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L’avenue de l’Indépendance : 64 ans d’histoire en péril
Le Calame - Nouakchott, une ville sans âme, sans passé et probablement sans avenir. Ses monuments historiques tombent en ruines s’ils ne sont tout simplement détruits. D’où la nécessité de conserver le peu de mémoire qu’il lui reste.
L’avenue de l’Indépendance, artère emblématique de Nouakchott, symbolise depuis 1960 les aspirations et la mémoire collective de la Mauritanie. Cet espace chargé d’histoire, témoin de grands événements, est aujourd’hui confronté à des transformations rapides qui mettent en péril son identité architecturale et culturelle.
Pourquoi s’acharner contre la mémoire de Nouakchott et ignorer les directives pourtant claires du ministère de la Culture ? Les bâtiments historiques, protégés par un arrêté ministériel, devraient bénéficier d’une attention particulière pour préserver leur intégrité et leur importance symbolique.
Une architecture et des symboles en péril
L’avenue, autrefois bordée d’eucalyptus majestueux, a perdu ces arbres qui participaient à son identité et à son écosystème urbain. Les bâtiments qui la jalonnaient, témoins de l’histoire de la capitale, subissent des destructions ou des altérations marquées par une modernisation parfois maladroite. Parmi ces édifices :
• L’École 8, lieu de la première Assemblée constituante, un symbole politique central, a été détruite, effaçant un site fondateur de l’histoire nationale.
• La Tribune officielle, point focal des célébrations du 28 novembre et siège des bureaux du journal Le Peuple, a disparu, emportant une partie de la mémoire collective.
• Le siège du Sénat, anciennement Assemblée nationale, a été rasé. Ce lieu historique avait abrité des discours marquants, notamment celui de la nationalisation de la MIFERMA par le président fondateur Mokhtar Ould Daddah.
• Le Palais ocre, dont la perspective majestueuse était un point d’ancrage visuel, est aujourd’hui masqué par une grande muraille.
• La Chambre de commerce, restaurée grâce aux efforts de feu Mohamedou Ould Mohamed Mahmoud, a retrouvé sa place comme joyau patrimonial. Cependant, sa façade en pierre taillée, emblématique d’un savoir-faire architectural unique, a été recouverte de matériaux modernes tels que le faux marbre et l’aluminium (hallucobond), altérant son caractère historique.
Ces transformations effacent progressivement les traces matérielles de l’histoire mauritanienne, au risque de dénaturer le cœur symbolique de Nouakchott. Pourquoi ne pas respecter l’arrêté du ministre de la Culture qui impose des mesures de protection pour ces bâtiments historiques ?
Des bâtisseurs et intellectuels de l’Avenue
L’histoire de cette avenue ne se limite pas à son architecture. Elle reflète aussi les contributions d’intellectuels, de journalistes et de bâtisseurs qui ont marqué la naissance et l’évolution du pays :
• Mohamed Yehdih Ould Breideleil, journaliste et écrivain, a transformé le journal Le Peuple en une tribune pour les aspirations nationales et un espace d’expression intellectuelle.
• Mohamed Saïd Ould Hamody, journaliste, diplomate et défenseur des causes justes, a enrichi le débat public et diplomatique de la Mauritanie indépendante.
• Moktar Ould Haye, jeune contestataire devenu ministre, a contribué à l’intellectualisation des débats en tant que rédacteur à Sayhat Almadhloum, l’organe des Kadihine, et qui a fait ses premiers pas de journalisme au journal Le Peuple.
• SE Mohamedou Ould Mohamed Mahmoud, diplomate passionné et bâtisseur, a entrepris la réhabilitation de monuments historiques comme la Chambre de commerce, incarnant la préservation et la modernisation harmonieuse de l’héritage national.
Un appel à la mémoire collective
L’avenue de l’Indépendance est bien plus qu’un axe routier. Elle est le témoin des rêves, des sacrifices et des ambitions d’un peuple. Alors que les modernisations récentes effacent peu à peu son histoire tangible, plusieurs mesures devraient être prises pour protéger son héritage:
1. Appliquer l’arrêté du ministre de la Culture relatif au classement des édifices historiques :
restaurer et revaloriser les monuments historiques encore existants.
3. Réintégrer un patrimoine naturel en replantant des palmiers et arbres adaptés pour recréer l’atmosphère d’origine et contribuer à l’écosystème urbain.
4. Valoriser les figures fondatrices : Instaurer des expositions, des publications et des lieux de mémoire dédiés à toutes personnalités qui ont marqué l’avenue.
Préserver l’avenue de l’Indépendance, c’est honorer l’histoire, la culture et la souveraineté de la Mauritanie, tout en offrant aux générations futures une source d’inspiration enracinée dans la mémoire collective. Ne pas agir, c’est risquer de sacrifier un patrimoine inestimable au nom d’une modernité mal maîtrisée.
Ahmed Mahmoud Ould Mohamed dit Gemal