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Lettre à la république : Appel à la reconnaissance officielle et à la justice pour les victimes du génocide de 1989
Monsieur le Président,
Je m’adresse à vous aujourd’hui, à l’occasion du 28 novembre, au nom de toutes les victimes, des familles endeuillées, et des générations marquées par une tragédie qui reste enfouie dans le silence de l’État mauritanien : le génocide de 1989.
Ce drame, qui a coûté la vie à des centaines de personnes, forcé des milliers d’autres à l’exil ou au déplacement, et détruit des communautés entières, demeure une plaie ouverte dans l’histoire de notre pays.
Ces événements tragiques ne peuvent être réduits au terme ambigu de « passif humanitaire », comme l’ont fait les régimes qui vous ont précédé. Il s’agit bien d’un génocide, perpétré de manière systématique, dans le silence et avec l’intention manifeste d’éliminer une partie de la population mauritanienne en raison de son appartenance ethnique (Peuls, Wolofs et Soninkés).
Les exécutions sommaires, les disparitions forcées, les viols, et les déplacements forcés témoignent d’une volonté politique claire à l’époque. De plus, l’exécution collective de 28 soldats noirs, le 28 novembre 1990, jour de l’indépendance, témoigne la volonté du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed TAYA d’éliminer les négro-mauritaniens du pays.
Pourtant, malgré la gravité des faits, vous continuez d’étouffer la vérité. Non seulement vous refusez de reconnaître officiellement ces actes comme un génocide, mais vous protégez également certains des responsables qui, aujourd’hui encore, occupent des postes de hautes responsabilités. Cette impunité prolongée est, non seulement, une insulte à la mémoire des victimes mais aussi une invective au peuple mauritanien qui se définit musulman.
Monsieur le Président, il est temps que l’État mauritanien assume ses responsabilités face à son histoire. Les familles des victimes et les survivants, qui vivent encore dans la douleur, attendent impatiemment que justice soit faite. Ce silence ne peut plus durer, et l’inaction ne peut plus être une option.
Ainsi, je vous demande avec insistance :
La reconnaissance officielle des événements de 1989 comme un génocide, pour rendre justice à la mémoire des victimes.
L’ouverture immédiate d’enquêtes indépendantes pour établir la vérité sur le nombre de morts, les disparus, les déplacements forcés, et les responsabilités individuelles et collectives.
La mise en place d’une commission vérité et réconciliation, afin de permettre aux victimes et à leurs familles de témoigner et d’être entendues.
La poursuite des responsables identifiés pour que justice soit rendue et que l’impunité cesse d’être la règle.
Le peuple mauritanien a soif de vérité et de justice. Ignorer ce besoin ne fera que renforcer les divisions, alimenter l’injustice, et menacer l’avenir du pays.
En votre qualité de Président, vous avez le pouvoir et le devoir de mettre fin à des décennies de silence et de déni.
En vous engageant pour la vérité et la justice, vous feriez un geste historique, ouvrant la voie à une réconciliation nationale sincère, solide et durable.
Ibrahima NIANG
Nice le 27/11/2024