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L'appel des cadres…
J’ai lu, récemment, dans Cridem un post d’un groupe de personnalités-cadres portant sur une initiative autour d’un appel global pour le Changement en Mauritanie.
La publication pose un diagnostic en termes de problème de développement, de recyclage d’élites corrompues, d'exclusion, d’unité nationale, de discriminations, du système l’éducatif et d’absence de vision de ceux qui nous gouvernent. Tout y a été recensé, pêle-mêle, tout sauf, je crois, la démocratie, avec son corollaire de libertés fondamentales.
S’il faut saluer ce type d'initiative, bienvenue en ce temps de crise aiguë de valeurs et de bonne gouvernance, je m’interroge cependant sur l’ordre des priorités retenu. La proportion dans la composition du noyau initial, également questionne, comme si l’on reconduisait l’ordre établi existant.
J'ai eu le sentiment, à lire entre les lignes du texte, que les auteurs, dans leur approche, posaient surtout le problème de développement, comme étant le problème essentiel et principal du pays. Ils adoptent une sorte d’approche économique des choses ...
Je crains qu’ils ne s’engagent là sur une fausse piste, comme d'habitude, pour beaucoup d’entre nous. Notre problème principal et prioritaire résulte, à mon sens, du problème d’unité qui, elle – même découle du refus de l’élite arabo-berbère, pour l’essentiel, d’admettre et d’assumer l’identité plurielle du pays, sa diversité culturelle et ethnique, l’égalité des races et cultures.
Le problème essentiel est là, qui n’est ni un problème de développement, ni un problème de démocratie, même si ce sont là des paramètres importants à prendre en compte dans toute évolution d’un pays.
Force nous est de reconnaître que sans cette unité, solidement rebâtie, il n’y a pas de pays viable, et sans pays stable et viable, on ne saurait parler ni de développement, ni de démocratie. L’existence d’un pays, menacé depuis 1960 dans sa cohésion nationale comme le nôtre, conditionne tout le reste.
Le problème de l’unité nationale, cette question centrale du vivre ensemble avec ses innombrables injustices et dénis de droits, voilà qui méritait d’être nettement énoncé avec force et priorisé !
D’aucuns, parmi nos intellectuels, posent souvent la démocratie ( citoyenne) comme la solution, or la démocratie a aussi ses tares et avatars, nous avertit Amine Maalouf. Il prévient (qu’)"il faut beaucoup de naïveté ou beaucoup de cynisme pour soutenir qu’en laissant le pouvoir à une fraction majoritaire on réduit les souffrances des minorités" ! La démocratie ne réussit pas toujours à résoudre les problèmes ethniques, ajoute-t-il. "{…}
Elle est parfois synonyme de tyrannie, de discrimination", et qu’il ne suffit pas de dire démocratie pour que la coexistence harmonieuse s’installe"! Exactement le cas de notre situation interne actuelle ! Exactement la démocratie de l’Apartheid; exactement la démocratie made Usa actuelle, où on lynche encore … Comme ici, lorsqu’un chef de tribu peut se permettre de menacer, publiquement, de mort un activiste politique, sans que cela ne suscite aucune indignation chez ces organisations de droits de l'homme, dites indépendantes, ou de l’autorité !
Lorsqu’une minorité est opprimée le vote libre ne la libère pas forcément, il pourrait même l’opprimer davantage, conclut plus loin A. Maalouf Pour tout dire, même en démocratie, - et peut-être plus qu’en démocratie-, il faut des garde-fous. Chose particulièrement impérative dans une Afrique multi-ethnique.
Et le développement à son tour, comme solution préconisée par d’autres, est aussi une utopie, car il ne saurait se produire dans un pays à haut potentiel explosif, comme la Mauritanie, pour être assise sur un volcan endormi ! Ce cela, du reste, qui amène un bon nombre de nos hommes d’affaire et fonctionnaires enrichis, prudents et conscients du danger suspendu comme une épée de Damoclès, à prendre la précaution de s’acheter des villas en Espagne, au Sénégal, en France et ailleurs …parce que l’avenir inquiète !
Le formidable mouvement de contestation actuel au Sénégal a été possible parce qu’il existe une "nation" sénégalaise; la nôtre reste à construire.
En conclusion, si je pouvais me le permettre, j’aurais aimé appeler à revoir et l’ordre de priorités et l’approche. Construisons d’abord solidement notre Unité, sur laquelle tout le reste s’arrime, unité qui devra se bâtir sur une Mauritanie qui ose faire face à son histoire, accepte, réellement, sa diversité et partage ses richesses.
Nouakchott 09 février 2024.
Samba Thiam
Président des FPC.