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Un mauritanien à Abidjan
Il y a quelques années, après l'obtention de mon baccalauréat, j'ai eu l'opportunité de bénéficier d'une bourse d'État pour étudier à Abidjan. À mon arrivée, en signe de reconnaissance envers mon pays qui, en plus de m'assurer le gîte et le couvert, prenait également en charge mes frais de scolarité, je ne manquais pas de souligner ma nationalité mauritanienne.
Cependant, un jour, la dame vendant des alocos au pied de mon immeuble au campus universitaire de Cocody, une fois devenue familière avec moi, m'a interrogé ainsi : "Ah, vous êtes les esclaves en Mauritanie ?"
Étonné, j'ai pris tout mon temps pour lui expliquer l'histoire de la Mauritanie, mais en vain. Cette dame était fermement convaincue de ce qu'elle pensait.
Plus tard, j'ai réalisé que la grande majorité des Ivoiriens ignoraient tout de mon pays. Le seul point de vue qu'ils avaient sur la Mauritanie était celui de ce commerçant venant tout droit de son village près de la ville de Kiffa enfermé comme un prisonnier dans une boutique. Bien malgré eux, ces honorables hommes ont malheureusement terni l'image du Mauritanien.
À la faculté, il y avait toujours ce collègue ivoirien qui, lorsque nous étions en bons termes, m'appelait "mon frère sénégalais" comme un compliment, mais en cas de désaccord, il me lançait des injures en me qualifiant de "Mauritanien sale".
Comme si le terme "Mauritanien" était une insulte. Lors de mes échanges avec des Ivoiriens, une affirmation revenait souvent : "La femme mauritanienne a le droit d'avoir plusieurs maris." Malgré mes démentis répétés, mes interlocuteurs ivoiriens restaient campés sur leurs positions, convaincus que la polyandrie était parfaitement légale en Mauritanie.
Plus tard, j'ai compris la raison de cette équivoque. En effet, en Côte d'Ivoire, il est fréquent de voir un propriétaire de boutique passer la journée aux côtés de plusieurs cousins, et généralement, le seul à avoir les moyens de faire venir sa femme. Par conséquent, les Ivoiriens, habitués à voir cette seule femme entourée d'hommes, en sont venus à conclure que la femme mauritanienne avait le droit d'avoir plusieurs époux.
Épuisé par toutes ces incompréhensions et cette image déformée, j'ai décidé de participer à une émission sur la station de radio Fréquence 2, qui était à l'époque la plus écoutée pour parler de la Mauritanie.
Aujourd'hui, avec la Coupe d'Afrique des Nations et grâce aux performances de notre équipe nationale, les Ivoiriens ont été surpris de découvrir une Mauritanie différente. Désormais, les Mauritaniens en Côte d'Ivoire peuvent revendiquer leur nationalité sans honte ni embarras, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années.
À l'époque, beaucoup, pour échapper aux questions et aux critiques, se faisaient passer pour Sénégalais, voire Marocains.
Notre gouvernement, en plus du football, doit désormais investir dans la promotion de la culture. Si le Sénégal est connu et admiré, c'est aussi grâce à des personnalités telles que Youssou Ndour.
Mamadou Sakho,
Ancien président de l'association des étudiants mauritaniens en Côte d'Ivoire
Fondateur de l'association Mauritanie Culture Tours.