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Succession ouverte II : La liste des prétendants s’allonge
Le Calame -- La semaine dernière, nous avancions le nom de potentiels candidats à la succession, en 2029, de l’actuel président Ghazouani. Mais, selon les causeries de salons et de bureaux, la liste est loin d’être close.
Parmi les potentiels autres prétendants, on cite ainsi l’actuel ministre des Affaires étrangères, Mohamed Salem Merzoug, Moulaye Mohamed Laghdaf, ministre secrétaire général de la présidence de la République et le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ahmed ould Mohamed Lemine.
Du côté de l’opposition, si l’on parle beaucoup du député et président de l’IRA, Biram Dah Abeïd, certains évoquent le député El Id Mohameden M’Bareck qui peut rempiler dans quatre ans ou encore l’autre député du FRUD, Ghaly Diallo qui s’est fait remarquer par des attaques virulentes contre le pouvoir à l’Assemblée Nationale Comme on le voit, la palette des ambitions réelles ou supposées est donc large, selon les supputations en cours, et risque fort occuper les Mauritaniens lors des quatre prochaines années.
Côté système en place
Mohamed Salem Ould Merzoug est un homme bien connu de l’échiquier politique : il a gravi les échelons de l’Administration et dispose d’une carrière très riche. L’homme est monté en grade depuis l’élection du président Ghazouani en 2019 et en est réputé très proche.
Au ministère de l’Intérieur lors du premier mandat de celui-ci, il était même considéré par certains comme le Premier ministre « bis », empiétant beaucoup sur les prérogatives d’Ould Bilal. On le vit beaucoup sur le terrain pendant le COVID avec le ministre de la Défense, Hanana ould Sidi, déjà cité comme potentiel successeur de l’actuel Président. Il dispose d’une base électorale à El Mina.
Après la réélection de Ghazouani, son nom avait circulé comme Premier ministre potentiel en place d’Ould Bilal car beaucoup pensaient qu’avec la nomination de ce dernier dans le cadre de la discrimination positive, la Primature allait revenir aux Haratines. Les cartes ont vite été rebattues et il a hérité des Affaires étrangères, poste régalien dont il ne voulait pas, affirmaient certaines rumeurs.
L’homme est connu pour sa discrétion, ce qui peut être un bon atout, quoique certains le trouvent trop « casanier ». Sa candidature en 2029 paraît en tout cas entrer dans le cadre du combat que le système mènerait contre celle de Biram Dah Abeïd.
Autre prétendant cité, l’actuel ministre secrétaire général de la présidence de la République. Homme de l’Est, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf est un technocrate convaincant par ses qualités de commis de l’État.
Ancien Premier ministre, il jouit de la confiance de l’ancien et du nouveau président de la République. Alors que beaucoup le donnait comme fini – son nom avait été cité par le passé mais, à l’arrivée, les militaires avaient fini par se passer le témoin – il renaquit pourtant de ses cendres, comme un phœnix, et sut s’imposer indispensable au pouvoir actuel. Homme des renseignements, Ghazouani en fit son bras droit et une pièce maîtresse de la présidence de la République.
L’actuel ministre de l’Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, est jugé très puissant au sein du gouvernement de son marabout Ghazouani. Certains considèrent qu’il lui fait ombrage, quand il était directeur de cabinet au Palais. De par son portefeuille ministériel, il reste incontournable dans le gouvernement, un poids que l’actuel Premier ministre ne voulait pas porter, semble-t-il.
Quand il fut chargé de former son premier gouvernement, Ould Djay fut accusé d’avoir voulu se débarrasser d’Ould Mohamed Lemine, de Hanana Sidi, du ministre de la Justice Ould Boye et d’Ould Merzoug. Il aurait fallu une longue et âpre bataille pour que ce carré demeure au sein de l’actuel gouvernement de l’homme de Maghta Lahjar.
Ould Mohamed Lemine connaît parfaitement les rouages de l’État ; il a organisé, en tant que ministre de l’Intérieur de la Transition (2005-2007) les élections locales et la présidentielle de 2007.
Cet arabisant pur sucre est réputé froid et imperturbable. Malgré son départ du cabinet de la Présidence, il reste un des membres du gouvernement les plus proches – en tout cas le plus consulté – du président de la République et sollicité par le microcosme politique. Son bureau à l’Intérieur reste très visité, tant par les acteurs politiques de la majorité que par certains de l’opposition ; ses interventions seraient, dit-on, très « productives ».
C’est dire que la bataille au sein de la majorité se poursuivra… jusqu’à ce que le président Ghazouani et ses proches manifestent leur préférence. Un choix qui risque très fort d’échapper aux civils : le rang des généraux est serré et les civils ne pèsent pas assez lourd pour les renvoyer dans leurs casernes.
Côté opposition
La candidature de Biram Dah Abeïd reste des plus probables. Il ira à la bataille pour la quatrième fois, même si ses chances face au « système » restent assez faibles. Son combat contre celui-ci et la persistance de certaines pesanteurs sociales, tribales et politiques ont certes contribué à faire évoluer quelques esprits mais le chemin reste très long et parsemé d’embuches.
Certains croient dur comme fer que la Mauritanie n’est pas encore prête à se laisser diriger par un homme de couleur ; de surcroit de l’opposition. Biram aura été en tout cas le seul à avoir démystifié divers comportements et le dévoiement de la religion pour justifier de glauques pratiques esclavagistes.
En 2019, il dérangea fortement le pouvoir qui dut déployer des moyens de guerre dans les quartiers réputés proches de l’opposition, particulièrement à Sebkha et El Mina. Lors de la dernière présidentielle de Juin 2024, il est arrivé en seconde position derrière ould Ghazouani, accusant le pouvoir d’avoir suscité des candidatures pour disperser les voix de l’opposition et donc contrecarrer sa force.
Sa contestation « mitigée » des résultats – il lui est reproché d’avoir par deux fois exclu l’idée d’appeler ses supporters à descendre dans la rue pour protester – est considérée comme une abdication par beaucoup… quand d’autres, et non des moindres, jugent que cette posture témoigne d’une maturité politique, refusant de jeter les citoyens en pâture aux forces de l’ordre et, partant, de donner l’occasion de l’arrêter et de le jeter en prison pour incitation à la violence…
Biram paraît le seul candidat de l’opposition capable de mobiliser face au candidat du pouvoir. C’est peut-être pourquoi le ministère de l’Intérieur rechigne à reconnaître son parti, le RAG, et tente toujours de saper l’unité de l’opposition autour de sa candidature.
Son rapprochement avec l’aile radicale de l’opposition noire notamment avec Samba Thiam, le président des FPC, est très mal perçu par le système. Cette convergence clairement concrétisée par la naissance de la « coalition antisystème » qu’il préside pourrait constituer une étape vers la prochaine présidentielle.
Élu en 2023 député du parti FRUD, Ghaly Diallo était cité parmi les prétendants au fauteuil présidentiel en 2024. Son entrée en politique avait démarré en 2019, au sein du directoire de campagne du candidat Sidi Mohamed Boubacar et aurait, depuis, dévoilé ses ambitions à plusieurs de ses amis.
Ce jeune s’est fait connaître sur les réseaux sociaux en tant qu’activiste et lanceur d’alerte. Il est devenu une coqueluche de la jeunesse qui s’est identifié à lui et à son combat pendant les campagnes des locales (2023) et de la présidentielle. Il fut directeur de campagne du candidat maître El Id Mohameden M’Bareck.
À l’Assemblée nationale, ses attaques et dénonciations virulentes contre le président de la République et les membres de son gouvernement sont bien appréciées par une partie de la population, en particulier chez les jeunes. Mais les divisions apparues au sein du FRUD risquent fort lui porter préjudice. Son séjour en France en ce mois de Février apparaît comme une offensive de charme auprès de la diaspora très disputée lors des élections.
Dalay Lam