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01-11-2024

09:54

Inondations en Espagne: en colère face à une aide jugée trop lente, les Valenciens s'organisent

RFI-Afrique - Le bilan des inondations dévastatrices dans le sud-est de l'Espagne a atteint 158 morts, a rapporté le gouvernement jeudi 31 octobre au soir, et il pourrait s’alourdir, car les recherches se poursuivent pour retrouver « des dizaines et des dizaines de disparus ». Pour venir en aide aux sinistrés des pires intempéries depuis 50 ans, le Valencia Basket Club a ouvert un centre d'hébergement d'urgence dans son gymnase.

En plus des 158 morts et les dizaines de disparus, les pires inondations en Espagne depuis un demi-siècle ont causé des dégâts matériels incommensurables, au minimum 5 000 véhicules, voitures et camions, encore bloqués. Elles ont surtout touché Valence et ses environs, mais les dégâts vont au-delà.

Sur le parvis ensoleillé d’un gymnase, les mines sont fatiguées. Quelque 150 sinistrés sont accueillis dedans, rapporte notre envoyée spéciale à Valence, Pauline Gleize. « On a monté un dispositif avec des choses que l’on nous amène, des entreprises ont collaboré, raconte Alberto Chilet, du Valencia Basket. On a reçu des matelas. On a ouvert les vestiaires pour qu’ils puissent prendre une douche chaude. Il y a une infirmerie et une assistance psychologique. »

Grâce aux dons, le centre d’hébergement peut aussi distribuer des vêtements… de quoi dépanner Teofilo Enrique Sedeño Moreira : « Un ami m’a prêté un short et des chaussures et puis ici, ils m’ont donné des habits pour aujourd’hui. » Mais ce n’est pas pour cela que ce rescapé et sa famille, coincés loin de chez eux, sont venus : « Il y a une enfant mineure dans l'une de nos maisons sans personne pour prendre soin d’elle. Donc, on est ici, pour trouver un moyen d’aller là où l'on doit aller. »

L’alerte interrompt son neveu en pleine conversation. « Depuis le jour de la tragédie, les alertes retentissent sans arrêt pour nous dire de ne pas nous déplacer. Alors, on est contraint de revivre cette frayeur. »

Ils se consolent : au moins, toute la famille est en vie.

Colère en raison d’une aide jugée trop lente

Dans la périphérie de Valence, la ville d’Alfafar est isolée depuis qu’elle a été dévastée par l’eau. L'électricité est revenue de manière intermittente, l'eau n'est pas potable, et aucun magasin d'alimentation n'est ouvert. Jeudi 31 octobre, une distribution alimentaire a été organisée mais certains soulignent une arrivée tardive.

Le maire d'Alfafar Juan Ramon Adsuara, fait partie de ceux en colère : « Il faut que l’armée vienne, parce qu’on a encore 8 000 habitants isolés », avec à certains endroits, « des morts dans les voitures ».

Je n'ai pas dormi depuis mardi après-midi, quand les inondations ont commencé. Alors je ne sais pas pourquoi l'aide alimentaire a pris du retard : je n’ai vu personne et je n’ai parlé à personne. Je suis ici pour faire ce que je peux avec les habitants.

Ce matin, je suis intervenu dans les médias nationaux pour lancer un appel à l'aide. Il faut que l’armée vienne, parce qu’on a encore 8 000 habitants isolés. Ici maintenant, ça va. Ici, il y a 12 000 habitants. Mais, un peu plus loin, il y a d’autres quartiers isolés. Il y a 10 000 personnes de plus et là-bas, on n'a pas encore pu y aller.

Ici, il y a déjà de l’eau et de l'électricité, mais là-bas, il y a des morts dans les voitures. Nous essayons de les atteindre maintenant. Alors, bien sûr, on est en colère à Alfafar, parce que nous avons besoin du déploiement de l’armée. J'ai demandé au gouvernement et au ministre de déployer tous les moyens qu'ils soient aériens ou autre, pour pouvoir entrer dans ces quartiers.

Les tensions entre gouvernement et opposition à l’origine de la lenteur de la réponse ?

Derrière cette lenteur, certains pointent du doigt la crispation politique entre le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez et le chef de l’opposition de droite Alberto Núñez Feijóo. D’autant que les dégâts dépassent Valence et ses environs : l’ampleur de cette dépression isolée à un niveau élevé (Dana) s’étend ailleurs, en Andalousie, à Castellon au nord de Valence et vers Tarragone, au sud de Barcelone.

Comme à chaque fois que les leaders et les partis politiques se déchirent, le roi intervient : Philippe VI n’a pas manqué d’appeler à l’unité entre tous les Espagnols et leurs responsables politiques face à cette « tragédie historique ». Une allusion comprise par tous, rapporte notre correspondant à Madrid, François Musseau.

Le chef du gouvernement socialiste Pedro Sánchez et le leader de l’opposition libérale Alberto Núñez Feijóo sont à couteaux tirés. Ce dernier a reproché à plusieurs reprises au Premier ministre de ne lui fournir aucune information.

Crispation politique aussi entre le ministère de l’Intérieur et le président régional de Valence au sujet des alertes qui sont arrivées sur le téléphone portable des Valenciens pour leur signifier l’imminence des pluies diluviennes et la nécessité de se protéger : ces alertes sont arrivées 10 heures en retard et ce manque de coordination a pu être l’origine de nombreux morts. La région dit que c’était de la compétence du ministère de l’Intérieur, et ce dernier soutient exactement le contraire.

Les autorités parlent de former un front commun face à la pire catastrophe naturelle en un demi-siècle en Espagne. Encore faudrait-il, disent nombre d’éditorialistes, joindre le geste à la parole.

Réactions à la COP16

Les inondations meurtrières en Espagne ont résonné aussi en Colombie, où se déroule la COP16 sur la biodiversité, constate notre envoyée spéciale à Cali, Lucile Gimberg. « Si nous agissons sur la biodiversité, nous pouvons au moins amortir certains des impacts climatiques », a déclaré Florika Fink-Hooijer, directrice générale Environnement de la Commission européenne sur place.

La tragédie espagnole montre aussi l'étendue du mal que l'humanité s'inflige en détruisant les espaces naturels, notamment les zones autour des rivières. Et les stratégies nationales biodiversité que les pays fournissent à l’occasion de cette COP Biodiversité offrent la possibilité de transformer notre façon d’aménager le territoire pour devenir plus résiliant.

Ce qui s'est passé en Espagne est lié au fait qu'on n'a pas laissé aux rivières des espaces pour déborder. Ces espaces de débordement sont en plein dans la ville de Valence. L'application entière du Cadre mondial pour la biodiversité, et sa traduction dans les pays, pose des vraies questions de changement, qui sont coûteuses, mais qui, dans le long terme, peuvent sécuriser ces territoires et éviter les drames auxquels on fait face aujourd'hui.

Les conséquences économiques des inondations en Espagne pourraient «toucher de manière disproportionnée les personnes à faible revenu»

Il est encore tôt pour chiffrer précisément les dégâts, mais on sait déjà qu'ils s'annoncent considérables dans la région de Castellón, importante pour l'économie espagnole.

Rares sont les secteurs qui échappent aux conséquences économiques des inondations. « La région de Valence est la quatrième la plus importante sur le plan économique pour le pays. L'industrie y est très présente, notamment l'automobile. Il y a une usine Ford, mais aussi une industrie manufacturière. Nous avons également des cultures endommagées et des pertes de nourriture », explique Jason Graffam, de l'agence de notation financière Morning Star DBRS.

La dernière catastrophe d'ampleur en Espagne remonte à 2019, sur les côtes méditerranéennes. À l'époque déjà, les dégâts s'élevaient à plus de deux milliards d’euros. On attend donc des sommes encore plus importantes pour ces inondations historiques.

Mais Jason Graffam craint surtout les conséquences sur les Espagnols les plus modestes. « Les catastrophes naturelles ont des conséquences économiques inégales. Je me suis penché sur certains travaux de recherche réalisés à la suite des inondations en Allemagne en 2021. Certaines conclusions indiquaient qu'elles avaient touché de manière disproportionnée les personnes à faible revenu », ajoute-t-il.

Plusieurs associations ont demandé au gouvernement espagnol de déclarer l’état d’urgence, afin de débloquer des aides exceptionnelles pour les territoires les plus sévèrement touchés.



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