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22-08-2024

20:30

Docteur Hampaté Oumar Bâ, DG de l’Institut National de Recherche en Santé Publique (INRSP) : "Le malade dont a parlé n’est absolument pas infecté par la variole du singe"

Le Calame - Depuis quelques jours, plusieurs pays africains sont touchés par une maladie appelée « variole du singe ». La situation a poussé l’UA puis l’OMS à déclarer l’Urgence Santé publique de portée internationale (USPPI). Que faut-il comprendre de ces deux décisions ? Le risque est-il présent ?

Les déclarations d’urgences de santé publique lancées le 13 et 14 Août 2024, respectivement par le Centre de Contrôle des Maladies de l’Union Africaine (Africa-CDC) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sont très semblables.

À une variante près : la notion d’espace. En effet, chaque organisation a son rayon d’action et évite d’empiéter sur celui de l’autre. Africa-CDC a déclaré la maladie de la variole du singe (Mpox) en urgence de santé publique de portée continentale, tandis que l’OMS en a qualifié la portée d’internationale (USPPI). Nous n’allons pas débattre sur la notion continentale versus internationale.

Mais qu’à cela ne tienne : comprenons simplement que cette décision veut dire que l’urgence est là et agissons. Comprenons aussi qu’une telle déclaration n’est jamais prise à la légère, c’est-à-dire sans preuves tangibles. Déclarer une maladie ou un évènement comme étant une USPPI requiert un travail faramineux de collecte de données de chaque pays, compilation et vérifications de celles-ci et évaluation de la situation. Laquelle évaluation doit se faire strictement sur la base de l’instrument décisionnel du Règlement sanitaire international (RSI).

Ce n’est qu’une fois toutes ces étapes remplies et contrôlées par l’équipe d’experts qu’une décision peut être prise. Une déclaration d’USPPI est aussi un appel à l’aide stipulant que le risque pour la propagation de l’évènement vers d’autres continents est avéré et que la riposte doit être coordonnée entre les États touchés et les organisations internationales.

La déclaration d’USPPI n’est donc pas une mince affaire. Depuis la fondation de l’OMS, le 7 Avril 1948, il n’y en a d’ailleurs eu que huit : 26 Avril 2009 (virus grippe H1N1), 5 Mai 2014 (virus poliomyélite), 8 Août 2014 (virus Ebola), 1er Février 2016 (virus Zika), 17 Juillet 2019 (virus Ebola), 30 Janvier 2020 (Coronavirus), 23 Juillet 2022 (virus Mpox) et 14 Août 2024 (virus Mpox).

Il en découle que la vraie menace est là : il y a de plus en plus de virus d’origine animale qui tentent de passer la barrière d’espèce pour se retrouver chez les humains. Les experts sont d’accord pour dire qu’un jour viendra où un virus passera cette barrière d’espèce et viendra s’incorporer parfaitement dans le génome humain, causant la perte de notre espèce. C’est cela, le vrai risque mondial. Moralité, cette USPPI est réelle, le risque est là… mais d’autres USPPI suivront.

- Le président mauritanien est aussi président en exercice de l’UA. Comment appréhende-il les risques que fait peser cette maladie sur le Continent ? Que peut-on attendre de l’Union Africaine, après sa déclaration sur la maladie ?

- Le jeudi 8 Août dernier, le président de la République, son Excellence Monsieur Mohamed Cheikh El Ghazouani, président en exercice de l’Union Africaine, s’est entretenu par vidéoconférence avec le docteur Jean Kaseya, directeur général d’Africa-CDC, pour une mise au point sur la situation épidémiologique de la variole du singe (Mpox) en Afrique.

Le mardi 13 Août, Africa-CDC a déclaré celle-ci menace de santé publique de portée continentale. Lors de son entretien, le président de la République avait félicité Africa-CDC pour ses efforts décisifs et surtout proactifs dans la lutte contre les urgences de santé publique sur le Continent.

Son Excellence Monsieur Mohamed Cheikh El Ghazouani a exprimé son engagement inébranlable en faveur d’une réponse coordonnée et solide, menée par Africa-CDC, en insistant pour que cette réponse implique tous les États-membres et les partenaires.

Notons que ce point de vue sur la parfaite coordination dans la réponse est d’une importance capitale. Le RSI tient d’ailleurs beaucoup à la coordination inter-États et partenaires dans la riposte aux épidémies.

Ces leadership et engagement du président en exercice de l’UA témoignent de sa détermination à protéger la santé et le bien-être des Africains, stopper l’épidémie Mpox et renforcer les systèmes de santé du Continent pour l’avenir. Il n’y a pas de doute sur ses capacités à bien mener et conduire la riposte sur le continent africain.

Dans un passé récent, cette capacité s’était déjà distinguée : le 6 Avril 2023, son Excellence Monsieur Mohamed ould Cheikh El Ghazouani recevait un bouclier honorifique de l’OMS, en reconnaissance des efforts déployés, par lui personnellement et par le gouvernement mauritanien, dans la lutte contre la pandémie Covid-19. Il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas ainsi pour cette épidémie Mpox.

Maintenant, tout le monde sait que le risque zéro n’existe pas et que tous les pays ne sont pas au même degré de risque mais c’est le continent africain qu’il faut sauver et c’est l’objectif de son Excellence Monsieur Mohamed Cheikh El Ghazouani, président en exercice de l’Union Africaine. Quant à celle-ci, elle a des mécanismes qui lui permettent de mobiliser des fonds, des matériels (tests de diagnostic, vaccins, médicaments et autres) pour faire face de façon coordonnée à l’épidémie Mpox.

- Quelles sont les causes et les signes d’alerte de cette maladie ? Comment se transmet-elle ?

- D’abord, ne confondons pas variole humaine et variole du singe. La première a déjà été éradiquée depuis 1980 grâce à la vaccination. La seconde qui nous concerne actuellement se présente comme une forme atténuée de la variole humaine, avec des symptômes moins graves et une létalité beaucoup plus faible. Cependant, le Mpox peut être grave chez les enfants, les femmes enceintes ou les personnes dont le système immunitaire est affaibli.

Ensuite, pourquoi l’appelle-t-on variole du singe ? Le virus Mpox a été isolé pour la première fois en 1958, au sein d’une colonie de singes à Copenhague, au Danemark. Ces primates présentaient des lésions cutanées qui évoquaient la variole humaine.

D’où le nom de variole du singe, attribué à cette maladie. Bien qu’on l’appelle encore fréquemment de cette façon, ce n’est pas via les singes que cette maladie se transmet à l’humain mais à partir des rongeurs qui constituent le réservoir de ce virus. La transmission à l’humain se fait, soit par contact direct avec des animaux infectés, soit par contact avec les lésions cutanées ou les fluides biologiques d’une personne infectée, soit, de façon indirecte, via des matériaux contaminés (comme la literie ou les surfaces).

Les symptômes comprennent généralement de la fièvre, des maux de tête, des douleurs musculaires, des maux de dos, un gonflement des ganglions lymphatiques, des frissons et de l'épuisement. Une éruption cutanée apparaît souvent un à trois jours après l'apparition de la fièvre. Elle commence sur le visage et s'étend ensuite à d'autres parties du corps. Le test de laboratoire constitue le seul moyen indiscutable de confirmer la maladie.

- Face à la menace, quelles sont les mesures préventives que la Mauritanie, pays certes éloigné des seize autres déjà contaminés, est-elle en train de prendre ? L’INRSP dont vous êtes le directeur général dispose-il de moyens de dépistage en vue de prendre en charge les éventuels cas ? Dispose-t-on chez nous de doses de vaccins ?

- Comme dit plus haut, le risque zéro n’existe pas et notre pays s’est donc volontairement mis en phase d’alerte pour parer à toute éventualité. Ainsi le ministère de la Santé a réactivé l’ensemble du dispositif de surveillance, prévention, détection précoce et riposte aux épidémies.

Ces mécanismes avaient parfaitement bien fonctionnés durant la pandémie Covid-19, l’épidémie de fièvre de la vallée du Rift, l’an dernier, et l’actuelle épidémie de rougeole. Dans la foulée, les services spécialisés du ministère de la Santé ont partagé, sur instruction du ministre, une circulaire avec l’ensemble du personnel médical appelant à plus de vigilance.

Une note technique contenant la définition de cas de Mpox, les signes cliniques, la fiche de notification, les techniques de prélèvement, les directives sur le suivi des contacts et la prise en charge des cas, a été en outre largement ventilée.

L’Institut National de Recherche en Santé Publique (INRSP) dispose pour sa part de plusieurs laboratoires, notamment un spécialisé dans le domaine du diagnostic des maladies virales.

D’ailleurs le cas suspect, à propos duquel le ministère vient de publier un démenti de l’existence de cas de variole de singe en Mauritanie, a été testé par la technique RT-PCR ; ici, dans ledit laboratoire de l’INRSP, grâce à une équipe formidablement bien formée en virologie. Nous avons aussi procédé aux lancements de plusieurs commandes additionnelles de réactifs, au cas où. Enfin nos deux laboratoires mobiles sont prêts à être déployés partout sur l’étendue du pays en cas de besoin.

- Quels sont les conseils que vous voudriez adresser aux citoyens mauritaniens face à cette menace qui ne connaît pas de frontières ?

- Je ne peux pas aller au-delà de ce que le ministère de la Santé a prodigué le 16 Août dans sa note d’information au public. Le Département invite le personnel médical à la vigilance, à la recherche active, la notification immédiate et la prise en charge des éventuels cas. Mais surtout de rester hautement professionnel dans l’exercice de sa fonction. Quant à nos concitoyens, ils ne doivent pas contribuer aux colportages de rumeurs et savoir que le ministère de la Santé communiquera à chaque fois que le besoin se fera sentir.

- Justement des rumeurs ont circulé faisant état de la découverte d’un cas de variole du singe, ce que le ministère de la Santé a démenti, ainsi que vous venez de le rappeler. Que faire pour éviter de susciter la panique chez nos concitoyens ?

- À cette question, permettez de répondre à la première personne et d’apporter une précision de taille. C’est mon équipe et moi-même qui avons procédé, à 22h au centre hospitalier de Nouakchott, aux prélèvements nasopharyngé et de grattage des pustules sur le patient suspecté de Mpox. C’est moi qui ai acheminé les deux échantillons au laboratoire de l’INRSP.

Et c’est mon équipe et moi-même qui avons procédé à l’extraction de l’acide nucléique en ceux-ci et à l’amplification du matériel extrait. Toute la manipulation au laboratoire a duré 2h30. Puis nous avons communiqué, à 1h43 du matin, le résultat des analyses à Son Excellence monsieur le ministre de la Santé. Il attendait le résultat de pied ferme et avec beaucoup de sérénité. Je confirme que les deux échantillons se sont révélés négatifs au Mpox.

Le patient en est donc indemne et le communiqué du ministère de la Santé mentionne clairement que ledit malade n’est absolument pas infecté par la variole du singe. Cette affirmation est basée sur le résultat des analyses du laboratoire de virologie de l’INRSP. Je rappelle qu’en santé publique, la confirmation d’une suspicion ne peut se faire que sur la base d’un résultat de laboratoire.

Je ne sais pas comment cette rumeur est née et s’est propagée. En tout cas, elle ne vient pas du corps médical. Si les nouvelles techniques de communication, notamment les réseaux sociaux, facilitent l’interconnexion entre les hommes, elles contribuent aussi au colportage des plus folles rumeurs. Évitons donc d’en être le relais.

Mitterrand ne disait-il pas, au sujet de la rumeur : « laisse-la courir ; quand elle sera fatiguée, elle s’arrêtera d’elle-même ». Il avait bien raison : je pense que celle-là s’est effectivement arrêtée d’elle-même.

Propos recueillis par Dalay Lam



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