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Hommage à Elimane Adama NGam (1953 – 2023)
Le 3/12/2023 – le 3/02/2024, deux mois jour pour jour, que notre grand frère Elimane Adama NGam nous a quitté. Deux mois déjà sous le nuage du chagrin, et dans la profondeur du deuil. Le chagrin nous a frappés au soir du dimanche 3 décembre 2023.
La veille d’un lundi saint, où Nouakchott était couvert d’un gros nuage comme un présage à l’éclipse d’Elimane Adama NGam, Chef de village Harlaw Bagodine.
Souvenez-vous ! J’allais dire souvenons-nous, car le souvenir est plein d’enseignements utiles. Dans ses replis, il y’a de quoi désaltérer l’élite de ceux qui viennent y boire.
Oui, je me souviens du grand frère Elimane Adama. Cher Grand Frère !
Si ce n’était pas que la promesse de la réunion est certaine. Si ce n’était pas là, le chemin que tous doivent parcourir et si ce n’était pas que les derniers d’entre nous, doivent rattraper les premiers. En vérité, je te pleurerai avec une affliction plus grande.
Comme disait le Prophète (Paix et Salut sur Lui), après la perte de son fils Ibrahim : « Ce n’est pas ceci que j’ai interdit. Ce sont là, les signes de tendresse et de pitié. Et celui qui ne ressent pas de pitié, il ne lui sera pas témoigné de pitié. L’œil pleure, le cœur souffre, et ce n’est pas offenser le Seigneur que de parler ainsi… »
Grand frère, tu me manques déjà ! Voilà deux mois que tu es partis et ton absence se fait déjà sentir, car tu étais pour moi plus qu’un frère, mais aussi un père de substitution, un fidèle ami, un compagnon infatigable, un guide éclairé et un sage conseiller.
Je n’ai pas oublié, car tu avais si tôt repris le flambeau paternel, pour accompagner la frêle existence d’un orphelin de 15 ans, dans les annales historiques des années 80.
Revisitons ensemble la vie de l’homme Elimane Adama ! Une vie riche et pleine d’enseignement. Une vie modeste pleine d’humilité. Une vie de rêve, chargée d’espérance.
Il est venu au monde à l’aube de 1953, fils d’Elhadj Boudy NGam et de Sokhna Mariam Aldiouma Bâ. Elimane fils d’Elimane, il a grandi sous le toit de la chefferie traditionnelle de Harlaw à Bagodine, pour en être le 11ème Elimane Chef intronisé, le 11 novembre 2017, jusqu’à sa mort le 3 décembre 2023.
Il perd sa mère, alors qu’il venait de fêter ses trois ans. Comme le disait en témoignage l’administrateur Satiqui Amadou Lamine Kane : « Elimane Adama NGam est né adulte, je ne l’ai jamais vu dans un éclat rire bouffon. Responsable et discret, pour exprimer sa joie, il souriait d’un sourire radieux et lumineux. Il forçait le respect et la constance, dans ses propos mesurés, son résonnement cohérant, ses analyses pertinentes, et son silence éloquent. Adama NGam est un élimane né, au sens profond et livresque du terme … »
Oui Satiqui a parfaitement raison, Elimane Adama était une force tranquille, un homme exemplaire, à tous égard, un homme digne de respect, de confiance et d’estime.
Après le décès de sa mère, il grandi sous l’ombre de sa tante maternelle Aissata Selly et de son père hôtelier. Comme tout jeune foutanquais, il a commencé par l’école coranique, avant de rentrer à l’école fondamentale de Bagodine, avec sa classe d’âge, de la 2ème promotion dans la bâtisse scolaire coloniale érigée en 1958.
Intelligent et serein, il n’a pas eu du mal, à franchir les paliers du cycle primaire, pour conquérir le collège de Boghé sur les berges de la rivière Djintou, entre les deux Boghé (Dow et Less). Loin de ses parents, et de son berceau Bagodine, le jeune collégien est resté égale à lui-même, dans sa moule d’un enfant bien éduqué, en marque de fabrique. On ne le dira jamais, les premiers éducateurs dans la société, sont les parents. Jadis dans le Fouta ancestral, nous étions tous, les enfants du village, où chaque adulte avait sa touche de responsabilité, pour forger l’esprit des jeunes bambins, dans le respect des traditions et les valeurs, qui régissent les relations humaines.
Deux ans passés à Boghé, il continue sur Nouakchott, pour le mythique lycée national, le haut lieu de l’éducation et vivier de la première pépinière des cadres de notre pays.
En 1969, il intègre l’ENA sur concours, pour suivre la filière diplomatique, qui l’ouvrira les portes de la présidence de son pays, dans le service protocole.
Le jeune diplomate très remarqué dans le cabinet du président Moktar Ould Daddah, fera partie de tous les voyages sous régionaux, africains et internationaux. Dans l’effervescence diplomatique, la Mauritanie est dans la dynamique de la géopolitique d’une Afrique indépendante, non alignée, en quête d’orientation et d’intégration. Il fait ses premiers pas dans la science des relations internationales, en participant à plusieurs conférences arabes, africaines et internationales, sous la bannière de l’OUA et de l’ONU.
Après le coup d’état de 1978, en diplomate chevronné, il s’éloigne de la présidence, pour faire carrière dans les ambassades mauritaniennes à travers le monde. Dakar – Moscou – Prague – Varsovie – Budapest et Sophia, la liste est longue et dénote une riche et longue expérience dans les arcanes des relations internationales, sous les hospices de la guerre froide.
En 2010, il prend sa retraite après une carrière bien remplie.
Issu de la lignée des NGAM de Bagodine, famille héritière de l’écharpe d’Elimane Harlaw, symbole de la chefferie traditionnelle, il est intronisé, le samedi 11 novembre 2017, 11ème Chef du village.
Ce qu’il faut comprendre, le titre d’Elimane s’inscrit dans la continuité d’une tradition ancestrale, qui puise ses valeurs et sa substance dans la source historique d’un Harlaw ancré dans ses Us et Coutumes comme socle d’humanisme et de fraternité.
Oui, Elimane Adama a vécu et survécu au tourbillon du temps, pour réconcilier le passé au présent, renouer le fils du dialogue entre la tradition et le modernisme, sous le manteau de la diplomation constructive.
Il nous a quitté le 3 décembre 2023 à Nouakchott, pour être enterré le lundi 4 décembre à Bagodine (Ina Lillah Wo Ina Ileyhi Raji Oune).
Allah dit dans la Sourate 20, Verset 55 : « De la terre, nous vous avons créés dans son sein, nous vous y retournerons et d’elle nous vous ferons sortir, une autre fois… »
Elimane Adama à l’image de son homonyme Adama le Père de l’humanité (Gloire d’Allah sur Lui), a consacré sa vie durant à l’humanisme et au respect de l’humain, au sens large du terme.
Qu’Allah l’accueille au paradis et que la lumière de sa sagesse éclaire ses enfants.
À Allah nous appartenons et vers lui nous convergeons !
Seydou NGam, le frère du défunt