et ressources de communes diverses.
Cela est applicable à titre d’exemple, par les populations du bassin du fleuve Sénégal qui exploitent une agriculture fluviale de subsistance occupant bon an mal an les ¾ de la population active, et représentant 30% du revenu moyen des riverains ; on pourrait mettre à contribution, dans des conditions identiques, l’exploitation de la richesse pastorale qui n’a à ce jour, aucune incidence positive sur l’amélioration du niveau de vie des éleveurs qui entretiennent dans la nature, le cheptel pour le vendre, et le vendent pour en reproduire davantage, le tout au gré des aléas climatiques, ce qui n’est pas sans créer des incidents parfois tragiques, avec leurs voisins agriculteurs, alors qu’on peut agréger activités pastorales et agricoles , comme cela se fait avec réussite sous d’autres cieux.
La coopérative rurale, c’est aussi une manière de relever le défi de la souveraineté alimentaire qui nous a toujours fait défaut depuis la vague de sécheresse des années 70, dont on se souvient qu’elle a fait d’une grande partie de la population rurale, des réfugiés climatiques qui sont venus s’agglutiner sauvagement autour des grandes villes, phénomène qui s’est amplifié avec la pandémie du coronavirus, et qui est fortement criminogène, outre qu’il empêche une urbanisation harmonieuse des villes envahies.
La coopérative est une structure socialement responsable, économiquement viable ; c’est un modèle de création de richesse et de répartition du revenu qui améliore les économies locales qu’elles soient de nature communale et/ou intercommunale, renforce la cohésion sociale.
Avec la crise du Covid, les coopératives se sont accrues de manière sensible ; elles ont bondi en France pour atteindre plus de 25.000.000 de sociétaires, 1,2 millions de salariés , un chiffre d’affaires de 300 milliards d’euros.
On le voit ! Figurant en bonne place parmi les groupements à statut spécial, la coopérative crée de la plus-value, de l’emploi et se nourrit d’interactions sociales à caractère solidaire ; elle permet d’exploiter les ressources existantes au profit de tous les associés, qu’ils soient privés, institutionnels, ou simplement bénévoles, et concourt au fur et à mesure de sa généralisation, à l’émergence de sociétés équitables et durables.
- Le mécénat occupe également une grande place dans l’économie sociale et solidaire ; les fondations en sont une parfaite illustration, leur fonction essentielle étant d’affecter de manière irrévocable des biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général, à caractère philanthropique, humanitaire, culturel, artistique ou pédagogique.
Il n’est pas exclu qu’une fondation fasse des bénéfices, mais il lui est interdit de les partager, comme il n’est pas exclu qu’une fondation n’ait pas la personnalité morale, le fondateur, dans cette hypothèse, se limitant à transmettre des biens à une personne morale, à charge pour celle-ci de les affecter à une œuvre d’intérêt général.
Il est nécessaire de mettre en place une législation sur les fondations qui favorisent le mécénat sans ouvrir la porte aux politiques d’influence de certains pays pour lesquels le mécénat est un soft power, souvent dévoyé en instrument de déstabilisation.
Lorsque la fondation aspire à être reconnue d’utilité publique, elle doit disposer d’une dotation initiale suffisamment importante d’au moins 1000.000 de nos nouvelles ouguiyas, et la demande de reconnaissance d’utilité publique doit être adressée au ministère de l’intérieur, et renseigner suffisamment sur l’objectif recherché ; la reconnaissance se fera par décret pris en conseil des ministres.
-Dans la même veine, on peut valablement évoquer la fondation d’entreprise, qui répond à la volonté commune chez les acteurs économiques de donner une visibilité plus grande à leur mécénat.
Aussi bien les sociétés commerciales que les établissements publics à caractère industriel et commercial, que les coopératives et les institutions de prévoyance social pourront, chaque entité en ce qui la concerne, créer une fondation d’entreprise, qui servira entre autres de support de communication et d’amélioration de son image de marque, en tant que mécène.
Il y a lieu de préciser que la fondation d’entreprise n’est pas en droit de faire appel à la générosité publique, ni de recevoir des dons ou des legs, à l’exception de ceux provenant des salariés de l’entreprise fondatrice, de ses mandataires sociaux, adhérents, ou actionnaires, ou de l’une de ses filiales.
Soumise à une tutelle administrative moins contraignante que celle des fondations reconnues d’utilité publique, la fondation d’entreprise est tenue d’établir chaque année un bilan, un compte de résultats et une annexe, comme elle doit avoir au moins un commissaire aux comptes et un suppléant.
En cas de dissolution, les ressources non utilisées de la fondation sont attribuées par le liquidateur à un ou plusieurs établissements publics ou reconnus d’utilité publique dont l’activité est analogue à celle de la fondation d’entreprise dissoute.
-les fonds de dotation : à mi-chemin entre l’association et la fondation, les fonds de dotation bénéficient de la personnalité morale et d’une capacité juridique identique à celle de la fondation reconnue d’utilité publique, leur permettant de recevoir et de gérer une dotation pour accomplir une œuvre d’intérêt général.
Les fonds de dotation sont inspirés des « endowment funds »anglo-saxons , signifiant littéralement « fonds de dotation », et visent à mettre à la disposition d’un personne morale à but non lucratif des actifs inaliénables, et dont seuls les revenus sont affectés à une œuvre d’intérêt général à caractère philanthropique, éducatif, humanitaire, social, environnemental.
Une fois reconnue d’utilité publique, le fonds peut recevoir et gérer des titres de capital ou de parts sociales, et utiliser les ressources générées dans le but de contribuer, non seulement à la pérennité économique de l’entreprise cédante, mais aussi à la réalisation d’œuvres ou de missions d’intérêt général.
- Depuis la crise des subprimes, le droit américain a vu proliférer « les benefit companies » sur le modèle de la « low profit limited liability company » ; ce sont des sociétés à responsabilité limité qui, tout en réalisant des profits, n’en poursuivent pas moins un objectif sociétal ; ce modèle juridique est repris par la France, sous l’appellation de sociétés à mission ayant entre autres, un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que l’entreprise se donne pour objectif de poursuivre dans le cadre de son activité.
Les entreprises évoquées plus haut, coopératives, fondations…low profit limited liability companies…. fonctionnent selon un principe de solidarité et d’utilité sociale, en adoptant des modes de gestion participatifs, en prônant des valeurs qui reposent sur le partage, la solidarité, l’équité, aux antipodes de celles de l’économie globale qui se financiarise à outrance, et dont les règles sont domestiquées par une poignée de personnes.
Toutes les entreprises évoquées renforcent le tissu social, et rapprochent les salariés des détenteurs de capitaux dans un mode de gestion démocratique qui peut également se réaliser par le droit accordé aux employés d’acquérir des actions ou d’en souscrire de nouvelles dans des sociétés de grande envergure comme la SNIM, ou d’autres sociétés dans lesquelles l’Etat mauritanien est détenteur d’une partie du capital.
Chaque fois qu’il s’agira de faire participer les travailleurs aux capitaux d’entreprises de nationalité mauritanienne , il sera dans tous les cas, mis en place un comité social et économique qui aura pour mission de veiller aux intérêts des travailleurs dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle, et aux techniques de production.(à suivre)
Par maître Taleb Khyar ould Mohamed Mouloud.*
*Avocat à la Cour.
*Ancien membre du Conseil de l’Ordre