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07-12-2024

11:12

Vidéo. Une fonctionnaire se bat pour les enfants victimes de violences sexuelles en Mauritanie

Ohchr - « Même à 4 heures du matin, je dois être là », déclare la commissaire Hindou Mohamed Laghdaf, qui dirige l’une des trois brigades des mineurs à Nouakchott, la capitale de la Mauritanie. Face aux violences et aux abus, Hindou Laghdaf est toujours prête à répondre à l’appel et veille à ce que les mineurs les plus vulnérables du pays soient entendus, en particulier dans une société où les tabous sexuels et culturels enferment souvent les survivants dans le silence.

« Chaque personne mineure est avant tout une victime, même lorsqu’elle commet un acte répréhensible », a-t-elle déclaré.

Sa brigade s’occupe principalement des violences commises contre les enfants, y compris des affaires de traite d’enfants et de violence domestique. Dans toute infraction impliquant des mineurs, elle et son équipe sont là pour intervenir.

Un système en crise

La Mauritanie connaît une véritable crise liée à la violence fondée sur le genre affectant les femmes, les filles et les garçons. Même les données du Gouvernement, que l’on estime limitées, indiquent que 10 % des filles et des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des violences physiques, 6 % d’entre elles étant des violences sexuelles. Pourtant, deux tiers des cas ne sont pas signalés en raison de pressions culturelles.

La brigade de Hindou Laghdaf et le nombre croissant d’unités dirigées par des femmes permettent de briser le silence et incitent les familles à témoigner.

« Les violences sexuelles ont toujours été taboues en Mauritanie et les familles réglaient généralement les problèmes entre elles. Nous avons sensibilisé les écoles et les médias à l’existence de nos brigades spécialisées pour les mineurs, de sorte que les familles connaissent mieux leurs droits et sont désormais plus enclines à venir elles-mêmes déposer une plainte », explique la commissaire.

Malgré les progrès réalisés, d’importants obstacles subsistent. De nombreuses familles retirent encore leur plainte, en particulier dans les affaires de viol. « Cela n’arrête pas les enquêtes, mais cela affaiblit nos démarches », fait remarquer Mme Laghdaf. Toutefois, elle et son équipe continuent de faire changer les choses, conscientes de l’urgence de protéger les mineurs.

Lors d’une affaire particulièrement marquante, elle et son équipe ont traqué un violeur en série qui s’en prenait aux jeunes filles, travaillant sans relâche jusqu’à ce qu’il soit capturé. « Les filles étaient traumatisées, nous étions en alerte 24 heures sur 24 et nous n’avons pas dormi pendant la chasse à l’homme. J’ai refusé de quitter mon bureau jusqu’à ce qu’il soit arrêté », se souvient-elle.

L’importance des formations et d’un appui

Fière des succès de sa brigade, Hindou Laghdaf souligne le rôle des partenariats formés avec des groupes de la société civile et l’importance de la formation qu’elle a reçue grâce au HCDH. Cette formation a porté sur des sujets allant des questions humanitaires et des droits des femmes au maintien de l’ordre, en passant par les capacités de direction.

La commissaire a également participé à plusieurs ateliers sur la formation des formateurs. Elle a elle-même assuré plusieurs formations destinées aux fonctionnaires pour les aider à détecter les cas de violence contre les enfants, y compris les violences sexuelles, et à y répondre en tenant compte du traumatisme subi par les victimes.



« Nous avons encore de nombreux obstacles à surmonter, mais la population est de plus en plus sensibilisée à la question des viols. Les tribunaux ne rejettent plus instantanément la faute sur les filles... Ils font preuve de plus de fermeté et de sévérité, et les violeurs bénéficient de moins d’impunité », indique Salamata Ouedraogo, spécialiste des droits humains du HCDH en Mauritanie.

Le HCDH soutient par ailleurs les activités de sensibilisation en faveur de la loi Karama, qui vise à renforcer les mécanismes de prévention et de réparation concernant la violence fondée sur le genre en Mauritanie.

Toutefois, la loi se heurte encore à des résistances dans les milieux les plus conservateurs, ce qui rend le travail de Hindou Laghdaf essentiel pour faire évoluer les attitudes culturelles, en particulier lorsque la législation est lente à se mettre en place.

Un engagement sans faille



Pour la commissaire, ce travail est une affaire personnelle. Diriger une brigade axée sur les filles et les garçons est émotionnellement éprouvant, mais elle trouve sa force dans ses liens avec les survivants. Elle reste souvent en lien avec eux après la fin de la procédure judiciaire et veille à ce qu’ils bénéficient d’un soutien continu de la part des ONG et d’autres services sociaux. « C’est un métier très humain, qui me donne de la force », explique-t-elle.

Sa détermination dans ce domaine reflète également les défis plus larges du système judiciaire mauritanien, en particulier dans le cas des enfants. Le système est toujours confronté à un manque de ressources, à des pressions sociétales pour régler les affaires de manière informelle et à une protection précaire des victimes dans les zones rurales.

La stigmatisation sociale et la peur des représailles poussent les victimes de la violence fondée sur le genre à garder le silence. Pourtant, le travail accompli par Hindou Laghdaf permet de changer la façon dont la société perçoit la violence à l’égard des enfants.

« Nous avons un numéro de téléphone spécial pour les personnes qui souhaitent porter plainte », indique-t-elle. « Il existe une structure hospitalière spéciale pour les cas de viol, et le système judiciaire fournit un travailleur social et un avocat pendant l’enquête. Nous faisons tout notre possible pour protéger la victime. »

Comme Hindou Laghdaf, d’autres fonctionnaires contribuent à redéfinir la manière dont la Mauritanie traite la violence contre les enfants et la violence fondée sur le genre. Son travail ne consiste pas seulement à résoudre des affaires, mais aussi à transformer la société, qui s’engage petit à petit à protéger ses membres les plus marginalisés.

Du moment où Hindou Laghdaf décroche son téléphone à l’aube pour s’occuper d’une nouvelle affaire, jusqu’aux longues nuits passées à se battre pour la justice, son rôle va au-delà des tâches habituelles des forces de l’ordre. « Parfois, les gens viennent chez moi pour me demander de l’aide.

Les portes de notre brigade sont grandes ouvertes. Les gens savent que nous serons à l’écoute, et quand j’explique ce qui se passera s’ils portent plainte, un climat de confiance s’installe. »



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