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Afrique de l’Ouest: l’Europe orientale s’invite dans le vide laissé par la France
RFI Afrique -
Petr Pavel a conclu, jeudi 10 avril 2025, une visite historique en Afrique de l’Ouest, la première d’un chef d’État tchèque dans la région. De la Mauritanie au Ghana, il a affiché la volonté de Prague de renforcer sa présence diplomatique et sécuritaire sur le continent, en inaugurant, notamment, un hôpital et en participant à un forum économique. Une diplomatie offensive qui intervient alors que la France réduit sa présence dans la région.
C’est une petite phrase qui en dit long. En proposant de former des soldats mauritaniens pour sécuriser la frontière avec le Mali, la République tchèque affiche sa volonté de s’impliquer en Afrique. Et elle n’est pas la seule.
La Hongrie a signé un accord sécuritaire avec le Tchad en septembre 2024. La Slovénie, elle, organise chaque année un forum de haut niveau consacré au continent.
Pour Alex Vines, directeur du programme Afrique à Chatham House, ces pays tentent de combler le vide laissé par la France.
"Les pays d’Europe centrale voient une opportunité pour s'engager sur ce terrain. Ils n’ont pas le passif colonial des anciennes puissances impériales, ce qui leur permet de trouver des points d’entrée, notamment en Afrique de l’Ouest, sur les questions de paix et de sécurité."
« Mais ce sont surtout les échanges commerciaux et les investissements qui les motivent », explique-t-il, au micro de Christina Okello, de la rédaction Afrique.
Une stratégie qui porte parfois ses fruits : ainsi la Slovénie a décroché un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, après des années de présence active sur le continent africain.
Mais ces ambitions restent encore limitées, tempère Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’IFRI. Selon lui, « beaucoup d’initiatives restent sans suite. Le seul cas, c’était la Hongrie au Tchad... le déploiement des militaires qu’ils avaient prévus n’a toujours pas eu lieu. Il y a d'autres acteurs beaucoup plus importants, comme la Turquie ou Israël, qui eux occupent un espace de plus en plus grand », souligne-t-il.
Des relais pour d'autres puissances ?
Autre enjeu, poursuit Thierry Vircoulon : certains pays d’Europe de l’Est pourraient être instrumentalisés. « Ça peut être une façon pour la Russie de ne pas s'impliquer, mais de faire en sorte que des régimes alliés le fassent à sa place dans la zone francophone, d'où la Russie a poussé la France dehors », analyse-t-il.
Autre pays à suivre : la Roumanie. Elle a récemment nommé un envoyé spécial pour le Sahel, basé à Alger, et renforce discrètement sa présence dans la région. Et si sa diplomatie progresse lentement, des acteurs privés roumains ont déjà été repérés sur le terrain, notamment dans l’Est de la RDC.
Par RFI