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Après Nouakchott : Le littoral de Nouadhibou est-il dans l’œil du cyclone des changements climatiques ?
Le Calame - Les violentes tempêtes, qui se sont abattues sur le littoral de Nouadhibou en septembre 2023, ont grignoté le trait de côte déjà mince par endroit, et démontré le besoin d’agir au plus vite. Ce n’est pas la première fois mais certainement l’une des plus violentes. Chaque fois le trait de côte recule.
Dans ses différents rapports, le GIEC, l’autorité scientifique de référence au niveau mondial, prévoit à l’échelle mondiale une augmentation du risque d’érosion et de submersion. Notre littoral est parmi les plus affectés.
Le phénomène de submersion marine aggrave l’érosion côtière et l’érosion côtière facilite la submersion marine (la mer entre dans les terres). Deux phénomènes souvent intimement liés et qui parfois agissent de concert. Avec le réchauffement climatique, on assiste à une élévation du niveau de la mer qui amplifie ces deux risques.
Le littoral de Nouadhibou, censé être protégé, au moins par endroits par les falaises de granit, est devenu, par endroits, une zone d’interface de grande vulnérabilité. La menace, pourtant bien réelle, est encore peu étudiée et donc mal comprise. Les rares diagnostics ne sont pas partagés.
La conjugaison des risques d’érosion et de submersion marine suite à l’élévation du niveau de la mer mais aussi des impacts des activités anthropiques liés au développement industriel et touristique dans la zone côtière de cette ville est devenue une évidence pour les quelques initiés.
Les effets anthropiques, qui sont théoriquement maitrisables (usines de pêche, grands complexes touristiques, ports) agiraient de concert avec les changements climatiques. Ainsi, la construction ou l’extension d’une dizaine de ports dans la Baie du Lévrier aurait eu des effets de ralentissement et de détournement de la circulation des masses d’eau, augmentant ainsi ces risques.
Créer une onde de choc
Les effets de l’érosion côtière et de l’intrusion marine pourront aussi être démultipliés par la faiblesse des infrastructures et une prévention insuffisante. La prévision n’est pas notre point fort. Les conséquences de ces deux phénomènes intimement liées, restent souvent difficiles à prévoir de façon précise dans le temps et dans l’espace. Elles pourront être d’une ampleur importante et entrainer des dégâts considérables.
Comment susciter plus d’engouement pour des actions de recherche scientifiques à l’image de Nouakchott pour qu’enfin Nouadhibou devienne un terrain d’observation qui annonce les actions de sensibilisation et d’atténuation, basées sur la Science ?
Faut-il attendre la survenue de grandes catastrophes pour commencer à se mobiliser ? Les grosses marées de septembre 2023 ne sont visiblement pas encore suffisantes pour créer cette onde d’électrochoc souvent salutaire, qui déclenche le mouvement avant qu’il ne soit trop tard et/ou très couteux d’agir pour limiter les dégâts.
Le risque d’érosion et de submersion marine dans le littoral de la Baie du Lévrier (Nouadhibou) ne parait ni quantifié, ni suivi, ni surveillé au moins pour les secteurs qui présentent des enjeux potentiellement les plus lourds: immobiliers, infrastructures, usines.
Ce sont les côtes sableuses qui sont les plus exposées et donc qui présentent les plus grands risques : baie de Cansado (ports de pêche, usines de pêches, ISSM, nouveaux sièges des Gardes Côtes et de l’IMROP..), Bountiya (usines de farine et huile de poissons, aéroport international, port de pêche artisanal, quartiers résidentiels).
Un rappel, pour les scientifiques et les élus de la ville de l’urgence à agir. Pour notre part, nous avons commencé à intervenir et pas seulement parce que notre institut (ISSM) est dans l’œil du cyclone. Nous avons depuis trois ans, mis en place une solution de fortune, qui semble tenir, basée sur la nature (palissade de palmier dattier, le Sam-Sam local, et le Sesuvium) grâce à l’appui du projet Waca (Banque mondiale/Ministère de l’Environnement). Cette approche pourrait être expérimentée dans d’autres zones sensibles.
Depuis le début de février passé, nous avons entamé une étude de caractérisation des zones vulnérables au niveau de la partie-Est de la Baie du Lévrier, là où est concentré au moins 25 % de l’économie du pays. C’est encore le projet Waca qui nous appuie. Nous voulons contribuer dans la mise en œuvre d’une stratégie locale de gestion du recul du trait de côte.
Face à cette urgence climatique, il n’est permis d’attendre.
Mahfoudh Taleb
Institut Supérieur des Sciences de la Mer