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Mauritanie -Sénégal | GTA : l’exportation du gaz a commencé
Afrimag - Après les craintes causées par la fuite au niveau de l’un des puits, l’espoir revient, en Mauritanie et au Sénégal, avec l’annonce de la réussite d’une première exportation du gaz de Grand Tortue Ahmeyim (GTA) qui fait entrer les deux Etats voisins dans l’histoire des pays exportateurs de gaz.
En effet, le 17 avril dernier, le géant énergétique British Petroleum (bp) a annoncé le chargement réussi de sa toute première cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis le projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), situé à la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie.
Cette opération marque officiellement le début des exportations de GNL pour les deux pays, qui entrent ainsi dans le cercle restreint des nations exportatrices de gaz.
bp souligne, dans un communiqué, que ce chargement représente une étape majeure dans le développement du projet GTA, considéré comme l’un des plus ambitieux d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit également du troisième projet majeur de l’entreprise en 2025, dans le cadre de sa stratégie mondiale axée sur le secteur amont.
«C’est l’aboutissement de plusieurs années de travail collectif. Félicitations à toutes les équipes impliquées ! Je remercie aussi les gouvernements de la Mauritanie et du Sénégal ainsi que nos partenaires Kosmos Energy, Petrosen et SMH», a déclaré Gordon Birrell, vice-président exécutif chargé de la production et des opérations chez bp.
Le gaz extrait à plus de 2 850 mètres de profondeur est traité sur une unité flottante de liquéfaction (FLNG) amarrée à environ 10 km des côtes. À pleine capacité, la phase 1 du projet GTA devrait produire 2,4 millions de tonnes de GNL par an, une partie étant réservée aux besoins énergétiques locaux, le reste destiné aux marchés internationaux.
Ce lancement intervient après l’annonce, plus tôt cette année, du tout premier flux de gaz extrait du site. Classé projet d’importance nationale stratégique par les deux États, GTA représente aussi un défi technologique de taille, avec des installations offshore situées à 120 km au large.
Avec cette première cargaison de GNL, BP et ses partenaires ouvrent une nouvelle ère énergétique en Afrique de l’Ouest, tout en posant les bases des prochaines phases du projet pour répondre à la demande mondiale croissante en gaz naturel liquéfié.
Risques de déception pour les populations
En Mauritanie, après l’euphorie de la découverte, en 2015, puis celle de la mise en exploitation progressive, l’on commence à classer cette histoire du gaz en non évènement, se rappelant que ce n’est pas la première grande manne dont bénéficie le pays. Il y a eu le fer de la SNIM, dès les premières années de l’indépendance, après la nationalisation de la Miferma.
Il y eut également la grande époque de l’exploitation de la ressource halieutique avec des flottes nationales et étrangères (russe, chinoise, coréenne, européenne, japonaise, turque, etc.), l’or de Tasiast exploité depuis 2010 par Kinross Gold Corporation à travers sa filiale Tasiast Mauritanie Limited S.A. (TMLSA) qu’elle détient à 100%, le cuivre d’Akjoujt dont l’histoire est tout aussi étonnante en termes de quasi non rentabilité sociale de la MCM, la Mauritanien Copper Mines S.A, une filiale de First Quantum Minerals Ltd. (Canada).
Certes, le gouvernement mauritanien se défend en avançant que l’argent versé par ces sociétés contribuent au financement de projets sociaux dans les domaines de la santé, de l’éducation et des infrastructures de base, mais les populations ne connaissent que ce qui tombe directement dans leurs escarcelles ! Elles regardent constamment du côté des pays du Golfe où la manne des hydrocarbures a favorisé un développement sans précédent plaçant les pays de la région parmi les premiers au niveau mondial en termes de revenu par tête et d’amélioration des conditions de vie.
Qu’en sera-t-il au pays de Diomaye et Sonko ?
Au Sénégal aussi, les attentes sont identiques. L’arrivée de nouveaux dirigeants, plus en phase avec les aspirations de la jeunesse, a suscité l’espoir d’une gouvernance économique plus vertueuse avec, comme première exigence, une reconsidération des accords signés par le président Macky Sall avec bp et Cosmos Energy.
Les Sénégalais se focalisent donc sur ce projet de transformation du gaz en électricité par la technologie «gaz to power.»
Pour ce faire, des centrales à gaz vont être construite, comme Ndar Énergie au nord du pays, d’une capacité de 200 mégawatts. D’autres centrales qui fonctionnent actuellement au fioul seront converties. Au Sénégal, l’électricité est produite à 80% à partir de produits pétroliers importés. L’arrivée du gaz aura un impact positif sur la souveraineté énergétique du pays qui, jusqu’à présent, importe du fuel relativement cher. Le fait d’utiliser du gaz permettra de réduire considérablement les coûts et d’utiliser les ressources gagnées dans des projets à fort impact social. Un expert estime qu’on peut anticiper même sur les baisses au consommateur final de l’ordre de 30% de ce qu’il paie classiquement.
A l’échelle du pays, l’arrivée du gaz et son utilisation pour produire plus d’électricité permettra surtout d’aller vers l’industrialisation qui reste l’un des plus gros soucis de l’Afrique, que ce soit dans le fer, l’agroalimentaire, la pétrochimie, les engrais…
Mais l’attente la plus grande, depuis l’entrée en production des gisements d’hydrocarbures, est celle d’une croissance de l’économie sénégalaise qui pourrait doubler, selon les estimations de la Banque mondiale.
Par Mohamed Sneïba, Correspondant Permanent - Nouakchott