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Dialogue politique : Peut-on être optimiste ?
Le Calame -- Les premiers préparatifs du dialogue en gestation incitent à se demander s’il sera sérieux, inclusif et sans tabou. Les sceptiques y voient une énième diversion du pouvoir qui chercherait à gagner du temps pour le reste du dernier mandat du président Ghazouani ; donc un dialogue « comme les autres », excepté celui tenu sous la Transition 2005 -2007 qui avait accompli de réelles avancées.
Les optimistes saluent pour leur part une volonté politique du président de la République à trouver des solutions consensuelles à un certain nombre de problèmes auxquels le pays est confronté depuis des décennies.
À la différence des dialogues organisés depuis 2005, Mohamed ould Ghazouani a désigné un coordinateur-facilitateur dont le nom semble faire consensus. Moussa Fall, puisque c’est de lui qu’il s’agit, dispose d’une expérience politique avérée, connaît le pays et ses hommes mais est surtout imbibé des tracas que connaît son pays.
Du coup, il devra ménager la vielle garde dont il connaît les humeurs et les egos, tout en convainquant et rassurant la jeune génération qui ne manquera pas d’épingler sa « proximité » avec le pouvoir. Un jeu d’équilibre qu’il peut bien surmonter… si le mandat qui lui est confié est bien établi.
L’homme n’a rien à perdre aujourd’hui : il a beaucoup perdu par le passé et cela ne l’a pas empêché de survivre à la décennie.
Mais il ne dispose certainement pas d’une baguette magique pour accomplir sa mission, puisqu’il n’est que facilitateur. Toujours est-il qu’il a ouvert sans tarder les manœuvres et déjà rencontré divers acteurs de l’opposition, histoire probablement d’en tâter le pouls. Au cours de sa première conférence presse du 7 Avril (voir en encadré), il a présenté la méthodologie de son travail.
Une question lancinante
On se pose à présent la toujours lancinante question de l’unité nationale : sera-t-elle sérieusement débattue afin d’y trouver une solution consensuelle et définitive ? Certes, les partis de l’opposition et même de la majorité disent en faire une préoccupation majeure ; des ateliers, des séminaires et autres conclaves lui sont consacrées mais elle n’en continue pas moins à cliver la situation politique du pays.
Quoiqu’il n’y ait, en apparence, pas de problème dans la cohabitation et dans le vivre ensemble, les conséquences des douloureux évènements de 1987-1991 maintiennent la méfiance entre les différentes composantes du pays.
Le passif humanitaire que nient certains extrémistes, en dépit de la déclaration officielle du président de la République décidé à y trouver une solution consensuelle et définitive, demeure une plaie que traîne l’unité nationale. Des négociations ont été entamées avec les organisations des victimes qui se disent aujourd’hui optimistes et croient imminente la signature d’un accord concluant.
Mais il fait avouer que les choses traînent en longueur, à cause, dit-on, de quelques membres de la diaspora et de certaines veuves qui continuent à réclamer la traduction des auteurs des exécutions extrajudiciaires devant les tribunaux. Les partis politiques et mouvements à leadership noir dénoncent en même temps les exclusions et les discriminations dont elles font l’objet.
Le récent lynchage médiatique dont a été victime le député Ghali Diallo pour avoir dénoncé ces discriminations et inégalités vient démontrer combien la question de l’unité nationale et du vivre ensemble reste un problème à régler impérativement.
Il y va de l’intérêt du pays dans un contexte sahélien très trouble. Il ne sert à rien de poursuivre la politique de l’autruche consistant à nier les difficultés. Ce n’est pas parce qu’on a la possibilité de piller les ressources du pays, de s’acheter des villas ici et à l’étranger qu’on peut se permettre de fermer les yeux sur les réels problèmes du pays.
Le dialogue à venir va-t-il enlever nos œillères et nous permettre enfin de voir ceux-là avec des yeux nouveaux ? Les acteurs politiques doivent accepter les sacrifices nécessaires à cette fin. C’est ce qu’attendent d’eux leurs compatriotes.
Dalay Lam
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Encadré
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Moussa Fall explique la métrologie du projet de dialogue
Dans sa première rencontre avec la presse, le lundi 7 Avril au siège de la coordination du dialogue en gestation, son facilitateur, monsieur Moussa Fall, a expliqué le contexte dans lequel le projet est né, avant de décliner la métrologie qu’il entend mettre en œuvre pour préparer et réussir ledit dialogue dont le président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani, lui a confié la mise en œuvre depuis le 9 Mars dernier.
« Un projet très important pour le pays et son avenir », a souligné le facilitateur, « une opportunité historique dans la mesure où il entend ouvrir un débat entre les acteurs politiques, la Société civile et toute autre personne capable d’apporter une valeur ajoutée sur les questions nationales ».
Et d’indiquer, dans cette optique, que les portes de son bureau sont largement ouvertes à tous ceux qui voudraient apporter leur contribution, avant de souligner que la coordination est indépendante du gouvernement et des chapelles politiques.
Évoquant la première phase des préparatifs du dialogue, Moussa Fall a décliné son approche. Sitôt désigné, « j’ai rencontré plusieurs acteurs politiques et envoyé des questions aux vingt partis politiques officiellement reconnus et aux quatre candidats à la dernière présidentielle. […]. Il s’agit », précise-t-il, « d’un échantillon qui pourra être élargi.
Les questions portent sur les objectifs, les thèmes les attentes, la méthodologie, la liste des participants et le mécanisme de suivi du dialogue. Cette nouvelle approche vise à mettre en place une feuille de route consensuelle, après une synthèse globale des différentes propositions et un feedback avec les intéressés. […].
Notre souci est de faire participer tout le monde, conformément à la volonté du président de la République qui voudrait un dialogue inclusif et participatif ». Les réponses à ces questions sont attendues dans les prochains jours, elles permettront l’ébauche de la feuille de route et, éventuellement, d’élargir la liste des participants.
Quant au temps que pourrait prendre ces préparatifs puis le lancement du dialogue, « les prochaines élections sont prévues dans près de quatre ans », rappelle Moussa Fall, « rien ne presse pour préparer sérieusement le dialogue afin d’assurer son succès ». Interpelé par ailleurs sur sa nomination au conseil de la BCM, Moussa Fall a indiqué qu’elle découle de deux critères qu’il pense remplir amplement : la compétence et l’indépendance.