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Quelques observations sur les déclarations du Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH)
Le Quotidien de Nouakchott - Sur la base d’un certain nombre de griefs qu’il a énumérés, Monsieur le président de la CNDH, a affirmé que le procès de l’ex-président Abdel Aziz et autres n’a pas été équitable (et juste). Il a énuméré à l’appui de sa position ou son avis trois arguments que nous analyserons ci-après :
1- L’instruction a été inéquitable, l’interrogatoire devant le juge n’a duré que 45 minutes pour les accusés, affirme-t-il.
Sur ce point, Monsieur le président a quelque peu manqué de rigueur dans la présentation des faits. Si par ces propos, il évoque le cas de l’accusé principal , celui-ci s’est notoirement emmuré – pour ne pas répondre aux questions du pôle d’instruction composé de trois magistrats -, derrière une lecture partisane de l’article 93 de la constitution qui , à ses yeux , lui confère une immunité absolue.
Cette attitude ne pouvait raisonnablement qu’écourter la durée de la comparution de l’accusé devant le pôle d’instruction ; l’audition devient ainsi inutile et même contraignante pour l’accusé lui-même.
Les autres accusés ont, quant à eux, disposé de tout le temps pour répondre, sans aucune contrainte aux questions du pôle d’instruction sur les faits en cause. Nous signalons aussi que la durée des interrogatoires n’est pas un critère technique pour dire que l’instruction n’a été qu’à charge ou à décharge ; les missions du juge d’instruction sont beaucoup plus larges et englobent les taches énumérées au code de procédure pénales que le pôle d’instruction a bien accomplies et consignées dans une ordonnance de renvoi de plus de cent pages .
2- La durée de l’instruction a été longue affirme aussi Monsieur le président qui ajoute que l’accusé doit être édifié dans les meilleurs délais sur son sort.
Pourtant, en la matière, la célérité est au contraire suspecte ; la défense de l’accusé a eu constamment recours au dilatoire : elle a soulevé plusieurs exceptions qui ont demandé l’intervention du CC ; elle a usé de toutes les voies de recours contre les actes posés par le juge ; elle a prolongé inutilement les plaidoiries ; elle s’est retirée du procès plus d’une fois pour revenir deux ou trois jours plus tard.
Monsieur le président a-t-il omis, par ailleurs , que ce dossier comportait un large spectre de faits , actes et transactions supposés frauduleux dans divers domaines : foncier, pêche, règlementation des changes , Energie solaire…… ; et que cela a nécessité un énorme travail .
Au regard de ces éléments incontestables, la durée de l’instruction n’a pas été excessivement longue et de surcroit la durée d’une instruction de ce niveau n’est pas un critère permettant d’affirmer que le procès n’a pas été équitable.
3- Le tribunal n’a pas accepté de recevoir les déclarations des témoins de l’accusé alors qu’il a entendu ceux de l’accusation soutient enfin le président de la CNDH.
Rétablissons les faits : plusieurs témoins proposés par la défense de l’accusé au tribunal ont bien été entendus par la Cour dont en particulier Messieurs Sidi Salem et Haimoud Ramdane. Rappelons aussi que la citation d’un témoin doit nécessairement avoir pour but d’éclairer le juge sur tel ou tel fait matériel précis, chiffre ou date qu’il a vu ou entendu dire et qui pourraient être en rapport avec l’affaire en cours d’examen par le juge en question .
Or la défense de l’accusé a demandé à la Cour de faire convoquer deux catégories de témoins :
– des personnes suspectées d’adversité politique particulière à l’égard de l’accusé principal pour pouvoir les soumettre devant le public à un interrogatoire ‘’gênant’’ ou tout au moins avec une tonalité agressive;
– des personnes, à l’opposé, connues pour leur sujétion et attachement affectif ou politique à l’égard du même accusé qui, sous le masque de témoins à décharge devaient venir faire ses louanges.
Ceci étant, des questions pourtant essentielles ont été omises lors de l’évaluation de ce procès par Monsieur le Président ; il aurait dû y répondre avant de pouvoir qualifier le procès d’équitable ou non équitable :
1- La séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement a-t-elle été respectée ?
2- Les faits et actes incriminés sont-ils ou non prévus et punis par des textes de loi adoptés antérieurement à leur supposée commission par les accusés ?
3- N’a-t-on pas constamment rappelé aux accusés leur droit de ne pas répondre aux questions qui leur sont posées par les mêmes juges ?
4- Leur défense a-t-elle été empêchée d’exercer une voie de recours contre telle ou telle décision rendue à l’encontre des accusés ?
5- A-t-on soumis les accusés à la torture ?
6- Ont-ils été privés du droit de visite ou de soins médicaux appropriés ?
7- A-t-on condamné l’un des accusés sur la base d’un aveu obtenu par la torture, la violence ou la contrainte ?
8- Le magistrat instructeur ou celui du jugement ont-ils, l’un ou l’autre, manifesté un parti pris contre un accusé ?
Par ailleurs, le droit à un procès équitable – faut-il le rappeler, impose au magistrat d’observer une attitude sereine, équitable et juste. L’exercice de ce droit exige aussi des avocats des parties – accusés et parties civiles – l’obligation d’exercer leur ministère en toute indépendance, dans le respect des règles qui fondent la profession d’avocat sans s’identifier à leur client.
Fort de la mission de son organisation et du rôle qui est le sien – qu’il a pertinemment rappelés dans son interview -, Monsieur le Président n’aurait-il pas dû se prononcer sur toutes ces questions ?
Un citoyen écœuré