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26-02-2024

07:12

La Banque Centrale de Mauritanie, aux prises avec le désordre monétaire (3)/ Par maître Taleb Khyar ould Mohamed Mouloud*

L’environnement macro-économique et financier n’a jamais cessé de se dégrader depuis la crise financière de 2008, dont les effets se sont amplifiés avec le coronavirus, et plus encore avec la guerre Russo-Ukrainienne.

Il faut malheureusement craindre que l’état du monde n’en pâtisse encore longtemps, nécessitant pour ce qui nous concerne, la mise en place imminente, et sous le sceau de l’urgence, d’une politique monétaire efficiente, pouvant contribuer à réduire de manière significative le niveau des prix , ou du moins, permettre de contenir ce niveau dans des proportions soutenables par la population.*

Pour faire face à la crise de 2008 qui, il faut le préciser, est d’ordre déflationniste, il a été mis en place, un peu partout, mais de manière plus lisible dans les pays européens dont les économies sont traçables, une politique monétaire expansionniste facilitant l’accès au crédit, allant même jusqu’à la réduction des taux de refinancement (taux d’escompte) à 0%, et parfois en dessous, pour accroître la demande des biens et services.

Il fallait coûte que coûte pousser à la hausse, la consommation.

Cet objectif a été réalisé, mais à quel prix ? Par la mise en place d’un « programme d’achat d’urgence face à la pandémie » dit P.E.P.P., dont l’économie pourrait se résumer de la sorte : achat par la Banque Centrale Européenne de différents types d’actifs, visant à réduire à la baisse les taux d’intérêt du marché, permettant ainsi l’accès massif au crédit, aussi bien pour les ménages que pour les entreprises et les Etats.

Par ailleurs, il a été érigé un système de mutualisation des dettes publiques , la Banque Centrale européenne s’étant dotée d’une enveloppe de 750 milliards d’euros pour acquérir des obligations souveraines, la mutualisation des dettes permettant de corréler les probabilités élevées de défaut des pays de la communauté à haut risque, avec celles des pays émetteurs de dettes sûres, aux probabilités de défaut perçues par les investisseurs comme étant inexistantes.

Présentée sous l’appellation énigmatique d’ « assouplissement quantitatif », traduction de l’expression anglaise « Quantitative easing », cette nouvelle politique monétaire ne fait pourtant que reproduire in fine, le financement des déficits budgétaires par les banques centrales. Bien que conçue comme ne reposant pas sur les politiques monétaristes traditionnelles, elle se caractérise pourtant sur le plan opérationnel, par l’accroissement tout azimut de la masse monétaire à travers l’achat de bons du trésor, prêts directs aux entreprises et aux gouvernements par la Banque Centrale Européenne, l’absence de tout encadrement du crédit, et du niveau des réserves des banques….etc.

On pourrait la résumer de la sorte : les gouvernements européens financent des boucliers tarifaires pour rendre supportable la détresse des ménages, et autres entreprises appauvries par le coronavirus, puis émettent des obligations pour couvrir ces nouvelles dépenses, en s’endettant auprès de la Banque Centrale Européenne.

Aujourd’hui, le retour de la manivelle se fait sentir ; tous les pays qui ont souscrit à cette politique monétaire expansionniste à tout prix, dite « Quantitative easing », sont en train de réviser à la baisse leurs prévisions de croissance ; parmi eux, la France qui en est même arrivée à envisager sérieusement une réduction de l’aide publique au développement, comme cela ressort d’une récente déclaration de son ministre des finances.

Sous d’autres cieux, le manque de réactivité de certaines banques centrales à cette nouvelle conjoncture leur a été d’un grand tort ; c’est le cas à titre d’exemple de la Turquie, où la Banque Centrale a privilégié une politique d’expansion monétaire, pour accroître les exportations, mais au détriment de l’investissement, avant de voir l’inflation galoper pour atteindre des niveaux alarmants.

Aujourd’hui, la Banque Centrale de Turquie a réduit de manière significative la poussée inflationniste, en révisant sa politique monétaire vers un resserrement du crédit, par le canal des taux d’intérêt directeurs.

On pourrait citer d’autres exemples qui nous renvoient à la même conclusion : la crise de 2008 qui n’était que financière à caractère déflationniste, est devenue une crise de la dette, à forte intensité inflationniste.

Dans ces conditions, il est légitime de s’interroger sur la résilience de notre système bancaire, rôle qui revient à la Banque Centrale, dont la fonction essentielle est de veiller à la stabilité des prix.

Cette fonction essentielle qui le devient encore plus, au vu des chocs inflationnistes futurs dont l’intensité ne fera désormais que s’aiguiser, explique sans doute, le degré élevé de l’alerte que la Banque Centrale de Mauritanie a émise à l’endroit de la solidité financière du système bancaire, intimant aux banques de relever le niveau de leurs capitaux, et celui de leurs fonds propres, leur interdisant de surcroît toute distribution de dividendes, aussi longtemps qu’elles ne respecteraient pas le schéma de conformité qu’elle a édicté.

La décision de la Banque Centrale révèle en creux, la réalisation préalable de tests de validité des fonds propres des banques ; elle réactualise l’intérêt d’antan au coefficient de réserves, dans l’encadrement de la capacité des banques à créer de la monnaie via les crédits, les politiques monétaires ayant plutôt exclusivement recours aux taux d’intérêt directeurs , comme leviers d’action sur le niveau général des prix. (à suivre)

*Avocat à la Cour.

*Ancien membre du Conseil de l’Ordre.

*Dans une série d’articles publiés courant 2022-2023 sur Cridem sous le titre « L’inflation ! Une fatalité ? », j’avais souhaité qu’un atelier se tienne sur les chocs monétaires, auxquels allaient nous exposer les effets persistants de la crise financière de 2008, devenue une crise de la dette. Je renouvelle cet appel à toutes les bonnes consciences du pays (philosophes, mathématiciens, historiens, économistes, financiers, banquiers, juristes, anthropologues, sociologues…).





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