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Briser les chaînes du tribalisme et de la féodalité pour libérer l'avenir de la Mauritanie / Par Mansour LY
La Mauritanie n’est définitivement pas une terre ordinaire. C’est une nation où les siècles se bousculent, où l’ombre pesante des tribus et des grandes familles cohabite difficilement avec les aspirations pressantes d'une jeunesse en quête d’équité, de liberté et d’avenir. Ici, tradition rime encore trop souvent avec exclusion, et modernité peine à dépasser le stade des discours.
Dans ce pays à la croisée des mondes, les hiérarchies héritées de l’histoire coloniale et précoloniale continuent d'exercer une emprise considérable sur le destin collectif. Même habillé de démocratie, l’État demeure prisonnier de clans familiaux et tribaux omniprésents, qui font et défont les carrières, attribuent les privilèges et verrouillent l’accès au pouvoir.
Dans ce jeu opaque, la compétence reste secondaire : seuls comptent encore le nom, l’appartenance tribale ou les alliances familiales.
Cette réalité douloureuse n’est pas seulement le résultat d’une élite conservatrice. Elle est aussi le reflet d’une société qui s’est longtemps accommodée de ces logiques féodales et tribales. Car le tribalisme, principalement ancré chez la composante maure, n’est pas le seul obstacle : chez les autres communautés telles que les Peuls, Soninkés et Wolofs, la féodalité et les hiérarchies sociales strictes continuent également de freiner toute dynamique de changement profond. Ces systèmes de castes et de classes sociales entretiennent les divisions, perpétuent les inégalités et rendent la solidarité nationale encore plus difficile à réaliser.
Pourquoi, après tant d’années d’indépendance, sommes-nous encore incapables de nous unir autour de l’essentiel ? Pourquoi nos appartenances ethniques, tribales ou sociales continuent-elles de dicter nos choix, nos amitiés, nos opportunités ? Pourquoi la méfiance prime-t-elle sur la solidarité ? Nous nous accommodons trop facilement de ces réalités qui renforcent les blocages, augmentent les tensions et rendent tout progrès social complexe, voire impossible.
Le système tribal et féodal n’est plus seulement obsolète : il est devenu un fardeau insupportable qui condamne la Mauritanie à l’immobilisme. Cette prison sociale ne produit que frustrations, rancœurs et divisions. Tant que nous continuerons à glorifier la naissance plutôt que le mérite, tant que nous préférerons l’allégeance communautaire ou féodale à la compétence individuelle, aucun progrès réel ne sera possible, même avec les dirigeants les mieux intentionnés.
Face à ce constat douloureux, une nouvelle génération mauritanienne émerge, déterminée à rompre radicalement avec cet héritage toxique. Ces jeunes refusent d’être condamnés par leur nom, leur origine tribale ou leur appartenance sociale. Inspirés par le monde qui les entoure, connectés et ouverts, ils revendiquent une société véritablement moderne, équitable, où les libertés individuelles sont respectées et où chacun a la possibilité de réussir grâce à ses propres talents et à son mérite.
Ils ne demandent plus la permission de s’exprimer, d’agir ou de rêver : ils imposent déjà leur voix, innovent au quotidien, bousculent les codes archaïques, créent de nouveaux espaces de liberté et d’expression.
La Mauritanie doit impérativement repenser la place accordée aux traditions tribales et féodales. Celles-ci ne doivent plus jamais être synonymes d’injustice et de privilèges immérités. La tradition ne doit plus servir de prétexte à l’exclusion, mais être au contraire une source d’inspiration, enrichissant une identité collective pleinement assumée.
Changer les dirigeants ne suffira jamais si nous ne changeons pas aussi profondément notre manière de vivre ensemble, de concevoir le pouvoir, de valoriser le mérite et de respecter la diversité. Une réforme politique sincère doit être accompagnée d’une véritable révolution sociale et culturelle.
Le changement viendra avant tout d’une prise de conscience collective : refuser enfin les logiques tribales et féodales, exiger la justice et l’équité, favoriser le mérite et l’ouverture aux autres.
Ce combat est celui d’une jeunesse qui a décidé de ne plus attendre. Par son audace, sa détermination et ses rêves, elle est déjà en train de réconcilier la Mauritanie avec elle-même et d’offrir au pays la possibilité d’un avenir où la modernité ne sera plus seulement une promesse, mais une réalité partagée par tous.
Mansour LY