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28-05-2024

12:02

Avallahou amma seleveh : une sagesse dont on se souviendra certainement un jour

Sidi El Moctar Taleb Hamme - A l’accession de la Mauritanie à l’indépendance en 1960, l’équipe qui a eu la lourde mission de prendre en main sa destinée, avait tourné la page du passé de la lutte contre le colonisateur et pardonné même ceux qui avaient été contre la création d’un Etat Mauritanien souverain ; l’objectif premier pour l’équipe ayant plutôt été celui de réconcilier toutes les forces du pays et de les mobiliser pour ériger, ensemble, un état central et moderne où les spécificités des différentes composantes du peuple et leurs aspirations sont prises en compte dans le court, le moyen et le long terme

Jeter un regard rétrospectif rapide sur le mode de gouvernance du pays depuis cette date jusqu’aujourd’hui, fait constater que les notabilités sociales, religieuses et politiques au sens large du terme étaient et continuent, à quelques détails près, de constituer la base fondamentale de cette gouvernance et l’outil efficace de sa mise en œuvre.

De 1960 à 1978, la recherche de l’entente et du compromis, l’exploitation de la religion et de points reconnus de manière consensuelle comme étant positifs dans l’histoire du pays, constituaient, avec une représentativité plus ou moins acceptable et acceptée, le support fondamental de la politique alors suivie par Daddah.

La période des régimes militaire n’a retrouvé son équilibré qu’avec Maaouya qui a finalement réussi, après des tentatives vaines d’un changement auquel auraient adhéré des générations entières, de faire revivre ledit système traditionnel.

Avec son génie militaire, il a renforcé ce soi-disant système en l’élargissent progressivement à de nouveaux acteurs finement choisis pour en faire un contrepoids à la noblesse et la chefferie traditionnelles et un moyen aussi de les dompter: ouvrir la voie de l’enrichissement illicite rapide à des cadres et intellectuels de toutes les appartenances, à de nouveaux commerçants et hommes d’affaires, promouvoir la représentativité dans l’Administration et les postes électifs de communautés et sensibilités ayant toujours été dominées, marginalisées et laissées à leur sort.

Le point commun à cette alchimie d’acteurs et peut être le plus positif, était la solidarité sans faille et la réunion des efforts pour maintenir Maaouya Président le plus longtemps possibles. En contrepartie de leurs services, ces divers acteurs assuraient ainsi la pérennité de leurs propres intérêts au détriment du reste du peuple mauritanien et du développement du pays.

Sous les règnes d’Aziz et de Ghazouani, les catégories d’acteurs sont toujours les mêmes. Le seul changement significatif en constitue le fait que les acteurs étatiques et non étatiques ont perdu leur unité et ne se soucient plus de la durée de vie du Président au pouvoir ; ni de sa popularité auprès des citoyens et de l’extérieur et moins encore de la stabilité politique du pays. Explicitement, la nouvelle stratégie consiste, pour chacun, à profiter le maximum possible du pouvoir le temps qu’il est en place

Les raisons de ce changement de comportement sont simples et se résument dans les faits suivants : (1) Le vrai mobile des candidats à la magistrature suprême n’est jamais celui exprimé dans le programme électoral. Tout candidat à ce poste ne cherche que profiter du pouvoir et en faire profiter sa tribu, ses amis, ses serviteurs (acteurs précités) et ses partenaires de l’extérieur ;

(2) La réalisation de l’objectif ci-dessus, oblige tout nouveau Président à faire recours à des expérimentés dans la falsification, la transgression de la règlementation, le contournement des institutions et des procédures et traditions administratives, bref l’enterrement de la déontologie et de l’éthique sous toutes ses formes

Pour mettre fin à tout espoir de changement à ce sujet, on constate aisément que depuis un certain temps plus la presse et les réseaux sociaux citent le nom de quelqu’un sur la liste des propriétaires de maison à Las Palmas, au Maroc et ailleurs, plus le Président et son soi-disant système lui prêtent attention et le chargent des missions et responsabilités de confiance les plus délicates et complexes

L’émergence en cours du pôle Chine-Russie (Brics et autres), les transformations que vit la sous-région et qui se confirmeront avec le changement attendu en Côte-d’Ivoire, interpellent la Mauritanie et les Mauritaniens à plus de vigilance, de prudence et de sagesse

Le changement des mentalités et l’éveil des populations qui l’a accompagné et l’exploitation intelligente des médias et réseaux sociaux, sont des facteurs à prendre en compte par ceux qui se soucient de l’existence de la Mauritanie en tant que pays souverain ou sous tutorat d’un protecteur capable de lui garantir l’intégrité de ses frontières actuelles. Sa position géostratégique et la richesse de son sous-sol, joueront incontestablement au regard de la situation géopolitique actuelle tant pour que contre.

A propos, je rappelle aux Mauritaniens préoccupés, comme moi, par l’après Ghazouani, que l’abandon de l’approche extrêmement sage « que le passé soit chaque fois révolu, dépassé ou oublié » après toute alternance du pouvoir, est une raison de plus pour que notre intelligentsia (intellectuels et patriotes) réfléchisse à tout ce qui pourra se passer à la fin du deuxième mandat (2024-2029) que les observateurs avertis donnent déjà ; par A (U) ou par B (C) ; à Ghazouani.

En somme, le principe de la jurisprudence me fait déjà franchement peur et redouter qu’on se souvienne un jour de la sagesse « Avallahou amma seleve ».

A bon entendeur salut !

Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme




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