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Conférence sur l'esclavagisme en Mauritanie et la traite des êtres humains en Europe
Conférence organisée par l'asbl Le Monde des Possibles, le 21 novembre 2024, à Liège, en Belgique.
Intervenants: Ibrahima Wélé, chargé de communication des FLAM en France et Diaw Moussa Kalidou, originaire de la Mauritanie, chargé de la sensibilisation et de la mobilisation au sein de l’IRA Belgique, relais communautaire du GAMS Belgique, et interprète en milieu social au Monde des Possibles.
Merci beaucoup à Monsieur Didier Van der Meeren, ainsi qu’à son équipe, de m'avoir donné l'occasion de créer cette journée de sensibilisation relative à l'esclavage en Mauritanie.
1. Historique de l’esclavage
« D’où vient le phénomène, comment a-t−il évolué ? »
Dans le système esclavagiste, l’esclave ne se distingue pas, et ce par définition, de la force de travail qu’il incarne. Il est cette force de travail et donc aussi un instrument de travail dépouillé de toute individualité et de toute humanité. Il n’est pas dans une relation de travail avec son maitre: il est la possession ou plutôt la propriété privée de ce dernier qui par conséquent en a la complète maitrise.
En Mauritanie, comme dans de nombreux pays où est invoqué le phénomène de l’esclavage, se pose la question lancinante de savoir si le terme est approprié pour définir la réalité. L’une des conséquences les plus importantes de cette évolution a été l’apparition rapide d’une minorité de riches haratins, en ruptures avec la masse pauvre des kebbas (bidonvilles) ou des Adwabas (campements), n’entretenant avec elle que des rapports d’exploitation proche de celui vécu chez les anciens maitres.
Existe t− il une caste dite « esclave », quelles sont les origines de cette caste et de l’esclavage de manière générale en Mauritanie ?
La caste dite « esclave » existe chez les maures blancs (beydan) qui se dit « abd ou abid » (au pluriel), chez les peuls « maccudo », chez les soninkés « komo », et les wolofs « jam ».
L’ensemble maure, constitué humainement d’un brassage entre les berbères et les arabes avec un apport négro africain non négligeable, et bâti principalement sur une économie nomade et commerçante traditionnelle, va donner naissance à un esclavagisme conquérant dont la Constitution définitive durera du XVIIè au XIXè siècle. Outre l’esclavage domestique qui prend appui sur les taches d’élevage, l’agriculture dans les palmeraies et les tâches ménagères, le système beydan (arabes blancs) va se connecter à la négrière, en contribuant par des razzias, à alimenter les comptoirs européens de Saint Louis du Sénégal et de l’ile de Gorée (Dakar) en bois d’ébène et autres produits au vue (la gomme arabique).
2. Politique du gouvernement
La position du Gouvernement Mauritanien vis-à-vis de l’esclavage.
Malgré son abolition par trois fois en 1905, en 1981 et en 2007, l’esclavage persiste en Mauritanie et les militants antiesclavagistes sont toujours poursuivis et arrêtés.
En 2O15, le gouvernement mauritanien a créé trois tribunaux spéciaux pour juger les personnes accusés de pratiques d’esclavage, mais il n’a également enquêté que sur quelques cas.
Selon le rapport de 2020 sur la Traite des personnes du Département d’Etat Américain, la Mauritanie a enquêté sur un cas et inculpé cinq personnes pour traite d’êtres humains. Le rapport note qu’aucun propriétaire d’esclaves n’a été détenu en prison. Le 13 août 2015, l’esclavage est considéré comme un crime contre l’humanité, mais le gouvernement mauritanien encourage toujours l’esclavage.
Dans un rapport écrit en 2018 par l’organisation Walk Free, l’indice mondial sur l’esclavage estime que 90.000 personnes sont victimes d’esclavage en Mauritanie.
Selon le président de IRA Mauritanie Biram Dah Abeid, 20% de la population sont des esclaves. Pour se défaire de ce fléau, rien ne sera facile vu la situation.
" Existe t−il des mouvements de libération, des associations soutenants la libération des esclaves? "
Il y a bien-sûr des associations qui défendent et luttent pour les droits de l’homme, surtout contre l’esclavage :
SOS ESCLAVES MAURITANIE a été créée en 1995 et a été reconnue le 27 mai 2005 par Mr Boubacar Ould Messoud contre l’esclavage. Elle est à la disposition des victimes de l’esclavage pour les écouter tout le temps nécessaire, et confère l’examen de leurs problèmes à une équipe pluridisciplinaire qui recherchera avec elles des solutions en harmonie avec leur nouvelle vie.
"Existe t−il des mouvements de libération, des associations soutenants la libération des esclaves?"
Mr Boubacar Ould Messoud a été arrêté et jugé plusieurs fois dans sa lutte contre l’esclavage et il a dénoncé des crimes racistes des années 1989 -1992, notamment les déportations et les exécutions extrajudiciaires de centaines de Négro Mauritaniens Peuls.
En 2008, BIRAM DAH ABEID fonde IRA Mauritanie, ou l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), une organisation de lutte populaire. Le 28 avril 2012, Biram Dah Abeid a procédé à l’incinération de quelques livres de droit musulman favorisant l’esclavage.
“Existe-t-il un mouvement citoyen permettant de remettre du lien entre les familles séparées ?”
Oui, il y a bien des mouvements citoyens comme SOS ESCLAVES de Mauritanie, Association Mauritanienne des Droits de L’Homme et IRA Mauritanie qui ne ménagent aucun effort à libérer les esclaves de leurs maîtres, mais le Gouvernement ne participe pas clairement à la libération effective et n’applique aucune sanction contre les auteurs. L’esclavage en Mauritanie est un cas complexe et il faudra beaucoup d’années pour éradiquer ce fléau.
Je ne peux terminer sans rendre un grand hommage à ma défunte belle-mère Barakatou Mint Moudy pour son courage à racheter ses trois filles, et son unique garçon dont feue mon épouse Mbarka Eleina Mint Ethmane.