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La Mauritanie, pionnière avec sa loi sur l’hydrogène
Classe Export - Récemment adopté, le texte prévoit notamment la mise sur pied d’une agence de l’hydrogène. Objectif : mieux organiser les projets industriels qui cumulent des promesses d’investissements de milliards d’euros de groupes comme TotalEnergies, BP ou CWP.
En préparation depuis plusieurs années, la Loi sur l’hydrogène est désormais une réalité en Mauritanie. Le texte, très succinct, qui compte une dizaine d’articles, a été adopté à Nouakchott par le Conseil des ministres du 23 juillet dernier, sous la présidence de Mohamed Cheikh El Ghazouani (réélu le 29 juin). Il se traduira par la création d’un des premiers Code de l’hydrogène vert au monde.
Celui-ci vise à mettre en place un cadre légal incitatif et transparent pour le développement du secteur. Cette industrie sera placée sous la tutelle du Ministre des Énergies et du Pétrole remanié à l’occasion de la formation d’un nouveau gouvernement le 6 août et dont le titulaire est Mohamed Ould Khaled, ancien directeur général de la Société Mauritanienne des Hydrocarbures.
Selon les pouvoirs publics, ce Code « constitue une première étape pour réglementer les différentes activités industrielles en amont et en aval, brutes et raffinées du processus de production de l’hydrogène vert, et pour renforcer la confiance des investisseurs internationaux qui manifestent un intérêt croissant pour le développement et l’exploitation des projets dans ce domaine«.
A noter qu’au cours du même conseil des ministres a été adopté un autre texte qui favorise le contenu local et les PME nationales dans les secteurs des industries extractives et de l’énergie, dont l’hydrogène.
Selon la délégation de l’Union européenne en Mauritanie, « avec l’adoption du Code de l’hydrogène, une étape décisive pour le développement de l’hydrogène vert en Mauritanie est franchie. L’Union européenne va poursuivre son accompagnement dans ce secteur« .
Avec le code, les autorités mauritaniennes veulent aussi se doter de nouveaux outils institutionnels, en particulier la création d’une Agence de l’hydrogène, une première en Afrique. Le but de l’agence sera d’assurer un suivi opérationnel des nombreux projets annoncés ou en phase de structuration par des industriels.
Ces projets prévoient l’investissement massif dans des capacités de production d’électricité verte (solaire et éolienne) destinées à extraire l’hydrogène à partir d’eau de mer grâce à d’importantes installations d’électrolyseurs.
Dans la plupart des schémas prévus, ce gaz produit doit être ensuite vendu sur le marché européen. Les secteurs industriels comme la sidérurgie ou les engrais vont, en effet, devoir verdir leurs procédés, en particulier grâce à l’hydrogène, ces prochaines années en raison de quotas d’émission de CO2 de plus en plus sévères en Europe.
Le potentiel de production d’électricité pour extraire de l’hydrogène bas carbone est estimé à 4 000 GW, par les autorités mauritaniennes, dont 10 % exploitables dans l’immédiat. Il faut toutefois noter qu’aujourd’hui, aucune installation à l’échelle industrielle dans le monde n’a pu montrer une preuve de viabilité.
Les projets annoncés par les industriels en Mauritanie sont pour l’essentiel aujourd’hui au stade des études de faisabilité. Ils se distinguent par leur ampleur, à l’image du projet « Aman », initié par l’Australien CWP. Celui-ci prévoit la mise en route de 18 GW de capacité éolienne et de 12 GWc de photovoltaïque pour produire de l’hydrogène et de l’ammoniac avec des investissements estimés à 40 milliards de dollars.
De leur côté, TotalEnergies et l’autrichien Verbund ont rejoint le britannique Chariot sur le projet nommé « Nour » qui vise à développer 10 GW de capacités d’électrolyse. Ces partenaires ont mené une étude de préfaisabilité ce premier trimestre sans aller plus loin, pour l’instant.
Associé à Conjuncta, une jeune entreprise allemande, le groupe Infinity Power (détenu par AFC, la Berd et Masdar) avait, pour sa part, signé en mars 2023 un mémorandum avec les autorités mauritaniennes pour développer 10 GW de capacité d’électrolyse avec une production estimée de 8 millions de tonnes par an d’hydrogène vert. BP, quant à lui, avait signé fin 2022 un accord préliminaire avec la Mauritanie pour un projet du même ordre de grandeur.
Pierre Olivier ROUAUD